2.2. L'approche théorique du régime de
change optimal
Le choix du régime de change représente l'une
des décisions de politiques économiques les plus importantes pour
la plupart des pays. Cela est justifiable par le fait que le taux de change est
une variable clé qui détermine les flux des échanges de
biens, services et des capitaux ; et de ce fait a une forte influence sur la
balance de paiement, le niveau général des prix ainsi que sur
d'autres variables macroéconomiques. Les réflexions sur le choix
du régime de change ont pris de l'ampleur avec la mise en place du
système de Bretton Woods en 1944.
En effet, le système de Bretton Woods instauré
en 1944, c'est-à-dire le système d'étalon de change or
(Gold Exchange Standard) amélioré préconisait que les
Etats rétablissent la liberté des changes et les mouvements des
capitaux et s'engageaient à défendre la parité de leur
monnaie en faisant intervenir des fonds de stabilisation des changes. La mise
en place de ce système a été critiquée par Friedman
(1953) qui soutenait que les taux de changes fixes étaient
générateurs de crises spéculatives et
d'instabilité.
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Mais, il faut noter que les travaux de Friedman s'inscrivent
dans une période de faible mobilité des capitaux. Cependant,
Mundell (1960) s'oppose à ce résultat de Friedman. Selon Mundell
(1960), en cas de forte mobilité des capitaux, le système
idéal est celui du taux de change fixe car le taux
d'intérêt influence directement la balance des paiements. Mais
lorsque les capitaux sont immobiles, il préconise le régime de
change flexible.
Dans une étude ancienne, Baxter et Stockman (1989)
utilisent un échantillon de 49 pays pour comparer le comportement de
quelques agrégats économiques clés (la production, la
consommation, les échanges extérieurs et les taux de change
réels) sur une période s'étalant de 1946 à 1986.
Ces auteurs ne trouvent pas de différences systématiques dans le
comportement de ces agrégats selon le régime de change
appliqué.
Mais, Mundell (1995), a comparé la croissance
économique dans les pays industrialisés avant et après
l'effondrement du système de Bretton Woods. Il montre que la croissance
économique a été beaucoup plus rapide au cours de la
première période, lorsque les taux de change étaient
fixes.
Par ailleurs, le régime de change optimal
représente toujours un objet d'étude ambigüe. En effet,
Frankel (1999) refuse même l'idée de son existence tandis que
d'autres théoriciens tels que Mundell (2000), Fisher (2001)
reconnaissent l'existence du régime de change optimal mais ne
l'identifient pas avec précision. Dans ce cadre, Ragzallah (2000)
considère qu'un régime de change est optimal s'il permet de
garantir un niveau maximal de crédibilité des autorités
monétaires. Par ailleurs, Rizzo (1998), Bailliu, Lafrance et Perrault
(2001) supposent que le régime de change optimal permet d'optimiser les
performances économiques du pays tels que l'inflation, la
compétitivité, le commerce, l'investissement et surtout la
croissance économique.
La prise en compte de la nature des chocs par Frankel (1999)
donne trois arguments : la flexibilité est préférable si
les chocs dominants sont des chocs externes nominaux, la fixité est
préférable si les chocs dominants sont des chocs domestiques
nominaux, la flexibilité est préférable si les chocs
dominants sont les chocs externes ou domestiques réels. Ripoll (2001) va
dans la même lancée que Frankel (1999) et Mundell (2001) en
élaborant une liste de facteurs pouvant aider les Etats à choisir
leur propre régime de change. Ces facteurs sont notamment la taille et
le degré d'ouverture de l'économie, le niveau d'inflation, les
chocs internes et externes,
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la mobilité des facteurs, le degré de
flexibilité des prix et des salaires, le degré de
crédibilité des autorités monétaires et le
système de fixation des prix.
