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La gestation pour autrui : etude comparative entre la france et les etats-unis( Télécharger le fichier original )par Geoffrey WATRIN Université de Strasbourg - Master 2 - Droit comparé 2015 |
2. L'impact de la dignité humaine sur la légalisation de la GPALes relations qu'entretient la gestation pour autrui avec la dignité humaine sont particulièrement complexes. En effet, plusieurs groupements européens affirment que cette pratique serait contraire au principe même de dignité153(*). Dans cette idée, ils avancent notamment qu'au delà de la dignité de la mère porteuse, c'est celle de l'enfant qui est bafouée, en ce que ses intérêts ne sont pas respectés dans une telle relation triangulaire154(*). Sur cette même question, la doctrine américaine reste particulièrement silencieuse, au même titre que sur la dignité humaine en général. Les différences flagrantes qui règnent entre les deux systèmes, tant en matière de fondements que de portée, pourraient ainsi amener à penser que c'est l'une des causes majeures caractérisant la différence des législations en matière de gestation pour autrui. En effet, ce principe, central en France en matière de protection du corps humain, fonderait légitimement un refus de légiférer en matière de maternité de substitution. A l'inverse, il paraitrait logique que les Etats-Unis admettent la GPA dans la mesure où la dignité humaine bénéficie d'une puissance diminuée, étant donné qu'elle n'existe pas de manière parfaitement autonome. Néanmoins, trois éléments importantsmettent à mal ce raisonnement, notamment du côté français. En effet, dès les premières discussions sur la possible légalisation de la GPA, le Conseil d'Etat a publié un rapport155(*) dans lequel figurait un chapitre comportant les principes fondamentaux liés à la bioéthique. Aucune mention ne sera faite de la dignité humaine dans ce texte, et a fortiori de la contrariété de ce principe avec cette pratique. Dans le même esprit, la Cour de cassation ne fera aucune référence à la dignité dans son fameux arrêt d'assemblée plénière du 31 mai 1991, qui vise pour rappel à prohiber les pratiques liées à la gestation pour autrui. Enfin, le Sénat apporte l'ultime argument allant
à l'encontre de ce raisonnement, dans une réflexion qu'il a
publié sur la gestation pour autrui. Ce dernier effectue alors une
distinction entre d'une part la GPA pratiquée à titre
onéreux, qui instrumentaliserait le corps de la femme, et d'autre part
celle pratiquée à titre gratuit, qui ne constituerait pas une
telle instrumentalisation, ce qui aurait pour effet de ne pas porter atteinte
à sa dignité. En d'autres termes, la valeur centrale dans le
raisonnement arboré par le Sénat réside dans
l'instrumentalisation. C'est ainsi elle qui détermine si la
dignité est violée ou non. Le Sénat conclu alors que dans
la mesure où elle est pratiquée à titre gratuit, la GPA
n'est pas une pratique contraire au principe de dignité
humaine156(*).
* 153Secrétariat de la Commission des Episcopats de la Communauté Européenne, « Avis du groupe de réflexion bioéthique sur la gestation pour autrui », Février 2015. * 154No MaternityTraffic, « Gestation pour autrui et Droits de l'Homme : enjeux humains, éthiques et juridiques », novembre 2015. * 155Conseil d'Etat, Sciences de la vie, de l'éthique et du droit, Paris, La documentation française, 1988. * 156Sénat, Rapport d'information n°421 : « Contribution à la réflexion sur la maternité pour autrui », 25 juin 2008, Partie IV, A, 3. |
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