b. L'Assomption dans les textes du XVIIème
siècle.
La fin du XVIème siècle marquée par les
guerres de religion puis par une période de paix24, permet au
culte marial de s'épanouir après les dommages causés par
le protestantisme25.
Ce que l'on appelle la « contre-réformation
»26 catholique du début du XVIIème
siècle favorise l'exaltation des fêtes liturgiques
dédiées à la Vierge, dont l'Assomption. L'Église
devait réaffirmer la dévotion à Marie auprès des
fidèles, par des processions, des pèlerinages, et une importante
solennité lors des fêtes mariales.
Ce redoublement d'efforts fut gratifiant puisque, outre la
famille royale, le peuple fut très réactif à
l'intensification du culte de la Vierge, culte qui touche notamment de nombreux
philosophes et poètes, tels que René Descartes et Pierre
Corneille pour ne citer que les plus connus27. Il en est de
même parmi les proches de Louis XIII, en la personne du dramaturge Jean
Desmarets de Saint-Sorlin, qui traduit l'Office de la
Vierge28 en 1645. Plus tard, Pierre Corneille traduit les
Louanges à la Vierge29 puis à son tour en
1670 la totalité de l'Office de la Vierge.
Ces ouvrages trouvent un vif succès, en
témoignent les rééditions successives : la traduction de
Jean Desmarets est par exemple rééditée à deux
reprises, en 1647 et en 1674. La dévotion qui entoure le culte de la
Vierge et celui de l'Assomption en particulier se mesure plus
précisément par l'abondance de la littérature religieuse
qui s'y consacre. Ces écrits dès les premières
décennies du XVIIème siècle contribuent
largement au rayonnement de ce culte et de
24 L'Édit de Nantes fut prononcé le
13 avril 1598 sous le règne d'Henri IV, il amorce une période de
paix. En 1685 Louis XIV le révoque avec l'Édit de Fontainebleau
(18 octobre 1685).
25 De nombreux sanctuaires consacrés
à la Vierge Marie furent détruit par les protestants durant les
guerres de religion.
26FLACHAIRE, Charles, La Dévotion à
la Vierge dans la littérature catholique au commencement du XVIIe
siècle, Ernest Leroux éditeur, Paris, 1916, p.2.
27 Jacqueline Pascal, Thomas Corneille et Pierre
Marbeuf ont aussi consacré plusieurs écrits à la Vierge.
28DESMARETS DE SAINT-SORLIN, Jean, L'office de la vierge Marie,
mis en vers avec plusieurs autres prières, Paris, 1645.
29 Les Louanges à la Vierge sont
attribuées Saint Bonaventure (1217-1274) qui fut docteur de
l'Église catholique.
12
la fête du 15 Août. Saint François de
Sales30 dès 1618 publia un Sermon pour le jour de
l'Assomption31. Son discours, comme pour assoir un peu plus le
culte catholique, met en avant le parallèle entre l'Immaculée
conception et l'Assomption32. Parmi les nombreux ouvrages
consacrés à la Vierge, Saint François de Sales se
démarque par l'austérité de son écriture, avant
tout destinée à faire croître la vertu chez les
fidèles. Ce souci d'instruction morale fait aussi écho à
un autre type de littérature religieuse qui se développe
simultanément, en particulier chez les Jésuites. Ces
écrits ont pour vocation de s'adresser aux fidèles en faisant
appel à leur imagination et leur sensibilité. En
littérature cette tendance se traduit par de nombreuses
interprétations allégoriques, souvent accompagnées de
démonstrations de tendresse et une dévotion exacerbée.
Mais c'est pour ces mêmes raisons que ce courant littéraire trouve
aussi aisément un public, la liberté de style employée
dans ces ouvrages les rendant particulièrement accessibles.
A l'exact opposé, un courant littéraire
religieux empreint de théologie mystique aborde également le
culte marial. Ce sont des ouvrages destinés aux plus pieux
fidèles, qui cherchent avant tout une piété austère
et de ce fait exemplaire. Pour exemple nous pouvons citer le cardinal Pierre de
Bérulle33dont les textes mettent en oeuvre un style complexe,
que l'on peut qualifier de baroque par la multitude des effets utilisés.
