B/ ÉA destination d'un public ciblé
Lorsqu'on publie un contenu sur Facebook, on s'adresse
toujours à un échantillon de nos amis Facebook afin d'avoir un
minimum d'audience et de retour (par un « j'aime » ou un
commentaire). Si un internaute sait qu'un contenu qu'il a
apprécié n'intéressera que lui, il ne le publie pas. Si le
contenu intéresse un ami en particulier, on publie directement sur son
mur ou on lui envoie un message privé grâce à l'outil de
conversation instantanée rendue possible par le site. Le public est donc
toujours ciblé quelque soit le contenu partagé. L'internaute sait
plus ou moins qui sera susceptible d'être intéressé par le
post selon le groupe d'appartenance de ses amis.
En effet, sur un grand nombre de réseaux sociaux
aujourd'hui, dont Facebook, toutes les sphères de nos vies sont
mélangées dans nos relations. Familles, amis, travail, trois
cercles où nos façons d'être, de nous exprimer
diffèrent et doivent être adaptées. Lorsqu'on partage un
contenu sur Facebook, l'illusion est telle que nous avons l'impression de nous
adresser qu'à l'audience concernée mais ce n'est
évidemment pas le cas. L'employeur, ou un membre de la famille peuvent y
avoir accès d'autant plus que les profils sont publics par défaut
et qu'aujourd'hui encore, les personnes qui réduisent leurs
paramètres de confidentialité sont rares. Dans le cas de la
Neknomination, ce paramètre est à prendre en compte, alors que
réservées aux seuls amis, d'autres sphères, non
concernées par ces vidéos et non appropriées au contexte,
se retrouvent membres du public a priori ciblé par les
Neknominés. La Neknomination est pourtant une réponse directe au
Neknomineur (d'ailleurs notifié de la publication39) et un
appel à trois autres personnes qui devront par la suite relever le
défi. Le reste des amis peuvent être intéressés mais
d'autres n'ont rien n'à voir
39 Nous reviendrons sur ce point dans la suite du
développement, lorsque sera évoquée la
performativité sur Facebook.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
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avec ces vidéos qui viennent à eux en «
push » par l'intermédiaire du fil d'actualités. Les
enquêtés confessent ne pas se soucier de se filmer en train de
boire de l'alcool sur Facebook, ils sont encore étudiants, s'amusent.
Certains d'entre eux n'ont pas modifié leurs paramètres de
confidentialité, tout le monde peut alors avoir accès à
leurs publications, ils ne savent d'ailleurs même pas comment faire,
cause d'un grand manque d'information concernant la protection de sa vie
privée sur les réseaux sociaux.
Ainsi, la Neknomination participe bel et bien de ce processus
de construction des identités numérique sur l'espace de
socialisation 2.0. Par ces images, ces internautes dévoilent une partie
de leur intimité et tentent de la faire valider par autrui, c'est ici
que ce situe la part de défi, conséquence d'un besoin de
reconnaissance dans un groupe. Challenge paradoxal, car la Neknomination est le
résultat d'une double volonté : similarité et
démarcation. Similarité dans le schéma narratif, sorte de
contrat passé entre adeptes de ce défi pour l'inscrire dans une
réalisation collective. Démarcation dans la mise en scène
et/ou la quantité d'alcool qui s'inscrit dans cette tendance du Social
Bragging, qu'Olivier Glassey, sociologue à l'université de
Lausanne, appelle « bravades démonstratives ». En ce sens, la
Neknomination est bien un challenge soumis au regard et à la pression de
ses pairs. Une vidéo qui fera corps avec d'autres, réunies dans
une chaîne d'interconnaissances qui se mettent au défi les uns les
autres.
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