2.3.3. L'impact d'une dévaluation du franc CFA sur
la balance commerciale et la production des pays de l'UEMOA
Avant la dévaluation de 1994, le franc CFA ne faisait
que s'apprécier par rapport au dollar, soit une appréciation de
37% entre 1985 et 1993, (Kiema, Nubukpo et Sanou ; 2011). La dévaluation
du 11 janvier 1994 du Franc CFA de 50% qui a donc eu lieu avait pour objectifs
la restauration de la compétitivité-prix, le redressement de la
balance commerciale et la relance de la production. Cette dévaluation a,
pendant quelques années, permis d'accélérer la croissance
de la zone. Mais depuis 2000 encore, du fait de son ancrage à l'Euro, le
franc CFA s'apprécie continuellement par rapport au dollar et aux autres
monnaies. Entre 2000 et 2010, le dollar a en effet perdu environ 50% de sa
valeur contre l'euro, et donc contre le franc CFA et l'on constate une perte de
croissance dans l'union, (Mebtoul ; 2009).
Edwards (1989) définit le taux de change réel
d'équilibre comme le prix relatif des biens échangeables par
rapport à celui des biens non échangeables qui, toutes choses
égales par ailleurs, assure simultanément l'équilibre
interne et l'équilibre externe de l'économie. Sa valeur
dépend de celles d'autres variables déterminantes de
l'équilibre interne et externe, appelées « fondamentaux
» du taux de change. On peut définir l'équilibre interne
comme l'équilibre sur le marché des biens non échangeables
; et l'équilibre externe comme la soutenabilité de la balance
courante. Lorsque le taux de change réel courant diffère
sensiblement de son sentier d'équilibre, on parle de
désalignement (sous ou surévaluation) du taux de change
réel. Ce désalignement peut être engendré par des
politiques macro-économiques inadéquates, menant le plus souvent
à une surévaluation du taux de change réel et, ce faisant,
à une perte de compétitivité-prix.
Couharde, Coulibaly et Damette (2011) montrent que la
dévaluation doit être utilisée en cas de
surévaluations persistantes. Mais ils montrent également que la
dévaluation ne permet pas de résoudre les problèmes
structurels de compétitivité de la zone CFA. Puisqu'en
sous-évaluation, le taux de change évolue plus vite à
cause de l'augmentation de prix, comme en 1994. Donc, les gains de
compétitivité réalisés par la dévaluation,
s'érodent.
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Concernant spécifiquement la zone UEMOA, Kiema, Nubukpo
et Sanou (2011) montrent, avec les données des échanges
commerciaux entre 1999 et 2009 que les TCER (taux de change effectif
réel) de la zone sont en appréciation après la
dépréciation brutale conséquence de la dévaluation
de 1994, signe d'une relative perte de compétitivité des
économies de l'Union. Les TCER qui ont enregistré la plus forte
augmentation par rapport à leur niveau de 1994 sont ceux de la
Côte d'Ivoire (35%) et du Bénin (30%) ; les appréciations
les plus faibles étant celles du Sénégal (5%) et du Mali
(12%). En général, les TCER de la zone ont progressé de
22% en moyenne.
De plus, l'étude montre qu'après la
dévaluation de 1994, le TCER de la zone UEMOA a dépassé
son niveau d'équilibre en 2002-2003 avant de revenir vers cet
équilibre en 2005-2006 pour ensuite repartir à la hausse
après 2006. Le gain de compétitivité, créé
par la dévaluation de 1994 a donc été
résorbé dans les années 2002-2003.
Les estimations de l'étude de Kiema, Nubukpo et Sanou
(2011) montrent l'existence d'un phénomène semblable à
celui de la courbe en J pour le Burkina, la Cote d'Ivoire, le Mali, le Niger et
le Togo. Cela signifie qu'une dépréciation ou une
dévaluation de la valeur de la monnaie détériore
immédiatement le solde de la balance des transactions courantes, avant
de l'améliorer quelques années plus tard. Cette
détérioration persiste de 2 à 4 ans après la
dévaluation en fonction des pays concernés. C'est la
période nécessaire pour que les effets quantités prennent
le pas sur les effets prix ou le temps de réponse de ces
économies aux effets de la dévaluation.