Dans le Discours de l'état et des grandeurs de Jésus
(...)34, il y aborde l'Assomption en débutant son
raisonnement par le lien entre la fin de la vie de Marie et le mystère
de l'Incarnation35, duquel découle toute son
30 François de Sales (1567-1622) fut
évêque de Genève de 1602 jusqu'à sa mort. Il est le
fondateur de l'ordre de la Visitation, et un proche de Louis XIII.
31SALES, François de, Sermon pour le jour
de l'Assomption, Paris, 1618.
32 « Il y a quantité de très belles et utiles
considérations à faire sur ce sujet ; mais je me restreins
à n'en dire que deux : La première est, savoir comment cette
glorieuse Vierge reçut Notre-Seigneur dans ses chastes entrailles
lorsqu'il descendit du ciel en terre : et l'autre, comment Notre-Seigneur la
reçut lors qu'elle quitta la terre pour aller au ciel. », SALES,
François de, Sermon pour le jour de l'Assomption, Paris, 1618,
p.330.
33 Pierre de Bérulle (1575-1629), fut
nommé cardinal en 1627 par le pape Urbain VIII. Il fonde en 1611 la
Société de l'Oratoire, pendant français de la
Congrégation de l'Oratoire fondée à Rome en 1575.
34BÉRULLE, Pierre de, Discours de
l'état et des grandeurs de Jésus, par l'union ineffable de la
Divinité avec l'humanité, et de la dépendance et servitude
qui lui est due et à sa très-sainte mère, en suite de cet
état admirable, A Estiene Éditeur, Paris, 1623.
35 D'après la théologie
chrétienne le mystère de l'Incarnation est l'action suivant
laquelle le verbe de Dieu se serait matérialisé en
Jésus-Christ, sous la forme d'un homme, pour accomplir sa mission
salvatrice.
13
analyse : la Vierge était prédestinée
à recevoir de glorieux privilèges, dont celui de sa montée
au ciel.
Nous pouvons associer les écrits de Pierre de
Bérulle à ceux du prêtre François
Bourgoing36, qui lui aussi dédie un long récit
à la Vierge. Bourgoing privilégie cependant un langage moins
austère pour davantage exalter l'image même de Marie.37
En s'appuyant sur l'Ascension du Christ, il donne l'explication du triomphe de
la Vierge :
« Il38 était semblable et imitait celui
de l'Ascension de Jésus son fils, avec ses différences ; l'un
s'appelle Ascension, et l'autre Assomption, parce que Jésus ressuscita
et monta par sa propre vertu, mais Marie par la puissance de son fils, c'est
pourquoi elle a été prise et enlevée au ciel(...)
»39
Le début du XVIIème siècle est
marqué par cette multitude d'ouvrages consacrés au culte marial,
cette littérature participant activement à son progrès et
à son épanouissement, dont celui de l'Assomption. Comme nous
l'avons précédemment souligné, la volonté de
l'Église catholique est avant tout de renouveler la foi et la
piété propre au catholicisme, en réaction au
protestantisme.
Mais il ne s'agit que d'un élément qui explique
une telle abondance d'écrits dédiés à Marie : il ne
faut pas oublier de percevoir la manifestation d'un sentiment religieux propre
à une époque, au XVIIème siècle.
36 François Bourgoing (1585-1662), s'associe
avec six autres prêtres au cardinal Pierre de Bérulle dans la
création de la Congrégation de l'Oratoire.
37« Oh chaste et virginal corps de Marie, le plus pur, le
plus saint, le plus beau et glorieux du Paradis après celui de
Jésus, et par-dessus tous les corps glorifiés des Saints. »,
BOURGOING, François, Les Vérités et excellences de
Jésus Christ N. S. communiquées à sa sainte mère,
et aux saints : disposées par méditations sur les mystères
et fêtes de la Sainte Vierge & des saints, Paris, 1634, p.39.
38 Le triomphe de l'Assomption de Marie.
39BOURGOING, François, Les
Vérités et excellences de Jésus Christ N. S.
communiquées à sa sainte mère, et aux saints :
disposées par méditations sur les mystères et fêtes
de la Sainte Vierge & des saints, Paris, 1634, p.42.
14
La vie des fidèles est empreinte d'une
atmosphère mystique, particulièrement exacerbée au
début du siècle. Les ouvrages religieux ont donc pour mission de
livrer aux lecteurs un exemple parfait de piété, mais surtout
conforme aux conventions de la société.