En outre, Poirson (2001) suggère que lorsqu'un pays
souffre d'une instabilité politique, il a intérêt à
laisser flotter sa monnaie du fait qu'il est incapable de défendre la
parité fixe. Au contraire, Williamson (2000) et
Bénassy-Quéré et Coeuré (2002) considèrent
que le régime de change fixe ne permet pas d'améliorer la
crédibilité puisqu'elle peut être
générée du fort engagement institutionnel induit par la
fixité. Dans ce cadre, la crédibilité résulte
essentiellement des rigidités institutionnelles et non de la
transparence et l'engagement fort de la banque centrale d'atteindre ses
objectifs annoncés. Il s'agit d'une crédibilité
diluée (Razgallah ; 2000). Ces auteurs recommandent alors aux
autorités des régimes de change intermédiaires pour
renforcer leur crédibilité car ces régimes exigent un plus
fort engagement institutionnel.
Allegret et al (2006), dans leur étude, ont
utilisé un modèle qui a mis en rapport le degré de
flexibilité/rigidité du taux de change et les chocs affectant
l'économie ainsi que les objectifs de politique économique. A cet
effet, leurs résultats ont montré que le degré de
flexibilité du taux de change tend à baisser lorsque l'impact de
la variation du taux de change sur les prix domestiques (pass through) est
élevé la volatilité des chocs nominaux relativement aux
chocs réels est grande ; la perte associée à l'inflation
est importante.
El Hammas et Salem (2006) dans l'étude du régime
de change optimal de la Tunisie ont, à partir des déterminants du
taux de change optimal et au moyen des MCO et la commande forecast de
Eviews4, déterminé le taux de change optimal de la Tunisie
c'est-à-dire le taux de change qui permettrait aux autorités
d'atteindre leurs objectifs de croissance.
Par ailleurs, Oyono (2006), dans une étude sur les
effets réels des régimes de change dans les pays en
développement, utilise deux mesures différentes du régime
de change à savoir celle du FMI et une mesure alternative issue des
travaux de Levy-Yayati et Sturzenegger (2002). L'étude a porté
sur 69 pays en développement dont les pays de la zone franc pour
lesquels les données nécessaires à l'analyse ont pu
être obtenues sur la période 1972-2001.
En testant plusieurs variables, l'estimation par Moindres
Carrés Généralisés (MCG) révèle que
la variation des valeurs retardées d'une période du taux
d'investissement, du stock de monnaie, du
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degré d'ouverture et du ratio de dépenses
publiques expliquerait près de 75 pour cent des variations du PIB des
pays en développement depuis le début des années
soixante-dix.
S'agissant de la zone UEMOA, plusieurs études
concernant le choix du régime de change ont été
menées par plusieurs auteurs dont Houssa (2008), Dedehouanou (2009). Ces
études révèlent en réalité le
caractère asymétrique des chocs macroéconomiques (chocs
frappant les pays à des degrés divers) qui frappent
fréquemment les pays de l'UEMOA. Mais Tapsoba (2009) fait une
étude dont les résultats indiquent que les conséquences
négatives des chocs asymétriques entre les pays ouest-Africains
peuvent être atténuées par une intensification du commerce
régional et par un développement des marchés
régionaux de crédit. Malgré les efforts
considérables des théoriciens et des chercheurs, l'identification
d'un régime de change optimal persiste ambiguë et ne permet pas de
trancher en faveur d'un régime particulier.
Dans le cas de la problématique du choix du
régime de change de la CEDEAO, Diop et Fall (2011) ont utilisé le
modèle Dynamic Stochastic General Equilibrium (DSGE) qui a
révélé que pour avoir une bonne croissance
économique. Les pays de le CEDEAO ont besoin d'un taux de change
intermédiaire ou flexible tandis que pour la maîtrise de
l'inflation, le régime de change fixe est le mieux adapté pour
ces pays. Mais l'auteur a préconisé un régime de change
intermédiaire. Bénassy-Quéré et Coeuré
(2010) ont montré que les premiers modèles DSGE ont trop
surestimé les mérites des régimes de changes flottants
pour avoir ignoré l'existence possible de rigidités nominales des
salaires.
En conclusion, nous pouvons dire que la littérature
économique a déjà beaucoup abordé ce sujet de
régime de change mais concernant, le plus souvent, les pays
émergents. Les méthodes d'estimations diffèrent d'une
étude à une autre en fonction du nombre de pays, des variables
utilisées et de la qualité des données.
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