CONCLUSION GENERALE
89
Dans le contexte de la RDC, comment faire à ce que
l'éducation conduise à l'autonomisation de la femme?
Tel a été le principal questionnement ayant
guidé cette recherche. La question est partie du constat que les efforts
tant déployés par le gouvernement congolais n'ont pas su
permettre l'accroissement de l'équité dans l'éducation. Et
pourtant, c'est cette équité qui est la base même de
l'autonomisation.
Ainsi, pour mieux traiter ce problème, la question
principale a été décomposée en deux questions
spécifiques, à savoir :
? Prenant en compte le contexte particulier de la RDC, les
objectifs prioritaires retenus par les politiques publiques en matière
de l'éducation sont-ils les suffisants pour parvenir à
l'équité dans ce secteur ?
? De quelle manière la stratégie de
développement du sous-secteur de l'EPSP prend-telle en compte la
dimension genre ?
Pour répondre à ces questions, nous avons
structuré notre travail en deux parties. Dans la première, nous
avons analysé la cohérence interne et externe de la
stratégie pour le développement du sous-secteur de
l'éducation par rapport à la situation de la femme dans ce
domaine. Et dans la seconde, nous nous sommes attelés à
évaluer le degré de prise en compte des problèmes de
l'égalité de sexe par cette stratégie.
A cet effet, il sied tout premièrement de rappeler que
les plans d'actions de la Stratégie pour le développement du
sous-secteur de l'EPSP accordent la priorité à la gratuité
de l'enseignement primaire et à la construction des salles de classe.
Or, à travers l'analyse de la situation, nous sommes parvenus à
la conclusion que le problème pour l'éducation des jeunes filles
en RDC se pose beaucoup plus en termes du faible taux de scolarisation au
niveau secondaire, de l'écart dans le taux d'achèvement (en
comparaison avec celui des garçons) et de l'existence d'importants
stéréotypes et clichés sexistes défavorables aux
filles.
Certes, au-delà des inégalités dans les
indicateurs de la scolarisation, qui sont très facilement palpables, il
existe, dans ce système, d'énormes stéréotypes
sexistes. Ceux-ci se présentent sous forme de la hiérarchie
administrative des hommes sur les femmes à tous les niveaux
(comité des élèves, enseignants, inspection), de la faible
représentation des femmes, des clichés sexistes dans les manuels
scolaires, et de la perception fataliste et conservatiste des enseignants sur
l'égalité de sexe. De même, certains textes contenus dans
les manuels scolaires traduisent clairement une
90
hiérarchie. Par conséquent, la structure
éducative congolaise reproduit le schéma familial dans lequel le
pouvoir de décision est réservé à l'homme. Elle
représente, aux yeux des élèves, la répartition des
pouvoirs entre hommes et femmes dans la société.
Ainsi, après l'analyse des résultats de ce
travail, notre première hypothèse a été
confirmée. En effet, l'équité dans l'éducation ne
passe pas véritablement par la gratuité de l'enseignement
primaire et la construction des salles, bien que ces mesures soient importantes
pour la promotion de l'éducation pour tous. Nous avons découvert
que l'égalité de fait entre le sexe dans l'éducation fait
plutôt appel aux mesures de discrimination positive en faveur des filles
et à la lutte contre les stéréotypes sexistes. Ces deux
considérations doivent ainsi faire l'objet des projets
spécifiques assortis des prévisions budgétaires
conséquentes.
En second lieu, nous avons analysé le degré de
prise en compte des problèmes des femmes dans la stratégie de
développement du sous-secteur éducation. Pour y parvenir, nous
avons décidé d'utiliser le Cadre d'Habilitation de la Femme
développé par Sara Longwe.
Cette analyse nous a permis de démontrer que la
stratégie de développement du sous-secteur de l'EPSP traite de
manière neutre les questions d'égalité de sexe.
C'est-à-dire que les objectifs de cette politique reconnaissent les
problèmes que rencontrent les jeunes filles dans leurs processus
d'éducation, mais qu'aucune activité spécifique n'est
développée pour y faire face. En effet, comme déjà
mentionné, cette politique fonde sa priorité sur la
gratuité de l'enseignement primaire et la
construction/réhabilitation des salles de classes. Or, si ces deux
priorités peuvent permettre l'accès et l'accessibilité des
élèves à l'éducation, elles ne peuvent que
partiellement favoriser la rétention des élèves du
primaire. Quant à l'équité, les deux priorités ne
peuvent pas y contribuer. La stratégie reste totalement distante face
à ce problème.
Cette conclusion nous amène bien évidement
à confirmer la seconde hypothèse de notre recherche où
nous pensions que les axes principaux de la stratégie de l'EPSP ne
s'engagent que de manière neutre dans la résolution des
problèmes et défis rencontrés par les filles dans leur
scolarisation.
Il faut cependant préciser que les résultats
obtenus par cette recherche sont propres au milieu rural. Car cette recherche a
été menée dans deux provinces rurales (Haut
Uélé et Bas Uélé) et la situation de la femme
diffère du milieu rural au milieu urbain.
91
Ainsi, en réponse à notre question principale,
nous aboutissons à l'idée maitresse de ce mémoire que,
pour le secteur de l'éducation, l'autonomisation de la femme passe par
l'accroissement de l'équité et la prise en compte effective de la
dimension genre dans la planification de l'éducation nationale. Nous
admettons, à travers ce travail, que l'égalité de sexe
dans l'éducation, gage de l'autonomisation de la femme, ne se limite pas
uniquement à l'accès à l'enseignement. Elle exige une
équité entre filles et garçons dans la
représentation, la réussite scolaire, le maintien, la
répartition des tâches, etc.
Pour y parvenir, la stratégie pour le
développement du sous-secteur de l'EPSP requiert un ajustement afin de
permettre au pouvoir public d'être plus attentif et plus sensible aux
problèmes spécifiques de la jeune fille. Cette prise de
conscience doit être accompagnée de l'adoption des actions
positives pour favoriser l'essor d'un environnement éducatif juste, dans
lequel filles et garçons bénéficient des mêmes
capacités et des mêmes opportunités scolaires.
La récurrence des guerres ou les crises
économiques ne doivent pas constituer des disculpations à la
fourniture de l'éducation de qualité pour tous. La qualité
de l'enseignement n'a pas de prix. Elle doit être une priorité en
temps de paix tout comme en temps de guerre. Car il s'agit de préparer
une génération, de lui léguer une histoire, des valeurs et
des responsabilités. Il n'y a pas de précieux héritage
qu'une génération puisse léguer à une autre que
l'éducation.
Somme toutes, nous ne pensons pas avoir analysé tous
les paramètres de ce sujet, nous restons néanmoins convaincus que
notre travail apporte une modeste contribution à toutes les recherches
antérieures. Il constitue également une des voies à qui
veut s'engager sur la route de l'autonomisation de la femme. En fin, l'analyse
approfondie de ce travail pourrait également soulever la
nécessité de l'harmonisation du système éducatif au
sein de la sous-région de l'Afrique centrale pour le rendre beaucoup
plus inclusif dans tous les Etats.
92
|