2.3. Les approches théoriques du taux de change
et de la croissance dans la zone UEMOA.
S'il est vrai que la théorie économique nous
donne les avantages et les inconvénients de chaque régime de
change, il faut cependant noter qu'aucun consensus n'existe sur le
régime de change à adopter selon le type d'économie
puisque certains résultats se sont révélés
contradictoires. En effet, selon la théorie, les régimes de
change fixe favorisent une inflation faible sans porter atteinte à la
croissance économique (Dornbusch ; 2001) tandis qu'ils peuvent, au
contraire, contribuer à l'accélération de l'inflation en
offrant au gouvernement un environnement où il serait facile pour lui de
« tricher » vu que la manifestation des coûts inflationnistes
est retardée dans le temps. Ainsi, si les régimes de taux de
change fixes peuvent améliorer la croissance économique en
amplifiant les échanges commerciaux, en réduisant le risque de
change et en facilitant l'intégration économique et
financière des pays, ils peuvent au contraire entamer la
compétitivité externe d'un pays puisqu'ils sont souvent sujet
à des mésalignements très coûteux et avoir des
effets dévastateurs sur l'économie dans son ensemble du fait de
leur vulnérabilité inéluctable aux attaques
spéculatives, (Obstfeld et Rogoff ; 1995). Dans ce chapitre, nous allons
donc voir la relation inflation-croissance dans la zone UEMOA, la politique
budgétaire des pays de la zone, et l'impact de la dévaluation de
1994 du franc CFA sur la balance commerciale et la production des pays de la
zone.
2.3.1. La relation inflation-croissance dans la zone
UEMOA
Dans le choix du régime de change, les autorités
monétaires tiennent compte de l'impact du régime de change sur
l'inflation, la croissance économique, la volatilité
macroéconomique et la probabilité de survenance des crises. Mais
l'accent est le plus mis sur l'inflation et la croissance qui sont des
fondamentaux très importants dans l'économie d'un pays. Chaque
banque centrale fixe son objectif principal en fonction du régime de
change et de ses priorités pour le pays ou l'ensemble de pays.
Concernant la zone UEMOA, le principal objectif de la
politique monétaire de la BCEAO est la stabilité des prix et la
sauvegarde de la valeur interne et externe du franc CFA à travers une
couverture appropriée de l'émission monétaire par les
réserves de change. Cet objectif est rendu
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public et expliqué dans les publications de la BCEAO
notamment le rapport annuel et, depuis juin 1998, sur le site Internet de
l'Institut d'émission. Ces objectifs et le cadre institutionnel de la
politique monétaire de la BCEAO sont clairement définis dans le
Traité du 14 novembre 1973 instituant l'Union Monétaire Ouest
Africaine et dans les Statuts de la Banque Centrale. La coopération
monétaire existante entre les pays de l'UEMOA et la France, est
illustrée par l'existence du mécanisme dit du « compte
d'opérations » qui contribue à garantir une parité
fixe entre le Franc CFA et le Franc français, puis l'Euro à
partir de 1999. Dans ce cadre, la recherche de la stabilité des prix est
présentée comme un objectif susceptible d'assurer la
soutenabilité à long terme du taux de change et la
compétitivité des économies de l'UEMOA.
De ce fait, la BCEAO a opté pour une cible d'inflation
de 2%, identique à celle de la banque centrale Européenne. En
effet, dans un régime de change fixe l'inflation contribue, du fait de
la perte de compétitivité qu'elle engendre, à la
détérioration progressive des comptes extérieurs et
à la surévaluation du taux de change, fragilisant ainsi la
parité entre les monnaies. Cependant, il faut noter que l'inflation dans
la zone n'est pas d'ordre monétaire, mais est plutôt due à
des chocs d'offre exogènes tels que les aléas climatiques, les
variations des cours des matières premières, (Nubukpo ; 2007).
Selon cet auteur, une telle cible d'inflation 2% semble faible pour des pays
qui souhaitent atteindre en 2015, un taux de croissance économique de 7%
par an afin de répondre aux objectifs des OMD dont l'un des plus
importants est la réduction de moitié de la pauvreté
à l'horizon 2015. Cela conduit à un arbitrage entre inflation et
croissance économique (courbe de Phillips).
De plus, il est admis qu'un faible niveau d'inflation est non
seulement source de distorsions dans l'activité économique, mais
également accentue le risque de déflation. Le rapport 2005 de la
zone Franc indique le montant record des réserves détenues par
les banques centrales de la zone Franc auprès du Trésor
français : 6 300 milliards de FCFA. Pour la seule BCEAO, les
réserves représentent plus de 3 000 milliards de FCFA, soit un
taux de couverture de l'émission monétaire supérieur
à 110 % alors que les conventions du « compte d'opérations
» exigent un taux de couverture de 20%, Nubukpo (2007).
Dans la littérature empirique récente, les
travaux de Ghosh et Phillips (1998) portant sur un vaste échantillon
dont les pays de l'OCDE et quelques pays en développement, montrent que
le seuil
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d'inflation optimal se situe entre 2% et 8% pour les pays de
l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement
Economique) et de 5% à 10% pour les pays en développement. Sarel
(1996) a, par ailleurs, fait remarquer à partir d'un échantillon
de pays développés et de pays en développement qu'en
dessous du seuil de 8%, l'inflation a un impact positif sur la croissance
économique et qu'au-delà du seuil, l'effet devient nuisible. De
même, Khan et Senhadji (2001) ont par ailleurs trouvé que le
niveau d'inflation acceptable est de l'ordre de 1% à 3% pour les pays
développés et de 11 à 12% pour les pays en
développement. Enfin, Combey et Nubukpo (2010) à partir d'un
modèle de panel dynamique à effets de seuil, montrent que le
seuil optimal d'inflation dans la zone UEMOA est de 8,08%. C'est au-delà
de ce seuil que l'inflation devient nuisible.
Les graphiques 1 et 2 nous retracent l'évolution du
taux de croissance et du taux d'inflation entre 1987 et 2010 dans la zone
UEMOA. Cela nous montre que dans l'ensemble, le taux de croissance du PIB
réel par habitant et le taux d'inflation de la zone UEMOA suivent la
même évolution. Lorsque le taux d'inflation est faible, le taux de
croissance économique aussi est faible. Par contre, lorsque le taux
d'inflation augmente, le taux de croissance économique aussi
augmente.
Graphe 1 : Evolution du taux d'inflation de la zone
UEMOA
1985 1990 1995 2000 2005 2010
annee
Source: Auteur à partir des données de la
Banque Mondiale
AMANI Aya Marie Estelle, DEA/MASTER NPTCI 4ème
promotion 36
Graphe 2: Evolution du taux de croissance de la zone
UEMOA
1985 1990 1995 2000 2005 2010
annee
Source: Auteur à partir des données de la
Banque Mondiale
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