Celle-ci va justement être marquée par un
évènement décisif dans la tradition du culte de
l'Assomption, faisant du Grand Siècle celui de l'apothéose des
arts consacrés à la Vierge. En effet c'est en 1638 que
l'Assomption devient une fête patronale en France par le voeu de Louis
XIII40.
Cette ordonnance prononcée par le roi est intimement
liée au contexte historique, mais surtout politique du royaume. Il est
important d'en rappeler les grandes lignes afin de comprendre la portée
de ce texte.
Après la régence mouvementée de Marie de
Médicis41, le début du règne de Louis XIII est
marqué par la relation conflictuelle qui le lie à sa
mère.
L'entrée, en 1624, de Richelieu42au Conseil,
sous l'impulsion de Marie de Médicis, sonne le retour de la lutte contre
les protestants mais aussi celle contre la noblesse, alors oublieuse de ses
devoirs. Les complots visant le cardinal de Richelieu continuent pourtant
à se répandre et visent parfois même le roi.
Au même moment, ce que nous appelons la guerre de Trente
Ans a déjà débuté43. La France prend
parti dans cette guerre en 1634, au côté des puissances
européennes protestantes, malgré la lutte contre les
hérétiques alors toujours en vigueur.
Louis XIII et Richelieu entendaient combattre la maison des
Habsbourg44, mais la France ne disposait pas d'une armée et
d'une marine suffisamment puissantes pour servir ce dessein.
40 Louis XIII (1601-1643) fils d'Henri IV et de Marie
de Médicis, fut roi de France de 1610 jusqu'à sa mort.
41 Marie de Médicis fut régente de
France de 1610 à 1614, date à laquelle Louis XIII est
déclaré majeur.
42 Richelieu fut le ministre de Concini, alors
favori de Marie de Médicis. Exilé en Avignon, Richelieu
bénéficie du soutien de la mère de Louis XIII pour entrer
au Conseil, en tant que premier ministre du roi.
43 La guerre de Trente Ans (1618-1648) oppose l'Eglise
catholique romaine (les Habsbourg d'Espagne et le Saint-Empire germanique) aux
Etats allemands protestants du Saint-Empire (auxquels se sont alliés les
Provinces-Unies et les pays scandinaves).
15
C'est en 1636 que Richelieu envoie une lettre à Louis
XIII, porteuse des prémices du voeu du roi de 1638,
particulièrement décisif dans l'affirmation de l'Assomption au
sein des fidèles du XVIIème siècle. Le cardinal
présente donc au roi la proposition suivante ;
« Rueil, 19 mai1636. On prie Dieu à Paris, par
tous les couvents, pour le succès des armées de votre
Majesté. On estime que si elle trouvait bon de faire un voeu à la
Vierge avant que ses armées commencent à travailler, il serait
bien à propos. On ne prétend pas que ce voeu soit de difficile
exécution. Les dévotions qui se font maintenant à
Notre-Dame de Paris sont très grandes ; s'il plait à votre
Majesté d'y donner une belle lampe et la faire entretenir à
perpétuité, ce sera assez et je me charge de faire
exécuter sa volonté en ce sujet. Un redoublement de
dévotion envers la mère de Dieu ne peut que produire de
très bons résultats. »45
Richelieu, dans cette courte lettre, propose au roi de faire
un voeu à la Vierge Marie ; pour cela, et probablement afin de lui en
faciliter l'exécution, il suggère au roi de faire brûler
une lampe en l'honneur de la Vierge, et lui en assure l'entretien par ses
soins.
Les mois qui suivent cet échange46, plongent
les parisiens dans la tourmente avec l'avancée des troupes Espagnoles en
Picardie et la prise de Corbie (dans la Somme) en Août 1636.
Peu de temps après, le cardinal de Richelieu mobilise
le peuple de Paris depuis l'hôtel de ville, avec succès puisque
les volontaires, les armes et l'argent affluent de toutes
parts47.
44 Ou Maison d'Autriche, d'où sont issus les
empereurs de l'Empire d'Autriche, du Saint-Empire romain germanique, et
plusieurs rois d'Espagne, du milieu du XVème au XVIIIème
siècle avec l'Empire austro-hongrois.
45VAULGRENANT, Maurice de, Le voeu de Louis
XIII, In: Revue d'histoire de l'Église de France, Tome 24,
N°102, 1938, p.49.
