II- L'ÉGLISE ÉVANGELIQUE DU CAMEROUN,
INITIATRICE DE LA COMMUNAUTÉ ÉVANGÉLIQUE D'ACTION
APOSTOLIQUE
L'une des fiertés internationales de
l'É.É.C. est son initiative en faveur de la création de la
Communauté Évangélique d'Action Apostolique
(C.É.V.A.A.). Nous reviendrons ici sur le contexte historique de sa
naissance, sur les évènements qui ont conduit à sa mise en
place et sur la vie de l'É.É.C. au sein de cette Organisation.
118 Rapport officiel d'Upsal, liste des participants p. 428.
119 Henriet Marcel, Briser les barrières,
Nairobi, 1975, p. 470 ; De Nairobi à Vancouver, Rapport du Comité
Central à la 6ème assemblée du C.O.É.,
p. 244 ; J. M. Chapuis et R. Beaupère, Rassemblés pour la vie,
Rapport officiel de la 6ème assemblée du
C.O.É., p. 217 ; De Vancouver à Canberra 1983-1990, p. 377.
120 Henriet Marcel, p. 489 ; J.M. Chapuis, p. 236.
121 Le pasteur Emmanuel Elouti a travaillé dans la
Commission Mission et Évangélisation de 1986 à 1998.
49
A- Contexte historique de la création de la
C.É.V.A.A
Nous sommes aux environs des années 1960,
période où plusieurs pays africains accèdent à
l'indépendance, mais aussi à l'autonomie de plusieurs jeunes
Églises en Afrique et dans le Pacifique. Ce sont également des
années où il était parallèlement beaucoup question,
dans les États et dans les Églises, d'aider les uns et les autres
à gérer leur autonomie. Il était donc question de les
accompagner à prendre en main leurs responsabilités, à
diriger leurs oeuvres et leurs institutions, à assurer leur
développement. Étant donné que la principale mission d'une
Église est l'évangélisation, il fallait aider les
Églises d'Afrique et du pacifique à entreprendre cette oeuvre.
Ainsi, l'évolution politique des jeunes nations et des
jeunes Églises, associée au mouvement oecuménique,
appelaient nécessairement des changements de structures dans les
missions occidentales et en particulier à la Société des
Missions Évangéliques de Paris. En effet, avant 1957, la
S.M.É.P. comptait huit champs de mission. De 1957 à 1964, toutes
les jeunes Églises de ces huit champs de mission devinrent autonomes
comme le décrit le tableau représentatif ci-après :
Tableau n°2 : Liste des Églises
du Champ de mission de la S.M.É.P. et leurs années
d'autonomie.
Pays
|
Nom de la jeune Église
|
Années d'autonomie
|
Cameroun
|
- Église Évangélique du Cameroun
(É.É.C.)
- Union des Églises Baptistes et
Évangéliques du Cameroun (U.É.B.C.)
|
1957
1957
|
Madagascar
|
Église Évangélique de Madagascar
|
1958
|
Togo
|
Église Évangélique du Togo
|
1959
|
Nouvelle Calédonie
|
Église Évangélique de Nouvelle
Calédonie
|
1960
|
Tahiti
|
Église Évangélique de Tahiti
|
1960
|
Gabon
|
Église Évangélique du Gabon (E.E.G.)
|
1961
|
Zambie
|
Église Évangélique de Zambie
|
1964
|
Source : E. Tchuindjang, « Les expressions
oecuméniques d'une Église du tiers-monde », p. 153,
modifié par ordre chronologique.
50
Comme nous pouvons le constater, en 1964, toutes les
Églises du champ de mission de la S.M.É.P. étaient
devenues autonomes. De ce fait, la question urgente qui se posait était
celle
de savoir, ce qu'allait devenir cette société
missionnaire, créée pour envoyer les missionnaires dans les
territoires d'Outre-Mer. Autrement dit, fallait-il la dissoudre ou l'orienter
vers une nouvelle voie, en mettant en place des nouvelles structures ? Cette
préoccupation de l'avenir était d'abord celle de son
président Marc Boegner, et ensuite de son directeur Charles Bonzon.
Devant cette situation, les jeunes Églises font
entendre leurs voix. A cette interpellation, elles répondent par le
biais du pasteur Camerounais Jean Kotto alors Secrétaire
Général de l'Église Évangélique du Cameroun,
à travers un discours devenu célèbre, et qui est une
référence pour la marche vers la création de la
C.É.V.A.A.
B- Les événements ayant abouti à la
naissance de la C.É.V.A.A.
