CHAPITRE II : L'ÉGLISE
ÉVANGÉLIQUE DU CAMEROUN AU SEIN DES ORGANISATIONS
INTER-ECCLÉSIASTIQUES INTERNATIONALES ET
CONTINENTALE (1959-2007)
Les Missions protestantes étrangères ayant
concouru à la naissance de l'Église Évangélique du
Cameroun, la présageaient à une ouverture remarquable sur le
monde. C'est ainsi qu'au lendemain de son autonomie, l'É.É.C
s'est lancée vers un vaste champ de coopération aussi bien sur le
territoire camerounais, qu'avec d'autres confessions religieuses au-delà
des frontières du Cameroun.
Comme nous l'avons signalé plus haut, il est
stipulé au préambule de la constitution évoquée
101 de l'Église Évangélique du Cameroun,
paragraphe 3 que : « L'É.É.C. est en communion avec toutes
les Églises ayant pour fondement Jésus-Christ et collabore
fraternellement avec elles au Cameroun et dans le Monde ». Cette
affirmation nous amène à justifier la collaboration ou les
échanges de l'É.É.C à l'extérieur du
pays.
Il s'agira dans ce chapitre, de présenter la
coopération multilatérale de l'É.É.C., en
décrivant et en analysant, l'entreprise de l'É.É.C. dans
certaines organisations inter-ecclésiastiques internationales et
régionale. En effet, l'É.É.C. est membre à part
entière du Conseil OEcuménique des Églises
(C.O.É.), de la Communauté Évangélique d'Action
Apostolique (C.É.V.A.A.), de la Mission Évangélique Unie
(M.É.U.) à Wuppertal en République Fédérale
d'Allemagne. De même, sur le continent Africain, l'É.É.C.
est membre fondateur de la Conférence des Églises de Toute
l'Afrique (C. É.T.A.).
I- L'ÉGLISE ÉVANGÉLIQUE DU
CAMEROUN, MEMBRE DU CONSEIL OECUMÉNIQUE DES ÉGLISES
(C.O.É)
Le Conseil OEcuménique des Églises est une
association fraternelle d'Églises qui confessent le Seigneur
Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Ecritures et s'efforcent
101 Église Évangélique du Cameroun :
Constitution adoptée au Synode Général de Mbouda du 06
Mars 1998, p.
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de répondre ensemble à leur commune vocation
pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit102.
Il s'agit d'un regroupement des Églises orthodoxes et de nombreuses
Églises indépendantes à travers le monde. Il a
été fondé en 1948 par les Églises occidentales de
la Réforme protestante : anglicane, baptiste, luthérienne,
méthodiste et réformée. Son siège est à
Genève en Suisse. Il rassemble près de 347 Églises,
dénominations et communautés d'Églises dans une centaine
de pays, et représente plus de 550 millions de chrétiens. Les
Églises en Afrique, en Asie, aux Caraïbes, en Amérique
latine, au Moyen-Orient et dans la région du Pacifique y sont
aujourd'hui en majorité103.
Les fonctions du Conseil OEcuménique des Églises
sont :
- poursuivre l'oeuvre des mouvements universels Foi et
Constitution, Christianisme
pratique, Conseil international des Missions ;
- faciliter l'action commune des Églises ;
- développer l'étude en commun ;
- favoriser le progrès de la conscience oecuménique
et missionnaire chez les fidèles de
toutes les Églises ;
- aider les Églises dans leur tâche mondiale de
mission et d'évangélisation ;
- établir et entretenir des relations avec les Conseils
nationaux et régionaux, les alliances
confessionnelles mondiales et autres organisations
oecuméniques ;
- convoquer sur tel sujet particulier, lorsque les circonstances
le réclament, des
conférences universelles qui seront autorisées
à publier leurs propres conclusions104.
L'Église Catholique n'y est qu'observatrice, mais
dès 1964, fut mis en place un processus de constitution d'un «
Groupe mixte de travail » entre cette Église et le C.O.É. Ce
groupe a publié en 2005 une étude sur la nature et objet du
dialogue oecuménique105.
Ainsi, l'adhésion de l'É.É.C. au Conseil
OEcuménique des Églises a été inspirée de
son esprit oecuménique originel. De ce fait, ses débuts au sein
de cette organisation ont été précédés d'une
série d'initiatives marquée par des échanges de
correspondances.
102, Nouvelle Dehli 1961, Conseil
OEcuménique des Eglises, Delachaux et
Niestlé, Neuchâtel, 1962, p. 391. U.P.A.C., Yaoundé.
103 Questions Internationales n°29,
janvier-février 2008, p. 27.
