La protection du créancier réservataire dans le redressement judiciaire en droit OHADA des procédures collectives( Télécharger le fichier original )par Lou Gohi Mélanie SOUKO Université des Lagunes-CIDD - Master 2015 |
Section 2: L'exercice de l'action en revendicationL'action en revendication n'a de sens que dans l'hypothèse où le créancier titulaire d'une réserve de propriété s'est, d'une part, dépossédé de son bien au profit du débiteur et, d'autre part, n'est pas payé par ce même débiteur. Tel est le cas lorsque s'ouvre une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, puisqu'il est alors interdit au débiteur de payer des créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure ou alors des créances nées postérieurement, mais ne présentant pas d'utilité pour la procédure. On peut aussi observer que l'ouverture d'une procédure collective justifie à elle seule que le créancier titulaire d'une réserve de propriété réagisse sans attendre que sa créance soit devenue exigible, la loi lui accordant un 135Com. 4 janv. 2000, D. 2000. 533, note E. Le Corre-Broly 136Com. 30 oct. 2007, no 06-18.328, V. Répertoire droit commercial, Dalloz 2015 137 Voir les articles 84 et 101 du nouvel AUPCAP 47 temps limité138, à peine de forclusion, pour exercer son action en revendication. À l'inverse, il est évident que la revendication n'est pas justifiée si le créancier reçoit le paiement attendu. L'article 103 alinéa 4 du nouvel AUPCAP précise à cet égard qu'il n'y a pas lieu à revendication si, « le prix est payé immédiatement et intégralement par le syndic après autorisation du juge-commissaire ». Si le juge-commissaire autorise le paiement du prix, l'administrateur judiciaire commet une faute en ne procédant pas au paiement139. Lorsqu'il n'a pas obtenu paiement du syndic sur décision du juge-commissaire, le créancier bénéficiant d'une clause de réserve de propriété est fondé à faire sa demande en revendication (Paragraphe 1). Il en est cependant dispensé (Paragraphe 2), s'il remplit certaines conditions. Paragraphe 1 : La demande en revendicationLe créancier, dont la clause de réserve propriété n'a été contesté par les organes de la procédure, peut valablement revendiquer son bien. A la question de savoir s'il est le seul habilité à faire la demande en revendication, la jurisprudence répond par la négative. En effet, aussi bien le propriétaire du bien, que tout préposé ayant pouvoir ou mandataire de son choix peut exercer la demande en revendication.140 Sur le plan procédural, la revendication se déroule en deux phases. Il y a d'abord une phase amiable (A) et obligatoire suivie, le cas échéant, d'une phase judiciaire (B). 138 Art. 101 AUPCAP nouveau 139 CA Paris, 20 sept.1996, JCP E 1996, panor. 1147, Rev. proc. coll. 1998. 188, obs. Bernard Soinne. 140 Cass.com, du 5 juillet 2005, n°04-11.132 A- La demande amiable48 La demande amiable constitue un préalable obligatoire141. Il faut toutefois noter que la demande en revendication effectuée au cours de cette phase amiable ne constitue pas une demande en justice142. Il n'est donc pas nécessaire de vérifier si la personne à l'origine de la revendication est habilitée à agir en justice. Cette solution a été parfaitement justifiée par la doctrine 143 qui a mis en évidence la différence de traitement entre la déclaration de créance, qui « équivaut » à une demande en justice et la demande en revendication144. Le créancier réservataire qui souhaite revendiquer son bien, doit saisir le mandataire de justice145 (1) qui n'est autre que le syndic. Ce dernier peut acquiescer à la demande (2). 