1.2 . L'approche de la crédibilité de la
politique économique
Cette approche permet d'analyser le lien existant entre le
régime de change et la crédibilité de la politique
économique. Ce courant est à l'origine initié par les
travaux de Kydland et Prescott (1977) avec la notion d'incohérence
temporelle. Repris récemment par Barro et Gordon (1983) dans le cadre
d'une économie ouverte avec la notion de biais inflationniste, il oppose
la politique économique discrétionnaire à celle
régie par des règles.
Selon Kydland et Prescott (1977), la politique
discrétionnaire n'est pas cohérente temporellement et ne
crée que de l'inflation. Il vaut donc mieux ne pas utiliser de
politiques discrétionnaires en matière monétaire. Cette
idée avait été avancée par Friedman (1959) qui
soutenait que l'instabilité économique trouve sa source dans
l'instabilité monétaire générée par l'action
discrétionnaire gouvernementale. Selon cet auteur, une politique
monétaire discrétionnaire est néfaste car elle est sujette
à des changements imprévisibles dépendant des personnes
qui en ont la charge ; elle est exposée aux pressions inflationnistes et
est incapable d'être jugée selon un critère satisfaisant. A
l'inverse, la règle réduit l'incertitude et fournit un cadre
stable pour la politique monétaire.
Par ailleurs, aujourd'hui le choix du régime de change
est guidé par une opposition entre le taux de change flexible qui assure
l'autonomie de la politique monétaire, mais est source
d'instabilité et de volatilité du taux de change et le taux de
change fixe (règles) qui a pour objectif principal la stabilité
des prix à travers le respect d'une discipline monétaire. Les
règles de politique monétaire se décomposent en
règles contingentes et règles non contingentes.
Les règles contingentes sont rigides et impraticables.
En effet, si la banque centrale veut répondre à tous les
aléas, il faut que ceux-ci soient prévus dès le
début dans la règle pour que
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leurs traitements n'apparaissent pas comme l'exercice d'une
surprise monétaire ; ce qui est impraticable car il est impossible de
prévoir l'intégralité des états futurs de la
nature.
Pour faire face à cette imprévisibilité,
Buiter et Miller (1982) proposent alors un juste milieu qui se traduit par des
règles dites non contingentes ou activistes. Dans ce cas, à
chaque nouvelle information disponible dans son champ de réaction, la
banque centrale ajuste son instrument pour rester en concordance avec son
objectif de stabilité des prix.
Cependant, il existe des mécanismes institutionnels qui
peuvent palier les difficultés liées à
l'impraticabilité de la règle contingente. Parmi ces
mécanismes, nous avons le modèle de réputation de Barro et
Gordon (1983). Dans ce modèle, les auteurs mettent en exergue la
crédibilité et la réputation du banquier central dans la
conduite de la politique monétaire. Si le banquier central annonce son
objectif à atteindre, et par la suite triche, il perd sa
crédibilité et les agents s'attendent toujours à une
surprise monétaire et ne fondent plus leurs anticipations sur les
annonces du banquier central.
En outre, on distingue le modèle de
délégation de Rogoff (1985) qui consiste à
déléguer un banquier central ayant une aversion plus
marquée que le reste de la société contre l'inflation.
Enfin, nous avons les contrats optimaux avec les banquiers
centraux de Walsh (1995) qui consistent en la mise en place de contrats entre
les banquiers centraux et les autorités politiques afin de s'assurer que
les missions seront bien remplis. Dans ce cas, la banque centrale conserve son
indépendance mais reçoit un transfert budgétaire de
l'autorité politique.
Ces mécanismes appliqués aux règles
contingentes montrent donc que les régimes de change à ancrage
rigide permettent d'une part d'encourager le commerce et l'investissement entre
pays en réduisant les coûts des transactions et les risques
provenant de la volatilité du taux de change. D'autre part, ils
améliorent la crédibilité des autorités
monétaires à travers une certaine discipline dans la conduite de
la politique économique. Le rattachement du taux de change à la
monnaie d'un pays à faible inflation permet en principe de faire
converger le taux d'inflation vers celui du pays d'ancrage et ainsi d'importer
la crédibilité de sa politique monétaire. C'est le cas de
la zone UEMOA dont la banque centrale a un objectif d'inflation qui converge
vers celui de la zone ancre qui est l'Euro. Ces régimes à ancrage
rigide sont attrayants parce que les règles sont fixées à
l'avance. Elles sont rigoureuses, elles impliquent un engagement de la banque
centrale à
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défendre la parité entre la monnaie nationale et
la devise étrangère et assurent la convertibilité
inconditionnelle et intemporelle de la monnaie nationale.