Cependant, d'après les IRF (fonction de réponse
à une impulsion), suite à un choc sur le TCER la balance
commerciale ne s'améliorerait pas significativement au-delà de
son niveau d'avant dévaluation, (Kiema, Nubukpo et Sanou ; 2011). Ce
résultat indique qu'une dévaluation n'est pas la solution pour
ces pays pour améliorer durablement et significativement le
déficit de la balance commerciale. Cela est dû aux faibles
élasticités de l'offre d'exportation par rapport au TCER, aux
faibles capacités de production des économies dues à la
faible industrialisation, à la forte part des importations en produits
d'équipements qui gonflent les coûts de production, et à la
haute teneur des exportations en produits de base.
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Pour le Bénin et le Sénégal par contre,
une dévaluation entraîne un choc positif sur la balance
commerciale. Concernant les effets de la dévaluation sur la production,
les fonctions de réponse du PIB réel suggèrent que la
dévaluation stimule la production pour les cas du Burkina, du
Bénin, du Sénégal et du Togo. Pour la Côte d'Ivoire,
le Mali et le Niger la dévaluation a plutôt un effet
récessif, l'ampleur et la durée de cet effet étant
différents selon les pays. Pour la Côte d'Ivoire, l'effet
récessif disparaît au bout de 7 ans, 3 ans pour le Mali et 2 ans
pour le Niger. Pour le Burkina, le Bénin, le Sénégal et le
Togo la dévaluation a été suivie d'une relance de la
croissance. Pour le Mali, après un taux de croissance du PIB réel
relativement faible l'année après la dévaluation, la
croissance a été également relancée les
années suivantes. Pour le Niger, la dévaluation n'a pas eu
d'impact significatif sur la croissance. Pour la Côte d'Ivoire cependant,
le profil de la croissance est en opposition avec celui de l'IRF. Ce qui
suggère que d'autres facteurs exogènes (climat politique, cours
internationaux des matières premières,...) ont eu plus d'impact
sur la croissance du pays que le choc de dévaluation.
Selon l'étude de Couharde, Coulibaly et Damette (2011),
les pays de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale (CEMAC), qui sont exportateurs de pétrole, se
caractérisent en 2007 par une surévaluation moins forte de leurs
monnaies par rapport à 1993, à l'exception de la
République centrafricaine. Excepté ce pays, ces économies
bénéficient d'une amélioration des termes de
l'échange à partir des années 2000 qui leur permet
d'enregistrer une stabilisation ou une appréciation de leur taux de
change d'équilibre. Au total, même si ces pays ont vu leur taux de
change réel s'apprécier à partir des années 2000,
les désalignements constatés sont d'une ampleur plutôt
faible.
Les pays de l'UEMOA sont, quant à eux, agricoles et
majoritairement exportateurs de produits de base (coton, café ou cacao).
Trois de ces économies (Bénin, Côte d'Ivoire et Togo)
pâtissent d'une dépréciation continue de leur taux de
change réel d'équilibre qui se traduit en 2007 par une
surévaluation réelle de leurs monnaies d'une ampleur comparable
ou largement supérieure à celle constatée en 1993. Les
autres bénéficient, à l'instar des pays de la CEMAC, d'une
appréciation de leur taux de change réel d'équilibre, qui
se traduit par une faible sous-évaluation réelle de leurs
monnaies en 2007. Au total, l'appréciation des taux de change effectifs
réels des pays de la zone de la CFA à partir des années
2000 ne s'est pas traduite par une surévaluation
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réelle de leurs monnaies. Cependant, une
dévaluation ne serait pas la mieux adaptée pour résoudre
durablement les problèmes structurels que pose le rattachement du franc
CFA à l'Euro. De plus, elle serait difficile à justifier au
regard du niveau élevé des réserves de changes de la BCEAO
auprès du Trésor français.
Au final, nous pouvons dire que les déterminants du
choix du régime de change et la théorie du régime de
change optimal nous montre que le régime de change de la zone UEMOA
n'est pas optimal. Lorsqu'on utilise la définition du régime de
change optimal de Rizzo (1998) qui va nous servir pour la suite de notre
étude, on constate que ce régime ne nous permet pas de maximiser
notre taux de croissance économique. Nous allons donc, à la suite
de notre étude, utiliser le taux de change optimal pour trouver le
régime de change qui convient le plus à la zone UEMOA.
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