104 Nouvelle Dehli 1961, p. 392.
105
fr.wikipédia.org./wiki/COE,
consulté le 10 février 2015.
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A- Les initiatives de l'É.É.C. pour
l'adhésion au Conseil OEcuménique des Églises
En même temps qu'elle sollicitait sa pleine autonomie
vis-à-vis de la S.M.É.P., l'É.É.C. émettait
le voeu de devenir, après son indépendance, membre du Conseil
OEcuménique des Églises. C'est ainsi que dans la lettre
d'autonomie adressée, après la réunion du 20 au 25
septembre 1956, par les délégués de la Commission du
Synode Général de l'É.É.C. et les membres de la
Commission Exécutive de la conférence des missionnaires du
Comité Directeur de la S.M.É.P., il est mentionné que :
« Elle (É.É.C.) désire être admise au
C.O.É. afin de manifester visiblement sa volonté de travailler
à l'unité de l'Église
»106.
De ce fait, après avoir obtenu son autonomie, un assez
long échange épistolaire commença entre le pasteur Jean
Kotto, le tout premier Secrétaire Général de
l'É.É.C. et le Dr. W. A. Visser't Hooft, alors Secrétaire
Général du C.O.É. Cet échange dura près
d'une année et demie107. L'esprit
oecuménique de l'É.É.C. est dégagée à
travers la troisième lettre où l'É.É.C. demanda son
affiliation au C.O.É. Cette lettre se termine par une insistance sur son
désir d'y être admise comme membre. En effet, c'est par la lettre
datée du 05 novembre 1957 adressée à
l'É.É.C., sous le couvert du pasteur Jean Kotto, par le
Secrétaire Général du C.O.É., qu'est
présentée son admission possible comme membre de ce regroupement.
W.A. Visser't y écrit donc :
Je dois toutefois dire que le seul organe du Conseil
OEcuménique qui pourra prendre l'action officielle d'admettre votre
Église est notre Comité Central. Ce Comité a eu sa
dernière séance au début du mois d'août à New
Haven aux États-Unis et il se réunira de nouveau en août
1958 au Danemark. Je puis toutefois vous dire sur la base de tout de ce que
vous dites dans votre lettre, qu'il n y a pas de doute que le Comité
prendra une décision positive à ce moment108.
C'est donc une note d'espoir, quant à la future
admission possible de l'É.É.C. au sein de cette grande famille
des Églises de toutes les traditions, exception faite de l'Église
Catholique Romaine, qui se dégage de cette lettre.
En outre, le 02 juillet 1958, une lettre de W.A.Visser't
Hooft, au pasteur Jean Kotto relevait en rappel, que la demande d'admission de
l'É.É.C. sera soumise au Comité Central du C.O.É.
dans sa séance d'août 1958 au Danemark et y trouvera sans doute un
très bon accueil. De même, cette lettre exhortait
l'É.É.C. à y envoyer un représentant pasteur. Et,
prévoyant les
106 Lettre adressée au Comité Directeur de la
S.M.É.P. par les délégués de la Commission Synodale
Régionale de l'É.É.C. et les membres de la Commission
Exécutive de la Conférence des Missionnaires après la
réunion du 20 au 25 septembre 1956, p. 1, in 10 mars 1957, comme
vous y étiez, Recueil des textes rassemblés et
présentés par le Rév. Dr. Isaac Makarios Kamta,
Douala, J.M.C., 2007, p.5.
107 La première lettre date du 16 mai 1957 et est
écrite par W.A. Visser't et la dernière le 25 mai 1959
adressée par Jean Kotto à W. A. Visser't Hooft.
108 Lettre du 05 novembre 1957 adressée à
l'É.É.C. par le Secrétaire Général du
C.O.É., le Dr. W.A. Visser't Hooft, in E. Tchuindjang, « Les
expressions oecuméniques d'une jeune Église », p.145.
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difficultés financières auxquelles pouvaient
faire face une jeune Église fraîchement autonome, Visser't Hooft,
faisait lui-même la suggestion que ce représentant éventuel
soit le pasteur Eugène Mallo, qui résidait en Europe à
cette époque. Il devait donc être invité au Danemark
à la même période pour une réunion du
Département des affaires sociales du C.O.É. Ainsi, le 09 juillet
1958, un télégramme envoyé de Douala confirmait la
suggestion du Secrétaire Général du C.O.É., que le
pasteur Eugène Mallo représentera l'É.É.C. à
la réunion du Comité central au C.O.É à Nyborg au
Danemark. Deux jours après, le pasteur Mallo fut notifié par
Frank Northan, en l'absence de Visser't Hooft. Mais, Mallo ne reçut pas
la lettre. Cependant, lorsqu'il fut informé, il refusa au départ
cette représentation. À cet effet, il adressa au Dr. Visser't
Hooft une correspondance le 06 juin 1958. Finalement, il s'y rendit, puisqu'il
déclara ceci dans la Revue Les Flambeaux :
En août dernier, j'ai eu le privilège d'assister
aux séances du C.O.É. au Danemark, à la fois pour
l'admission comme membre au Conseil de l'É.É.C. d'où je
ressors, et pour prendre part à l'étude lancée depuis deux
ans et qui se poursuit sur la responsabilité commune des
chrétiens dans les pays de rapide évolution
sociale109.
