La souveraineté de l'état en période de conflits déstructurés.( Télécharger le fichier original )par Paul Mystère Léonnel NTAMACK BATH Université de Douala - Master II Recherche Droit international public 2010 |
2- Le cadre conceptuel et théorique de l'étudeLe cadre conceptuel et théorique de l'étude, permet d'appréhender la souveraineté selon le dictionnaire de droit international public comme une notion qui, dans l'ordre interne, exprime la puissance suprême (Suprema Protestas) de gouverner, de commander et de décider et qui, liée à l'apparition de l'Etat moderne, est inséparable de celui-ci26(*). Dans l'ordre international, c'est le caractère de l'Etat signifiant qu'il n'est soumis à aucun autre pouvoir de même nature27(*). Aussi, la souveraineté est l'aptitude légale de l'Etat, pleine et entière, qui lui permet du moins potentiellement d'exercer tous les droits que l'ordre juridique international connaît et en particulier la faculté de décider d'accomplir un acte, de poser des règles28(*). La souveraineté est encore l'exercice du pouvoir pour l'Etat de décider lui-même des limitations à ses pouvoirs sans ingérence étrangère29(*). De plus, la souveraineté de l'Etat prise dans son sens initial selon le lexique des termes juridiques, est un caractère suprême de pouvoir étatique30(*). En outre, dans son sens dérivé, la souveraineté de l'Etat désigne le pouvoir étatique lui-même, pouvoir de droit (en raison de son institutionnalisation), originaire (c'est-à-dire ne dérivant d'aucun autre pouvoir) et suprême (en ce sens qu'il n'a pas d'égal dans l'ordre interne ni de supérieur dans l'ordre international)31(*). La doctrine classique aujourd'hui contestée, fait de la souveraineté le critère de l'Etat32(*). Ainsi, la souveraineté apparaît comme la source des compétences que l'Etat tient du droit international : celles-ci ne sont pas illimitées mais aucune autre entité n'en détient qui soient supérieures33(*). Comme l'a rappelé la Chambre d'appel du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, « en droit international coutumier, les Etats par principe, ne peuvent recevoir d' « ordres » qu'ils proviennent d'autres Etats ou d'organismes internationaux »34(*). La souveraineté reste bien l'attribut fondamental de l'Etat35(*). A travers l'égalité souveraine, c'est l'indépendance de l'Etat qui est affirmée36(*). La jurisprudence internationale assimile systématiquement souveraineté et indépendance37(*). Ainsi, l'arbitre Max HUBER déclare dans l'affaire de l'Ile des Palmes : « La souveraineté dans les relations entre Etats signifie l'indépendance »38(*). La notion de souveraineté internationale, ainsi définie, ne semble en rien différer de la notion d'indépendance, dont ont sait quelle est une condition de l'apparition de l'Etat sur la scène internationale39(*). Pour une ample compréhension, il faut noter que les Etats sont égaux en tant qu'ils sont souverains, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas en droit de supérieur ; la souveraineté internationale de l'Etat ne s'analyse pas en termes positifs comme un ensemble de pouvoir qu'il détiendrait sur ses sujets ou sur les autres, elle est un attribut négatif et signifie qu'aucun pouvoir légal ne peut s'exercer sur lui. C'est de cette souveraineté, excluant en premier lieu l'existence d'un super-Etat, que résulte en second lieu l'égalité des Etats dont chacun est également dépourvu de pouvoir sur chacun des autres, dans toute la mesure où la détention d'un pouvoir sur un sujet est une négation de la souveraineté de celui-ci. Plus encore, l'on doit garder à l'esprit que la souveraineté n'implique nullement que l'Etat peut s'affranchir des règles du droit international40(*). Au contraire, l'Etat n'est souverain que s'il est soumis directement, immédiatement au droit international41(*). De ce fait, en droit international, la souveraineté de l'Etat n'est pas absolue mais relative, elle repose sur l'indépendance et l'égalité des Etats42(*). Quant aux conflits déstructurés, il faut préciser qu'ils sont et demeurent avant tout, des conflits armés non internationaux. Conflits dans lesquels les forces gouvernementales s'opposent aux forces d'un ou de plusieurs groupes dissidents ou rebelles à l'intérieur des frontières établies ou dans lesquels de tels groupes, échappant au contrôle gouvernemental s'affrontent43(*). Tout compte fait, les conflits déstructurés sont regroupés dans l'expression « nouveaux conflits »44(*). Les « nouveaux conflits », sont des conflits armés sui generis ou de la nouvelle génération, qui ne sont prima facie, ni les conflits armés internationaux, ni les conflits armés non internationaux classiques, ainsi définis respectivement dans les protocoles additionnels I et II aux Conventions de Genève de 1977. Ayant fait son apparition à la fin de la bipolarisation du monde, l'expression « nouveaux conflits » recouvre en fait deux (02) types de conflits distincts : ceux qui sont dits « déstructurés » et ceux qui sont qualifiés d' « identitaires » ou « ethniques »45(*). Les conflits « déstructurés », certainement la conséquence de la fin de la guerre froide, se caractérisent souvent par l'affaiblissement ou la disparition - partielle et parfois même totale - des structures étatiques46(*). Dans ces situations, des groupes armés profitent du vide politique pour chercher à s'emparer du pouvoir. Mais ce type de conflit se caractérise surtout par l'affaiblissement voire la dissolution de la chaîne de commandement au sein des groupes armés47(*). Les conflits « identitaires », pour leur part, visent souvent l'exclusion de l'autre par la « purification ethnique », qui consiste à déplacer de force les populations, voire à les exterminer48(*). Sous l'effet d'une spirale de propagande, de peur, de violence et de haine ; ce type de conflit renforce la notion de groupe au détriment de l'identité nationale existante et exclut toutes possibilités de cohabitation avec d'autres groupes49(*). Aussi l'utilisation disproportionnée de la force dans un tel contexte est marquée par une particulière et forte exposition de la population civile à la violence incontrôlée des belligérants. Cadre dans lequel s'inscrit le contexte de l'étude. * 26 Jean SALMON (Dir.), Dictionnaire de droit international public, Préface de Gilbert GUILLAUME, Bruxelles, Bruylant, AUF, p. 1045 * 27 Ibid. * 28 Jean SALMON (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 1045 * 29 Ibid. * 30 Lexiques des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14ème éd., 2003, p. 544 * 31 Ibid. * 32 Ibid. * 33 Patrick DAILLIER/Alain PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 2001, p. 420. * 34 Ibid., pp. 420-421. * 35 Ibid., p. 421. * 36 Ibid. * 37 Ibid. * 38 Ibid., voir C.P.A. 4 avril 1928, R.S.A.,II, p.838 * 39 Jean COMBACAU/Serge SUR, Droit international public, Paris, Montchrestien, 8e éd., 2008, p. 236. * 40 Patrick DAILLIER/Alain PELLET, Droit international public, op. cit., p. 421. * 41 Ibid. * 42 Brice SOCCOL, Relations internationales, Orléans, Paradigmes, 13e éd., 2008, p. 24. * 43 Jean SALMON (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 234. * 44 Expression utilisée par le CICR, Droit international humanitaire : réponses à vos questions, CICR, 2è éd., 2004, p. 18, tiré de Jeanne De Chantal TONYE, « L'application du droit international aux nouveaux conflits », Juris Périodique, n°58, Avril, Mai, Juin, 2004, p. 100. * 45 Extrait de la publication CICR, Droit international humanitaire : réponse à vos questions, CICR, 2è éd., 2004, p. 18. * 46 Ibid. * 47 Ibid. * 48 Ibid. * 49 Ibid. |
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