1) L'appel du Pasteur Jean Kotto
Avant d'analyser l'appel du pasteur Jean Kotto,
étudions d'abord sommairement sa biographie.
Jean Kotto est né en 1918 d'un père
évangéliste. Il a vécu de 1918 à 1987. Il exerce
comme instituteur à l'école des catéchistes de
Ndoungué, puis comme professeur au Collège inter-missionnaire de
Libamba. Après des études de théologie à Paris, il
est consacré pasteur le 17 octobre 1954 et devient enseignant de
Théologie à Ndoungué. En 1957, il est simultanément
élu premier Secrétaire Général de
l'É.É.C. autonome et du Conseil des Églises Baptistes et
Évangéliques du Cameroun (C.É.B.É.C.). Il demeure
Secrétaire Général de l'É.É.C. jusqu'en
1977, année où il est élu Président de cette
Église. Il restera à ce poste jusqu'en 1987, année de son
décès. Au sein des Organisations oecuméniques, il a
occupé les postes ci-après : Président du Conseil
d'Administration de la Faculté de Théologie Protestante de
Yaoundé de 1967 à 1987, président de la
Fédération des Églises et Missions
Évangéliques du Cameroun (F.É.M.É.C.) de 1972
à 1987, membre du Conseil de la C.É.V.A.A et du Comité
Central du C.O.É. Jean François Zorn qui donne cette brève
biographie dans l'Encyclopédie du Protestantisme, le qualifie de «
personnalité la plus marquante du protestantisme africain francophone de
l'après-guerre de 1939 à 1945 »122. Bien plus,
Le
122P.Gisel et L. Kaennel (dir.),
Encyclopédie du protestantisme, Quadrige, P.U.F.,
2ème édition, 2006 p. 731.
51
pasteur Jean Kotto parvient à renouer des liens de
l'É.É.C. avec l'ancien partenaire qu'était la Mission de
Paris. Parmi les missionnaires français et suisses qui, suivant cet
appel, ont été envoyés dans l'Église
Bamiléké, il faut noter les noms des pasteurs Gérard Bach
à Dschang, Jacques Roehrich et Eugène Porret à
Bafoussam.
Photo n°2 : Le Pasteur Jean Kotto, premier
Secrétaire Général, artisan des relations internationales
de l'É.É.C.
Source : Annexes, J.P. Messina et J. V.
Slageren, Histoire du christianisme au Cameroun, des origines à nos
jours, Paris/ Yaoundé, Karthala/CLÉ, 2005.
Plus important encore, en 1964, à l'Assemblée
Générale de la S.M.É.P., répondant à la
sollicitation au sujet son avenir, Jean Kotto lance un vigoureux appel en
faveur de la dissolution de cette structure missionnaire en vue de pouvoir
créer une Action Apostolique
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Commune (A.A.C.) aux Africains, Océaniens et
Européens. Le but fut atteint en 1971 par la création de la
Communauté Évangélique d'Action Apostolique (C.
É.V.A.A.)123.
Ainsi, à la question de savoir si les jeunes
Églises étaient prêtes à participer par certains de
leurs membres, pasteurs et laïcs, à des équipes que la
S.M.É.P. constituerait en vue d'une Action missionnaire commune, la
réaction de tous est positive. Mais Jean Kotto donne à cette
question une portée nouvelle. Une action missionnaire commune ? C'est la
question qui est posée. La réponse est donnée par
l'affirmative. Pour le pasteur, il faut constituer une nouvelle
société, un nouvel organisme missionnaire. Avec les
Églises d'Europe qui ont soutenu jusqu'alors la Mission de Paris et les
jeunes Églises qui, en relation avec elles, sont alors devenues
autonomes, elles seraient appelées à concevoir, à
élaborer et à mener en commun l'ensemble de leurs
activités communes. C'est une communauté nouvelle,
intercontinentale, supranationale et supra raciale que le pasteur Jean Kotto
souhaite que l'on mette sur pied, à la place de la S.M.É.P. son
Assemblée Générale accepte donc ce voeu, à la suite
d'un long entretien qui fut parfois très émouvant.
Cet appel est comme un détonateur, comme une graine
semée prête à germer, pousser et donner un grand arbre. Par
cet acte, le pasteur Kotto oriente les esprits vers des formes nouvelles que
pourraient revêtir le service de la S.M.É.P. : l'union de nouveaux
labeurs des Église s qui ont soutenu, jusqu'en 1964 la S.M.É.P.
et de celles qui sont nées de son action missionnaire dans les pays
d'Outre-mer.
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