46 Le roi Louis XIII répond à la
lettre de Richelieu en déclarant que l'idée lui plait, et
s'assure de son exécution à deux reprises d'ici à la fin
du moi de mai.
47 Maurice Vaulgrenant qualifie cette affluence
d'hommes et d'argent de « magnifique élan de patriotisme ».
VAULGRENANT, Maurice, Le voeu de Louis XIII, In: Revue d'histoire de
l'Église de France, Tome 24, N°102, 1938, p.50.
16
L'armée royale française repousse les lignes
ennemies et siège devant Corbie, avant la capitulation de la ville en
novembre 1636.
Louis XIII, que nous savons très pieux48,
remercie Dieu pour cette victoire militaire, et c'est le Père
Joseph49 qui le premier suggère au roi de placer son
État et sa personne sous la protection de la Sainte Vierge.
L'élaboration du texte qui constituera le voeu de Louis
XIII, débute au début de l'année 163750 avec
l'aide de Richelieu.
C'est finalement le 10 février 1638 que le roi signe
l'ordonnance qui constitue une véritable affirmation du culte de la
Vierge et plus particulièrement de l'Assomption. Ci-après, les
extraits51 qui nous intéressent pour cette étude :
« A ces causes, nous avons déclaré et
déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse
Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons
particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et
nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et
défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses
ennemis, que, soit qu'il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la
douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre coeur, il ne
sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la
gloire ».
D'après ces mots nous pouvons voir ici un peu plus
qu'un voeu, mais bel et bien une consécration solennelle de la personne
du roi, de son royaume et de ses sujets à la Vierge.
48 Louis XIII a notamment assisté à
la pose de la première pierre de Notre-Dame des Victoires, et
effectué un pèlerinage à Notre-Dame des Vertus
d'Aubervilliers.
49 Le Père Joseph (ou François Leclerc
du Tremblay, 1577-1638) est un capucin, fondateur de la congrégation des
bénédictines de Notre-Dame du Calvaire (à influence
capucine et franciscaine). A partir de 1616 et jusqu'à sa mort il est
connu pour faire partie du cercle rapproché de Richelieu. Il lui apporte
son soutien (notamment dans la lutte contre le protestantisme), et ses
conseils, ce qui l'implique fortement dans la vie diplomatique et politique du
royaume.
50 Richelieu travaille à
l'élaboration de ce texte, ce qui est confirmé par une lettre de
la main de son secrétaire et corrigée par le cardinal.
Archives du ministère des Affaires
étrangères, France, 1637, septembre-décembre,
fol. 323 ; d'Avenel, Lettres..., t. V, p.908-912.
51 Le texte intégral est reproduit en
Annexe 16.
17
Plus loin, Louis XIII explicite les engagements qui vont de pair
avec cette consécration :
« Nous admonestons le sieur archevêque de Paris et
néanmoins lui enjoignons que, tous les ans le jour et fête de
l'Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente
déclaration à la grande messe qui se dira en son église
cathédrale et qu'après les vêpres dudit jour, il soit fait
une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes
les compagnies souveraines et le corps de ville, avec pareille
cérémonie que celle qui s'observe aux processions
générales les plus solennelles. Ce que nous voulons aussi
être fait en toutes les églises tant paroissiales que celles des
monastères de la dite ville et des faubourgs, et en toutes les villes,
bourgs et villages dudit diocèse de Paris.
Exhortons pareillement tous les archevêques et
évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de
faire célébrer la même solennité en leurs
églises épiscopales et autres églises de leurs
diocèses : entendant qu'à ladite cérémonie les
cours de parlement et autres compagnies souveraines et les principaux officiers
de la ville y soient présents. »52.
Le voeu de Louis XIII scelle en quelque sorte le devenir du
culte marial à Paris mais aussi dans toute la province. Cette nouvelle
impulsion de dévotion initiée par le roi lui-même se
traduit en littérature par une accentuation des excès dans les
ouvrages dédiés à la Vierge. Par l'annonce royale, la
glorification du personnage de la mère de Dieu ne pouvait que
s'intensifier.
