3.2) Les groupes de pairs
Les amis et autres fréquentations des adolescents du
même âge revêtent pour eux une norme sociale influente. Au
sujet du domaine alimentaire les canaux d'influences sont de plusieurs
ordres.
D'une part, les pairs peuvent arbitrer les choix alimentaires.
L'influence est favorable lorsque l'adolescent est entouré des jeunes
qui se préoccupent de bien manger, favorisant ainsi une saine
alimentation. Inversement, elle devient défavorable lorsque le groupe ne
s'en soucie guère. Il a été mis en lien que la malbouffe
chez les jeunes hommes serait corrélée à celle de leurs
amis (FLETCHER, A., C. BONELL et A. SORHAINDO, 2011). Fort de ce constat, des
économistes ont travaillé à évaluer l'impact des
pairs sur la prise alimentaire et concluent « qu'un jeune augmente sa
consommation de tels aliments lorsque ses amis augmentent leur propre
consommation moyenne » (FORTIN, B., et M. YAZBECK, 2011). Ils
démontrent par-là l'emprise effective qui se pratique sur
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l'adolescent, en compagnie de ses confrères, et parlent
de « multiplicateur social » qui agit face à la malbouffe et
le côtoiement des structures de restauration rapide. De la même
manière, l'influence des pairs peut aussi se répercuter sur les
comportements alimentaires. Il a été constaté, notamment
chez les jeunes femmes, que des troubles du comportement alimentaire (boulimie,
anorexie, ...) ou l'obsession malsaine pour la maîtrise de son poids
peut-être transmissible entre adolescentes d'un même groupe.
D'autre part, les comportements alimentaires des jeunes sont
considérablement chaperonnés par la pression normative des pairs.
Le regard que porte le groupe sur l'adolescent est fondamental pour ce dernier
et pourra même devenir prioritaire face à ses habitudes
comportementales. Par exemple, dans une étude réalisée
(RUFO, M., et M. CHOQUET, 2007), les jeunes sondés rapportaient aimer
bien manger d'un point de vu santé et nutritionnel, mais n'osaient pas
le faire à l'école par crainte d'être moqués en
optant pour des choix sains qui le différencieraient des autres.
Être identifié comme un « mangeur santé »
pourrait les conduire au rejet social.
Les aliments ont par ailleurs une forte charge symbolique de
la culture adolescente. La malbouffe est associée à un moment
combinant le besoin de s'alimenter tout en riant et en tissant des liens avec
ses amis. Aussi, manger peu ou « manger léger » serait signe
de féminité et manger beaucoup, de masculinité. Ceci nous
conduit aux travaux d'Annie Hubert sur la recherche féminine du corps
léger. Aujourd'hui la femme a un appétit léger pour «
fabriquer un corps léger ». L'homme lui a un appétit solide
pour « construire son corps d'homme » puissant et musclé. De
ce fait, les filles sont gênées de « beaucoup » manger
devant les garçons. Elles ne veulent pas qu'on les prenne pour des
goinfres car cela entacherait leur image féminine (COUNIHAN C. M.,
1999). « Manger santé » peut également porter le
symbole de snobisme dans l'esprit de certains ados, notamment chez les
adolescents issus de catégories socio-professionnelles moins
favorisées
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(CSP-). Ils ont peur d'être exclus et subir les
moqueries de leurs camarades, mais paradoxalement à l'inverse le «
mangeur non-santé » pourrait être victime des mêmes
satires s'il se retrouve en dehors de la norme pondérale.
La recherche de socialisation de l'adolescent l'amène
à repenser ses choix et comportements alimentaires et à
considérer le fait de manger dans de nouvelles dimensions
symboliques.
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