2.2 Les causes de la persistance des iniquités
dans l'éducation en RDC.
La fourniture de l'éducation pour tous se butte
à des multitudes de contrainte en RDC. Celles-ci sont d'ordre
conjoncturel tout autant que structurel.
2.1.4. Les causes conjoncturelles des
inégalités dans l'éducation
? La crise économique
La crise des années 1990 serait à l'origine de
la mauvaise gouvernance qui a conduit au resserrement de l'assiète
fiscal de l'Etat et occasionné la baisse significative de la part du
budget de l'Etat allouée aux secteurs sociaux de la vie.
L'éducation n'a pas été épargnée par cette
situation.
Tableau 10 : Part de l'éducation dans le budget national
(1986-2014)
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1980
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1990
|
2000
|
2002
|
2006
|
2009
|
2011
|
2012
|
2013
|
2014
|
% du budget
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24,3
|
4,0
|
8,0
|
6,0
|
12,0
|
11,3
|
12,3
|
12,8
|
13,2
|
16,0
|
de l'éducation
|
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|
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|
Source : RDC, Rapport OMD 2000-2015.
49
Graphique 8 : Comparaison de la progression du taux net de
scolarisation et du budget de l'éducation.
20
10
Comparaison du taux net de scolarisation et de la part du budget
de l'éducation
100
90
80
70
60
50
40
30
0
Annee 2001 Année 2007 Année 2013
Part du budget d'éducation Taux net de scolarisation
Source : Graphique construit par nous-même sur base des
données issues du rapport OMD 2000-2015.
A partir de ce graphique il y a lieu d'admettre que
l'augmentation de la part du budget allouée à l'éducation
va de pair avec l'amélioration du taux net de scolarisation. Cela
démontre l'importance de l'engagement du pouvoir public aux questions de
l'éducation.
? Les conflits armés récurrents et persistants.
La RDC a enregistré des dizaines des conflits
armés qui ont eu des fâcheuses conséquences sur la
situation sociale de la population. Ces conflits sont principalement
concentrés à l'Est du pays et touches les anciennes provinces du
Katanga, les deux Kivu et l'ancienne Province Orientale. Ces conflits sont
aussi bien influencés par le contexte politique international, la
situation dans les pays voisins (Rwanda, Ouganda et Burundi) que par des
dimensions internes.
En effet, dans les deux Kivu, la crise politique et sociale a
été renforcée par l'arrivée d'un million des
réfugiés burundais et rwandais respectivement en 1993 et 1994. Le
fait que certains de ces réfugiés étaient armés et
soutenus de l'extérieur, leur présence affectera la population
locale dans une partie aussi volatile du territoire nationale et créa
une logique pour le conflit à venir, comme le soulignent KOEN V. at all
(2004), « plaçant l'antagonisme Hutu-Tutsi au centre de la lutte
locale et mettant en place des ingrédients nécessaires à
une guerre régionale ». Bien plus, suites aux contestations et
tensions politiques en Ouganda, les mouvements rebelles ougandais de l'ADF/NALU
et de la LRA vont tous installer leurs bases
50
arrières au Kivu et dans l'ancienne province orientale
où ils commettent des atrocités énormes et des multiples
violations des droits humains sur des populations congolaises.
Parlant de la dimension interne du conflit, KOEN V. et alli
(2004) en distingue trois dynamiques essentielles : la nature de l'Etat
Zaïrois, les politiques foncières et la question de
nationalité. Tout d'abord, l'auteur signale que la stratégie
politique du président MOBUTU fut de diviser l'opposition et compter sur
ses membres en les inondant des fonds. MOBUTU convertit les ressources
économiques en ressources politiques pour les distribuer à ses
alliés. Ainsi, la population, déniée d'accès
à la participation politique sombre dans une pauvreté sans
précèdent. Ensuite, le conflit foncier a été
amplifié par le dualisme des systèmes de gestion de l'espace de
terre disponible (système traditionnel et droit civil). En fin, la crise
congolaise est caractérisée par une insécurité
civique et politique permanente issue de l'exclusion sociale des Barundi (dans
la Plaine de la Ruzizi), des Banyarwanda de Masisi et Rutshuru, et des
Banyamulenge d'Uvira.
Ces trois dynamiques sont à l'origine de la guerre de
1996-1997 (chute du pouvoir de MOBUTU) et de celle 1998-à nos jours
(guerre contre le régime de MZEE DESIRE KABILA, création
d'environ vingt groupes armés).
Cette situation a contraint des milliers des personnes au
déplacement. Selon l'Office de coordination des affaires humanitaires
(OCHA), au milieu de l'année 2014, on comptait plus de 861.000 personnes
déplacées internes dans le Nord Kivu, plus de 618.000 au sud
Kivu, plus 582.000 dans le Katanga et 467.000 dans l'ancienne Province
Orientale16.
En plus du déplacement des populations, les
différentes guerres ont occasionné la destruction des
infrastructures sociales de base (hôpitaux, centres de santé,
écoles), la réduction du pouvoir d'achat des populations,
l'absence ou, dans certains zones, l'affaiblissement de l'autorité de
l'Etat et des services publics, etc. Par conséquent, beaucoup d'enfants
sont restés non scolarisées.
De l'analyse des raisons sus évoquées, nous
estimons que, bien que les filles soient les plus touchées par les
effets de la guerre (enlèvement pour des fins sexuels, mariage
précoce et grossesse conduisant aux abondons scolaires), l'impact de la
guerre et de la pauvreté sur l'éducation est significatif aussi
bien chez les
16 Source: OCHA, situation humanitaire, septembre
2014.
51
filles que chez les garçons. La crise économique
et la guerre constituent un défi pour les deux catégories. Et
donc, si les guerres constituent une des causes du faible taux de
scolarisation, elles ne contribuent que de très peu dans la
perpétuation des inégalités entre filles et garçons
en matière de l'éducation.
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