? CONCLUSION
Cette étude s'est attachée à faire un
état des lieux de la production picturale dédiée à
l'Assomption, sur un territoire défini, la Provence du XVIIème
siècle. Nous avons cependant choisi de sortir de ce
périmètre géographique, pour inclure les oeuvres
présentes dans le Dauphiné, Avignon et le comté Venaissin.
Ce choix justifié par la proximité entre ces comtés,
permet de donner une vue d'ensemble de la production, afin de rendre compte,
dans un premier lieu qu'une école ou plutôt une manière
provençale est décelable dans ces Assomption et qu'elle ne se
limite certainement pas aux frontières du comté de Provence.
Cette région qui dès l'Antiquité vivait d'échanges,
conserve cette particularité au XVIIème, celle d'une terre de
passage, de brassage d'influences pour les artistes. Ils circulent dès
le XVème siècle des Pays-Bas et des provinces françaises,
vers l'Italie, et s'arrêtent en Provence, qui accueille ces vagues
presque ininterrompues de peintres importés durant plusieurs
siècles. Les leçons italiennes ramenées des voyages
successifs effectués par les artistes, ajoute une donnée au
paysage artistique de la région. Malgré cet aspect
hétéroclite de l'art en Provence, l'étude de la production
liée à l'Assomption à permis de démontrer
l'existence d'une peinture provençale. Elle a été
perpétuée par la population d'artistes locaux et implantés
en Provence, dont la production a longtemps été oubliée
dans l'ombre d'un art national, celui que l'on rencontre dans la capitale. Si
François Mimault, établi dans la région, ou Reynaud
Levieux qui en est originaire, sont de bons exemples d'une
réhabilitation tardive, un grand nombre de ces peintres qui ont
peuplé la vie artistique de la région demeure dans l'anonymat.
Cette étude a voulu intégrer ces Assomption privées de
signatures, comme autant de témoignages, d'indices menant à
l'élaboration de ce que l'on pourrait appeler un mode de
représentation spécifique à la Provence. Mais surtout nous
nous sommes attachés à discerner l'apport de ces artistes locaux,
originaires ou non de la région dans ces toiles.
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Ainsi nous identifions dans nombre d'oeuvres des points
communs au niveau de l'appréhension de certaine donnée
stylistiques. En premier lieu le traitement des visages : la Vierge arbore une
physionomie douce et arrondie dans la grande majorité des oeuvres
étudiées. Nous pensons à celles de Levieux
évidemment, mais aussi aux oeuvres anonymes de Guillestre, d'Aups ou
encore de Grimaud. La seconde particularité qui semble marquer la
production provençale réside dans le traitement des couleurs. Les
peintres se constituent une palette riche et lumineuse. Alauzen affirme
à ce propos que la peinture en Provence « a trouvé son
expression de la lumière »259 dès le
XVIème siècle. À cela il convient d'ajouter la persistance
de certains traits de la peinture du Moyen-âge, visible dans nos oeuvres
aux poses figées des protagonistes. Cette caractéristique est
particulièrement marquée chez la Vierge, souvent
représentée de manière statique, excluant les apports plus
modernes. Nous pensons aux leçons italiennes avec l'essor du courant
baroque, qui associe la recherche du mouvement à l'expression des
passions. Nous n'affirmons pas qu'il s'agisse d'un rejet total, puisque
certains artistes font tout de même preuve de modernité par la
représentation du paysage dans certaines toiles. Néanmoins cet
exemple concerne seulement quatre oeuvres de notre catalogue, l'Assomption
anonyme avec sainte Claire d'Ollioules et celles de Monier et Reynaud
Levieux.