1- La saisine du syndic En vue de faire valoir son droit, le créancier réservataire doit saisir le syndic par une lettre au porteur contre récépissé ou tout autre moyen laissant trace écrite146, en vue de revendiquer son bien. La demande en revendication emporte de plein droit147 restitution du bien réservé. Cette saisine vise à avoir l'accord du syndic pour la revendication. Il a été jugé qu'une lettre adressée au mandataire judiciaire, qui n'invite pas son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété du créancier sur le 141 La cours de cassation française a déclaré irrecevable la saisine directe du juge commissaire ( cass. Com., 10 mai 2000 n°9715.476), V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit. n°3785, p1597 142 Com. 6 mars 2001, Bull. civ. IV, no 50, D. 2001, AJ 1099, obs. A. Lienhard, in Repertoire de Droit Commercial 2015. 143 M. CABRILLAC et Ph. PÉTEL, obs. JCP E 2001, p. 1472, no 12 144V. également Com. 5 nov. 2003, RJDA 2004, no 346, Rev. proc. coll. 2004. 379, obs. M.-H. Monsèrié-Bon. 145 V.art.1-3 al.10 AUPCAP nouveau 146 Art.101-1 al.1, ibid. 147 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3785, p1597 49 bien, ne vaut pas demande en revendication148. La demande doit contenir les indications précises sur les biens revendiqués : leur localisation et leur identification, ainsi que les pièces justificatives nécessaire et les clauses contractuelles permettant l'action149. Cette demande doit être faite dans les délais150 exigés par le législateur communautaire. Le non-respect de ce délai par le réservataire, conduirait inexorablement à la perte de sa garantie (sous réserve de relevé de forclusion). Si le créancier remplit toutes ces conditions de fond et le formalisme adapté, le syndic se prononce sur sa demande. 2- De l'acquiescement du syndic Lorsqu'elle est réalisée, la demande de revendication, « peut»151 donner lieu à un acquiescement de la part du syndic. Le législateur OHADA, laisse donc au syndic une option. Il peut donner une réponse positive à cette demande ou la refuser. Si la demande du créancier remplit les conditions exigées par les textes et que la revendication du bien ne porte pas gravement atteinte152 aux espoirs de redressement de l'entreprise, le syndic acquiesce. Cet acquiescement doit être donné dans un délai de trente (30) jours153 à compter de la réception de la demande. Le syndic notifie sa décision aux parties (le revendiquant et le débiteur) et en informe le juge- 148Com. 12 mars 2013, no 11-24.729, D. 2013. Actu. 768, obs. Lienhard 149 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.,ibid. 150 Ce délai est quatre-vingt dix jours suivant la deuxième insertion de la décision d'ouverture de la procédure au journal d'annonces légales de l'Etat partie concerné, V. art.101 AUPCAP nouveau. 151 Art.101-1 al.2 AUPCAP nouveau 152 Sur ce point, il faut noter lorsque la revendication du bien porte atteinte au redressement de l'entreprise, le juge-commissaire peut autoriser le syndic avant toute restitution du bien réservé à payer intégralement et immédiatement la créance du débiteur, V. art 103 al.4 AUPCAP nouveau 153 Art.101-1 al.3 AUPCAP nouveau 50 commissaire. Il prend toutes les mesures pour la remise du bien réservé au propriétaire mettant ainsi fin à la procédure engagée par ce dernier. Il a été jugé que le créancier réservataire, qui a obtenu l'acquiescement du syndic dans le délai qui lui était imparti pour saisir le juge-commissaire, ne peut se voir opposer la forclusion attachée à l'absence de saisine de ce dernier dans le délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse du syndic154. L'article 101-1 alinéa 3 du nouvel AUPCAP dispose que « à défaut de la réponse du syndic dans un délai de trente (30) jours à compter de la réception de la demande ou en cas de refus, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du revendiquant dans un délai de trente (30) jours à compter de l'expiration du premier délai ou de ce refus afin qu'il soit statué, au vu des observations du revendiquant, du débiteur et du syndic, sur le droit de ce revendiquant et sur le sort du contrat ». Cette saisine du juge-commissaire marque le début de la phase judiciaire. |
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