De plus, l'indépendance de la banque centrale
associée à sa crédibilité ôte aux
autorités monétaires toutes possibilités de seigneuriage.
Selon Babissakana (2003), l'indépendance et la transparence de la banque
centrale contribuent au renforcement de la crédibilité que lui
reconnaissent les marchés. Une banque centrale dépendante des
pouvoirs politiques subit régulièrement des pressions en vue de
financer les déficits budgétaires. A contrario, une
banque centrale indépendante de telles pressions peut avoir de meilleurs
résultats en matière de lutte contre l'inflation et de ce fait
influencer positivement la production réelle. D'où les
régimes à ancrage rigide permettent aussi d'améliorer la
crédibilité des autorités monétaires en faisant
réduire l'inflation à des niveaux acceptables.
Selon Fouda (1998), les banques centrales en Afrique
Subsaharienne sont assez dépendantes puisqu'aucune d'entre elles ne
présente un indice global supérieur à la moyenne et que
l'indépendance politique est faible tandis que l'indépendance
économique bien que plus grande, demeure néanmoins
limitée. En revanche, d'autres résultats des études de
Fouda (1998) indiquent que le taux de renouvellement des gouverneurs est
relativement faible dans la zone Franc Africaine, ce qui laisse à penser
que les banques centrales ne sont pas indépendantes.
Mais ces régimes sont aussi confrontés à
des attaques spéculatives auto-réalisatrices. Si les
investisseurs pensent que la banque centrale dévaluera sa monnaie, ils
vont échanger les actifs libellés en monnaie nationale contre des
actifs libellés en devise. Ce qui réduit les réserves de
la banque centrale et précipite la dévaluation.
Entre les régimes de change fixe et les régimes
de change flexible, il existe des régimes intermédiaires qui,
selon certains économistes, présentent un défaut de
crédibilité qui est due à deux principaux facteurs.
D'abord, un taux de change fixe mais ajustable pose
problème puisque lorsque les autorités conviennent d'une marge de
manoeuvre pour des ajustements du taux de change, les agents économiques
s'attendent généralement à ce qu'elles procèdent
à ces ajustements à un moment donné.
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Il semblerait, ensuite que certains types de parités
ajustables manquent de clarté et sont, par conséquent, moins bien
comprises par les agents économiques. Ce qui les amène à
interpréter les engagements des autorités monétaires en
cas de parités glissantes ou de marges de fluctuations comme
étant moins crédibles que les engagements en cas de monnaie
unique sans ajustements.
Les arguments de Williamson (1998) vont en faveur de ces
régimes intermédiaires car selon lui les régimes de
flottement pur sont inenvisageables. Ils ne représentent de ce fait
qu'une alternative de dernier recours. De même, il stipule qu'aucune zone
ne respecte les critères des zones monétaires optimales et que
par conséquent les régimes rigides sont difficiles à
mettre en oeuvre.
Il se base sur les travaux de Krugman (1991) concernant les
zones cibles et de Svensson (1992) pour dire que les taux de change dans un
régime flottant ont une dynamique aléatoire complètement
déconnectée des fondamentaux économiques du pays. Il
présente de ce fait l'option de l'arrimage à un panier de devises
avec marges de fluctuations et parité glissante (Band, Basket, Crawl)
BBC comme la solution la plus adéquate. Elle permettrait, selon lui,
d'atténuer les effets des fluctuations dans les différents taux
de change sur les échanges commerciaux, de garder le taux de change
à l'intérieur d'une marge de fluctuations relativement large pour
garantir à la banque centrale un degré d'autonomie dans la
conduite de sa politique monétaire.
Cependant, Williamson (2000) admet que son BBC peut offrir une
faible crédibilité, il va même jusqu'à supposer que
cette crédibilité est nulle. C'est pourquoi il insiste sur la
nécessité d'accommoder la politique de change par des mesures
supplémentaires et compatibles, telles que les interventions de la
banque centrale sur le marché de change et un policy-mix optimal. Il
préconise même l'instauration de contrôles sur les
entrées de capitaux.
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