1.4. Les critères de la théorie des zones
monétaires optimales
La théorie de la zone monétaire optimale
s'étudie sous deux aspects : l'aspect statique et l'aspect dynamique.
Mais quelque soit l'aspect sous lequel elle est étudiée, la
théorie de la zone monétaire optimale cherche à identifier
les mécanismes d'ajustements qui pourraient se substituer efficacement
au processus d'ajustement que garantit la flexibilité du taux de change.
Elle évalue les coûts et avantages pouvant résulter du fait
d'appartenir à une union monétaire en renonçant au
régime de change flexible.
Les critères de la zone monétaire optimale
varient selon les modèles d'analyse. Dans le modèle statique,
nous avons les critères traditionnels. Parmi ces critères
traditionnels, on a d'abord le critère du degré de
mobilité des facteurs de production de Mundell (1961). Selon Mundell
(1961), la mobilité des facteurs de production, et plus
précisément du facteur travail, constitue un mécanisme
naturel permettant un retour à l'équilibre initial suite à
un choc perturbateur.
En effet, si un choc asymétrique (interne ou externe)
affecte deux économies liées par un processus
d'intégration et en l'absence du mécanisme correcteur qu'est le
taux de change, l'ajustement ne s'effectuera qu'en présence d'une forte
mobilité des capitaux et de la main-d'oeuvre et/ou une forte
flexibilité des prix et des salaires. Dans le cas contraire, où
la mobilité des facteurs et la rigidité des salaires sont
faibles, les pays auront beaucoup plus de difficultés à faire
face aux chocs macroéconomiques asymétriques.
Nous avons ensuite le critère du degré
d'ouverture des économies de McKinnon (1963), c'est-à-dire le
degré d'intégration commerciale. Ce critère stipule que
les coûts liés à l'abandon du taux de change comme
instrument de politique économique diminuent en fonction du degré
d'ouverture des économies et de l'importance de leurs échanges
réciproques. Plus le degré d'ouverture d'un pays est important,
plus la transmission d'un changement des prix mondiaux sur les prix relatifs
internes est probable. Cela induit que l'illusion monétaire tend
à disparaître. La baisse des revenus réels devient
apparente et les agents réclament la révision de leurs revenus
nominaux. Il faut donc limiter les variations des taux de change pour limiter
les variations de prix.
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D'autre part, le critère de McKinnon (1963) stipule que
l'efficacité de la politique de change diminue avec le degré
d'ouverture de l'économie. Dans une économie très ouverte,
les coûts de production sont fortement influencés par les prix des
matières premières et des consommations intermédiaires
importées, celles-ci étant difficilement remplaçables par
une production locale. Lors d'une dévaluation, les effets d'inflation
causés par la hausse des prix des importations nécessaires se
répercutent immédiatement sur les prix des autres biens et
salaires et limitent les effets attendus de la dévaluation. Le taux de
change est par conséquent moins efficace comme instrument
d'ajustement.
En plus de cela, nous avons le critère de la
spécialisation de Kenen (1969). Dans sa réplique à Mundell
(1961) et McKinnon (1963), Kenen (1969) se focalise sur la
spécialisation des économies au sens de la diversification de la
production et de la consommation. Il conclut que les économies
diversifiées peuvent plus facilement adopter des changes fixes et
s'intégrer à une zone monétaire que celles qui se
caractérisent par une diversification modeste. Une forte diversification
de la production ou de la consommation ainsi que la similarité de la
production diluent l'impact possible d'un choc dans un secteur ou pour un bien
spécifique. Dans ce cas, un choc n'aura que peu de conséquences
sur l'agrégat et affectera les pays de manière similaire. Par
conséquent, la diversification et la similarité de la production
réduisent le besoin de politique de change et donc les coûts de
son abandon.
Dans le cas des pays de l'UEMOA, les économies de la
région sont toutes spécialisées dans l'exportation de
quelques produits primaires qui, dans une majorité des cas, sont
différents. La différence de spécialisation est en grande
partie liée au positionnement géographique. Les économies
sahéliennes (Burkina Faso, Mali et Niger) sont essentiellement agricoles
et se distinguent des pays côtiers (Sénégal, Côte
d'Ivoire) qui ont un tissu industriel relativement plus
développé. Le Bénin et le Togo forment un troisième
groupe où l'activité d'import-export est prédominante.