Ainsi dans la deuxième moitié du siècle
les écrits sont empreints du voeu du Louis XIII mais toujours de
mysticisme, propre à cette époque, et qui conditionne
l'orientation, le sens même
52 Ce texte est d'une importance fondamentale puisque
d'un point de vue législatif il s'agit d'un acte officiel de premier
ordre, qui a été enregistré par le Parlement. Il figure
donc dans l'ouvrage d'Isambert, le Recueil général des
anciennes lois françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la
Révolution de 1789, t. XXII (mai 1610 -mai 1643), Paris, 1829.
18
du récit. Il s'agit avant tout d'interpeler les
lecteurs, les fidèles, sans susciter chez eux de la peur car la figure
mariale permet de rassurer, par son rôle d'intercession53 .
C'est donc une Assomption aux multiples significations qui
émerge : la Vierge, peut-être par le manque de documents
pionniers, permet aux auteurs d'adopter une doctrine peu rigoureuse, où
l'imagination prend une place conséquente, orientée selon leurs
propres convictions. Jeanne de Sainte-Ursule dans le Journal des illustres
religieuses de l'ordre de Sainte-Ursule54 prête à
la figure de la Vierge de nombreuses attributions, et fait clairement appel
à la sensibilité des fidèles par un langage simple :
« Adorable Marie qui êtes la Reine de nos coeurs,
et la Maîtresse de nos affections, qui sait si la providence divine ne
vous a point élevée à la qualité de Reine, pour
vous opposer aux supplices qui menacent votre Nation en un temps si calamiteux.
Si vous possédez si glorieusement le titre de Reine des Anges, des
hommes, et des Démons, et de tous les Royaumes, permettez que je vous
dise, que vous l'êtes singulièrement du Royaume de France, pour
nous secourir en un temps si malheureux, auquel nos péchés
attirent les vengeances divines sur nos têtes ; en ce temps auquel la
vertu gémit de se savoir abattue au pied du vice, lorsqu'elle devrait
être victorieuse sur ses efforts. »55 .
Le rôle multiple de la Vierge est à son paroxysme
le jour même de son Assomption : cet évènement dans les
ouvrages religieux, pérennise en quelque sorte le rayonnement de cette
figure mariale. Elle est à la fois Vierge de miséricorde,
d'intercession, reine des pêcheurs, des saints et des anges, mère
aimante et mère de douleurs56. L'Assomption réunit
tous ces états, permettant aux auteurs d'orienter leur texte pour mieux
convaincre.
53 « (...) il arrive souvent que ceux que la Justice du Roi
de gloire et du Juge souverain pourrait damner, sont délivrés par
les intercessions de cette Mère de miséricorde. », CAMBOUNET
DE LA MOTHE, Jeanne de (ou Jeanne de Sainte-Ursule), Journal des illustres
religieuses de l'ordre de Sainte-Ursule, avec leurs maximes, pratiques
spirituelle, monastère de Bourg-en-Bresse, 1684-1690, p.326.
54CAMBOUNET DE LA MOTHE, Jeanne de (ou Jeanne de
Sainte-Ursule), Journal des illustres religieuses de l'ordre de
Sainte-Ursule, avec leurs maximes, pratiques spirituelle, monastère
de Bourg-en-Bresse, 1684-1690. 55Idem, p.326.
56 « Marie est morte par la mort de l'amour, ou bien par
la puissante et douce impétuosité du divin amour, qui allait
toujours l'attirant à soi, et la séparant d'elle-même : et
comme son amour croissait à chaque moment de sa
19
Le XVIIème siècle voit donc le
rayonnement du culte marial s'intensifier, l'Assomption, en est un
élément clé et fondateur, au même titre que
l'Annonciation, qui annonce les privilèges dont va
bénéficier Marie à sa mort. Pour les fidèles et
l'Église, il s'agit de l'aboutissement de la vie terrestre de Marie,
mais aussi et avant tout le commencement de sa vie éternelle, son
entrée en gloire. Ce passage de l'existence de Marie constitue une
source d'écriture inépuisable pour les auteurs et d'inspiration
pour les peintres de l'époque. La tradition littéraire,
véritable révélateur de l'engouement suscité par
l'Assomption, est à associer à la production artistique. Le
parallèle entre les deux productions, l'ut pictura poesis
révèle le vif succès que rencontre ce thème au
XVIIème siècle.
Nous allons donc brièvement retracer la tradition
picturale de l'Assomption, pour tenter de dégager la composition
traditionnelle en vigueur au Grand Siècle.
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