À la réunion du Comité central, les
débats furent favorables pour l'admission de l'É.É.C.
comme membre du C.O.É. C'est ce qu'on peut relever dans une lettre de W.
A. Visser't Hooft, datée du 5 novembre 1958 et adressée à
l'É.É.C., sous le couvert du pasteur Jean Kotto. Il y
déclare :
Je suis heureux de pouvoir vous dire que le Comité
Central du C.O.É., dans sa séance d'août au Danemark, a
décidé d'accepter la demande d'admission de votre Église.
Nous avons informé les Églises membres de cette acceptation de
principe et votre appartenance au Conseil OEcuménique deviendra
définitive dans six mois, à moins que plus d'un tiers des
Église s membres soulèvent des objections. J'espère donc
que dans six mois, je pourrai vous écrire de nouveau pour vous dire que
votre Église est devenue membre du Conseil110.
De ce fait, le pasteur Jean Kotto adressa une lettre de
remerciement au Dr. Visser't Hooft le 12 novembre 1958. Dans cette lettre, il
se dégagea un sentiment de joie, de satisfaction, quoique cette
décision d'admission de l'É.É.C. ne soit pas
définitive. Toujours dans cette même lettre, et dans un style qui
frôle la propagande, le pasteur Jean Kotto parle de la visite du pasteur
François Akoa dans la zone d'action de l'É.É.C., de
l'invitation qu'il a reçue de celui-ci de visiter, au début de
l'année 1959, la zone d'action de l' Église Presbytérienne
Camerounaise (É.P.C.), d'une possible union de l'É.É.C. et
de l' É.P.C., deux grandes Églises protestantes du Cameroun, des
prochains pourparlers pour constituer un Conseil entre
109 E. Mallo, Questions actuelles. "L'oecuménisme",
Flambeaux. Revue bimestrielle destinée aux pasteurs, n°
32, septembre-octobre 1958, pp. 141-142.
110 Lettre de Visser't Hooft adressée au pasteur Jean
Kotto le 05 novembre 1958, p. 1, in E. TChuindjang, « Les expressions
oecuméniques d'une jeune Église », p. 146.
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l'É.É.C., l'É.P.C. et l'Union des
Églises Baptistes et Évangéliques du Cameroun
(U.É.B.C.)111.
En conséquence, le 22 avril 1959, c'est l'annonce
définitive de l'admission définitive de l'É.É.C.
comme membre du C.O.É. et qui constitue une heureuse fin. Cette
adhésion fut annoncée par le Secrétaire
Général du Conseil, le Dr. W. A. Visser't Hooft comme suit :
Comme je vous ai écrit après la séance du
Comité Central du C.O.É. tenue à Nyborg (Danemark), ce
Comité avait décidé d'accepter la demande d'admission de
votre Église, mais je devais ajouter que cette décision ne
deviendrait définitive qu'après six mois, si plus d'un tiers des
Églises ne s'y opposent. Maintenant, cette période est
passée. J'ai le plaisir de vous informer que nous n'avons reçu
aucune objection et que nous pouvons considérer votre Église
comme membre définitif du Conseil OEcuménique. À cette
occasion, je tiens à vous dire de la part de Conseil OEcuménique
que nous sommes très heureux de souhaiter la bienvenue à
l'É.É.C112.
L'ingratitude n'étant pas une vertu chrétienne,
le pasteur Jean Kotto adressa un mois après, au nom de l'Église
Évangélique du Cameroun, une lettre de remerciement aux
Église s membres de C.O.É., sous le couvert de son
Secrétaire Général, W.A. Visser't Hooft. Ce même 22
avril, Visser't Hooft notifia à l'É.É.C. qu'elle
était définitivement reconnue comme une de ses Église s
membres. À partir de ce moment, le nombre de membres du C.O.É
augmenta. Cette admission apparaissait donc comme l'un des premiers actes de
l'É.É.C. autonome vers le monde.
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