2.3.2. La politique budgétaire dans la zone
UEMOA
Dans la zone UEMOA, la politique budgétaire est
spécifique à chaque Etat mais avec le respect des critères
de convergence. La Commission de l'UEMOA est chargée de coordonner ces
politiques à travers la surveillance multilatérale. Elle insiste
sur la soutenabilité des finances publiques. De ce fait, le non respect
des critères de convergence fait l'objet de sanctions. Le critère
clé est le solde budgétaire de base rapporté au PIB
nominal. Le solde budgétaire de base permet de mesurer la
capacité de l'Etat à couvrir ses dépenses courantes, y
compris les charges d'intérêt et ses dépenses en capital
sur ressources internes avec ses recettes budgétaires, à savoir
les recettes fiscales et les recettes non fiscales. A l'horizon de convergence
(2013), ce solde devra être supérieur ou égal à 0%.
La coordination des politiques budgétaires s'appuie sur
l'expérience empirique, certes, mais aussi sur de solides arguments
théoriques.
En effet, les économistes s'accordent de plus en plus
aujourd'hui sur l'importance de la politique budgétaire comme
étant désormais le seul instrument à la disposition des
États membres d'une union monétaire pour amortir les fluctuations
de l'activité et soutenir la croissance économique. Mais, la
crainte que certains États conduisent des politiques budgétaires
compromettant la
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stabilité d'ensemble justifie la mise en place des
dispositifs destinés à assurer, de façon permanente, le
respect de la discipline budgétaire, et plus généralement
encore des politiques économiques.
Au sein de la zone UEMOA, la coordination des politiques
budgétaires dans le cadre de la surveillance multilatérale
recherche l'optimum collectif à travers le respect des critères
définis mutuellement par les États-membres, afin d'éviter
les dérapages budgétaires comparables à ceux des
années antérieures (fort taux d'endettement). En effet, la
coordination des politiques budgétaires prend place au sein d'une union
monétaire déjà constituée, et vise à
soutenir et à consolider la stabilité et la
crédibilité de la monnaie.
En Europe en revanche, elle a précédé la
mise en place de la monnaie unique. Mais, il se trouve que ce critère
est difficile à être respecté pour des pays qui veulent
à travers l'investissement des dépenses en capital, promouvoir la
croissance économique, lutter contre le chômage... . Et le plus
souvent, ces dépenses en capital sont financées par des
déficits budgétaires et par l'endettement.
Tanimoune, Plane et Combes (2005) ont mis en évidence
le fait que les effets de la politique budgétaire seraient non
linéaires dans la zone UEMOA, au seuil d'endettement extérieur
moyen de 83% du PIB, au lieu de 70% d'endettement intérieur et
extérieur que prescrivent les critères de convergence. Ils
insistent sur le fait que les politiques budgétaires menées dans
la zone peuvent avoir un effet contracyclique d'inspiration keynésienne
qui est conditionnel au taux d'endettement public. Ainsi, jusqu'à un
taux d'endettement de 83%, l'Etat exerce une influence de type keynésien
sur l'activité économique. Au-delà de ce taux, cet effet
devient non-keynésien et même anti-keynésien. Les effets
négatifs à long terme d'une augmentation de l'endettement sur la
croissance et l'inflation font notamment l'objet dans la littérature
d'un assez large consensus (Elmendorf et Mankiw, 1998).
Alors plutôt qu'une remise en cause globale du
dispositif, la réforme de la surveillance multilatérale en Zone
franc devrait consister en une modification d'un certain nombre de
règles et de procédures des pactes de convergence. Pour les pays
de l'UEMOA, il serait souhaitable de promouvoir les dépenses en
investissement public, les dépenses en capital humain (santé,
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éducation, recherche et développement). Wane
(2004) a souligné leur impact positif sur la croissance
économique des pays de la Zone franc.
Il faut aussi mettre en oeuvre une politique budgétaire
efficace et plus flexible. Au cours de la décennie 1980, un
policy-mix trop rigide dans la zone a contraint les sources de financement
interne des États et a conduit, en l'absence de règles limitant
l'endettement international, à un endettement public excessif sur les
marchés internationaux des capitaux qui s'est
révélé par la suite insoutenable. La BCEAO pourrait donc
accroître son offre de financement, sans remettre en cause l'objectif de
stabilité des prix. La Commission de l'UEMOA pourrait autoriser des
déficits de soutien à l'activité économique
actuelle et de préparation de la croissance future. Les Etats de l'UEMOA
n'auraient le droit de s'endetter, que pour financer leurs investissements
publics.
De plus, l'importance et la récurrence des chocs
affectant cette zone constituent de puissants freins à son
développement économique et imposent incontestablement une
réflexion opérationnelle sur la question. La mise en place en
Zone franc d'un fonds communautaire alimenté par les pays africains
membres de la zone, ayant pour objectif de compléter l'arsenal de
stabilisation budgétaire de chaque pays, pourrait constituer une
réponse efficace aux difficultés de stabilisation des chocs
asymétriques que rencontrent ces différents pays, (N'Kodia et
Sarr; 2007). Ce fonds pourrait aussi servir au financement d'infrastructures,
à la réalisation de biens publics régionaux et à la
promotion de la croissance économique. Il serait utilisé par la
commission de l'UEMOA de manière optimale et supranationale aux trois
objectifs de politique budgétaire de Musgrave (1959) (allocation des
ressources, stabilisation conjoncturelle, redistribution des richesses). Donc,
en cas de chocs asymétriques, la commission utilisera le budget
fédéral comme instrument de réponse contra-cyclique,
(N'Kodia et Sarr; 2007).
Dans le cas où la zone UEMOA révise son
régime de change et opte pour un régime un peu plus flexible, la
politique monétaire deviendrait inefficace ; en cas de choc d'offre
symétrique (hausse du prix du pétrole ou aléas
climatique), la commission interviendrait avec le budget fédéral.
Ce fédéralisme budgétaire ouvrirait donc la voie à
un véritable gouvernement économique de la zone UEMOA, (N'Kodia
et Sarr; 2007). Mais, les Etats de l'UEMOA ne pouvant pas, pour le moment,
financer le budget fédéral, le fédéralisme
budgétaire devrait demeurer un objectif à long
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terme pour les pays africains membres de cette zone, l'urgence
étant de renforcer les dispositifs institutionnels en place afin de les
rendre plus efficients.
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