Mais plus généralement, nous pouvons tirer
plusieurs leçons de l'ensemble de ces représentations de
l'Assomption. Ces oeuvres, nous l'avons vu, sont en majorité de
composition traditionnelle, aux registres superposés, avec pour beaucoup
la présence de saints extérieurs à la scène. Cette
tendance en peinture traduit la réalité d'un territoire
attaché à ses traditions anciennes, où la recherche de la
nouveauté, par la modernisation des formes notamment n'est pas
essentielle. Nous constatons que ce qui semble primer dans ces Assomption est
le message délivré. Sans pour autant nier le talent de certains
peintres
259ALAUZEN, André, La peintre en Provence
du XIVe siècle à nos jours, La Savoisienne, Marseille, 1962,
p.34.
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évidemment, nous remarquons en effet la
répétition des modes de représentation, assurant une
lecture aisée des oeuvres. En somme, le lieu de destination est
primordial : les oeuvres de notre catalogue ont pour la plupart un aspect
utilitaire que l'on ne peut ignorer. Elles illustrent les besoins
esthétiques des foyers artistiques majeurs, Aix, Arles et Avignon, mais
aussi ceux de communautés beaucoup plus rurales, comme Le
Mônetier-les-Bains ou encore Senez. De plus, l'Assomption se
révèle être un sujet populaire au sein de divers ordres
religieux, pénitents, Franciscains ou encore les Chartreux qui se
développent grâce au renouveau de la vie monastique.
Particulièrement nombreux en Provence, ces ordres, ainsi que les
très nombreux lieux de cultes participent à définir le
caractère extrêmement religieux propre à la
région.
Si l'on place à part les oeuvres qui font figures
d'exceptions dans notre catalogue, - la copie formelle de Vernègues, la
toile commandée à Champaigne et les deux
compositions260 isolant le groupe de la Vierge - toutes les autres
Assomption, qui dévoilent le talent plus ou moins grand de chaque
artiste, ont la même caractéristique. Nous sommes forcés
d'admettre le rôle prépondérant des commanditaires, qui
donnent aux artistes des recommandations iconographiques strictement
traditionnelles, ne laissant que peu de place à l'imagination des
peintres. Mais notre étude, dès son début, rappelle les
prédispositions conséquentes qu'avait un territoire tel que la
Provence à perpétuer les traditions religieuses et artistiques
qui ont défini son identité avant même le XVIIème
siècle.
Ces représentations de l'Assomption sont donc avant
tout des oeuvres destinées à susciter la dévotion et la
piété, elles offrent un support matériel à ces deux
vertus, permettant à tous, y compris les moins instruits, de concevoir
le caractère mystique de la fin terrestre de la Vierge.
260 Les oeuvres de Cavaillon et Salon-de-Provence.
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Parallèlement l'étude du culte de l'Assomption
et plus généralement du culte marial a permis de démontrer
la présence toute particulière de cette figure maternelle dans la
région. Les vocables dédiés à la sainte Vierge se
multiplient en Provence, et de nombreuses processions ont lieu pour la
fête du 15 août, directement issues de la tradition populaire.
Finalement cette étude a voulu éclairer la
production d'un thème particulièrement populaire au Grand
Siècle, au sein d'une région chargée d'histoire et de
religion. Et au fil de ces oeuvres, nous avons découvert une peinture
parlante, chaleureuse, qui correspond à la Provence telle que nous la
connaissons.
Aujourd'hui, la région conserve toujours un patrimoine
religieux particulièrement riche, la Révolution ayant
épargnée un grand nombre d'oeuvres cachées dans les
églises qui peuplent le territoire. Ces lieux de culte qui
étaient si nombreux n'ont pas totalement disparu, les églises des
villes et villages sont parfois toujours en activité, mais lorsqu'elles
sont fermées, la question de la visibilité de ces oeuvres se
pose. La réhabilitation de cette part de la production artistique
provençale particulièrement féconde, peuplé
d'artistes de tous horizons, est une grande entreprise, dont on doit
l'initiative à monsieur Boyer. À ce jour il parait primordial de
rappeler l'importance de faire connaitre ce patrimoine, ces oeuvres qui sont
les témoins d'une vie artistique intense et prolifique en Provence.
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