Enfin, Ingram (1969) apporte sa contribution avec le
critère de l'intégration financière. Son approche est
basée sur l'idée que les capitaux ont tendance à se
déplacer plus rapidement que la main d'oeuvre et qu'ils peuvent ainsi la
remplacer dans le rôle d'un mécanisme correcteur des
déséquilibres de la balance des paiements. Lors d'une forte
intégration financière, et même en
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l'absence de l'instrument du taux de change, des changements
modestes des taux d'intérêt peuvent ainsi causer des mouvements de
capitaux équilibrant. Une zone monétaire ne peut donc
fonctionner, et à plus forte raison être optimale, sans une
mobilité totale des capitaux et une libéralisation accrue des
services financiers.
Au delà de ces critères traditionnels des zones
monétaires optimales, il existe aussi des critères modernes. On
peut citer en autre le critère de parallélisme des taux
d'inflation de Fleming (1971). Fleming (1971) constate que la similarité
des taux d'inflation sur une certaine période de temps entre
différents pays induit des conditions d'échanges stables et donc
réduit le besoin d'ajustement du taux de change. Des taux d'inflation
divergents pourraient causer des pouvoirs d'achat divergents et donc
entraîner le recours à l'instrument de change pour corriger ces
écarts. Ce nouveau critère induit que la cause sous-jacente du
mécanisme de change reflète un phénomène
macro-économique et non un changement microéconomique comme cela
était le cas dans les théories précédentes.
En effet, les différences de taux d'inflation
résultent de différents facteurs comme les disparités dans
le développement structurel entre pays, la diversité
d'institutions du marché de travail, les différences dans les
politiques économiques ou la diversité de
préférences sociales comme l'aversion à l'inflation.
En outre, nous pouvons aussi citer, le critère
d'homogénéité des préférences et des
objectifs de Kindleberger (1986) comme un déterminant majeur de
l'adhésion à une union monétaire. Cet auteur souligne que
les pays de la zone monétaire doivent impérativement communiquer
entre eux et adopter un consensus sur les objectifs de politique
économique visés, par exemple par l'acceptation d'un même
compromis entre inflation et chômage. Ainsi, pour qu'elle soit optimale
une union monétaire faisant face à de chocs asymétriques
affectant la demande ou l'offre des biens d'un pays de l'union, doit pouvoir
mettre en oeuvre une procédure d'ajustements automatiques évitant
ainsi des modifications dans les taux de change nominaux entre les pays
adhérents.
Par ailleurs, parmi les critères modernes, on note
aussi les critères de convergence, comprenant quatre critères de
premier rang à savoir, le ratio du solde budgétaire de base au
PIB nominal doit être supérieur ou égal à 0
(critère clé), le taux d'inflation annuel moyen doit être
inférieur ou égal
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à 3%, le ratio de l'encours de la dette
intérieure et extérieure au PIB nominal doit être
inférieur ou égal à 70%, l'interdiction d'accumulation
d'arriérés de paiement (intérieurs et extérieurs)
sur la gestion de la période courante ; et quatre critères de
second rang pour les pays de l'UEMOA à savoir, la masse salariale ne
doit pas excéder 35% des recettes fiscales, les investissements publics
financés sur ressources internes devront représenter au moins 20%
des recettes fiscales, le déficit extérieur courant hors dons ne
doit pas excéder 5% du P11B nominal, le taux de pression fiscal,
c'est-à-dire les recettes fiscales rapportées au P11B nominal
supérieures ou égales à 17%.
Concernant le modèle dynamique de la théorie des
zones monétaires optimales, on distingue deux principales
théories : « le cercle vicieux » des unions monétaires
de Krugman (1993) et « le cercle vertueux » des unions
monétaires de Frankel et Rose (1998) et Rose (2000).
S'agissant de la théorie du « cercle vicieux
» de Krugman (1993), il stipule que lorsque des pays sont dans une union
monétaire et qu'ils se spécialisent en fonction des avantages
comparatifs et de leur position géographique, l'échange entre ces
pays est faible, on a des cycles divergents et ces pays sont touchés par
des chocs asymétriques. Krugman (1993) illustre cela par le cas des
Etats-Unis où les zones économiquement intégrées se
caractérisent par une forte spécialisation régionale
génératrice d'asymétries.
Tandis que dans leur théorie du « cercle vertueux
», Frankel et Rose (1998) stipulent que lorsque des pays sont dans une
union monétaire, le commerce bilatéral augmente trois fois, ce
qui signifie que ces pays échangent beaucoup entre eux, on a une
synchronisation des cycles et les chocs affectant ces pays sont des chocs
essentiellement symétriques.
Nous pouvons donc dire, comme Frankel (1999), qu'il n'y a pas
de régime de change optimal mais chaque pays ou union monétaire a
un régime de change qui lui convient à un moment donné, en
fonction des caractéristiques du pays ou des pays composant l'union
monétaire.
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