Sous-section 3 : Obstacles
à l'appui à la création d'entreprises
De l'avis des structures étatiques d'aide à la
création d'entreprises et des établissements financiers,
l'accompagnement des jeunes porteurs de projets d'entreprise n'est pas toujours
facile.Les difficultés rencontrées par les structures d'aide
à la création d'entreprisesqui accompagnent les jeunes porteurs
de projets dans leur démarche entrepreneuriale sont liées
àla vision que ces jeunes ontde l'entrepreneuriat, de la nature,la
rentabilité et la structuration de leur projet.
Les structures étatiques d'aide à la
création d'entreprises reprochent aux jeunes guinéens le manque
de vision. Beaucoup s'intéressent peu ou pas du tout à
l'entrepreneuriat. Depuis la mise en place de ces structures, peu de jeunes ont
sollicité un accompagnement dans le domaine entrepreneurial. Le propos
ci-dessous de l'un de nos interviewés illustre bien ce fait :
Les jeunes sont très lents. Ça fait
près de deux ans et quelques mois mais nous n'avons même pas
encore 30 personnes qui soient inscrites dans notre banque de données.
Regardezvous-même dans la banque de données.Ça fait
près de 32 inscrits. Parmi les 32, nous n'avons que 6 dossiers et parmi
les six (6), nous avons trois (3) demandeurs d'emploi et trois (3) jeunes
promoteurs qui sont d'ailleurs installés déjà.
Ceux d'entre eux qui sollicitent un accompagnement pour se
lancer dans une carrière entrepreneuriale n'ont souvent pas la
motivation suffisante. Il arrive parfois qu'après avoir entamé le
processus, ils abandonnent. L'un de nos interviewés disait à ce
propos : « quand [les jeunes porteurs de projets] viennent
solliciter notre aide, nous les aidons à nettoyer leur projet.
Malheureusement,après le premier rendez-vous que nous leurdonnons, ils
entrecoupent. On ne les voit que deux mois plus tard et parfois
jamais ».
Le plus souvent, les jeunes renoncent à poursuivre la
démarche entrepreneuriale par manque de moyens financiers. En
sollicitant l'accompagnement auprès des structures, ils ne disposent
d'aucun moyen financier pour au moins couvrir les frais liés aux
démarches administratives. Pourtant, l'aide proposée par les
structures d'aide à l'entrepreneuriat jeune nécessite que le
porteur contribue financièrement à la réussite de son
projet pour être pris au sérieux par les financeurs. On peut le
voir dans ce que nous a confié l'un de nos interviewés.
Quand ils viennent solliciter de l'aide, certains se
buttent aux petites dépenses. Par exemple, il faut avoir une carte
d'identité, un certificat de résidence, un casier judiciaire,
mais ils ne les ont pas. Il y a l'un d'entre eux qui vient de quitter vous
l'avez peut-être croisé en venant, il n'a aucun de ces documents.
Je me dis mais écoute, ça on ne te dit même pas qu'il y a
des dépenses qu'il faut faire même avec le contact avec le
bailleur de fonds, si tu ne peux pas faire ça c'est que tu ne peux pas
te lancer dans l'entrepreneuriat.Si tu ne peux pas avoir une carte
d'identité, un certificat de résidence pour préparerles
dossiers pour le RCCM, mais si tu ne peux pas fournir les 100 000ou 200 000
qu'ils vont te demander pour immatriculer ton entreprise, tu ne peux pas ouvrir
une boite postale ni avoir un compte bancaire, tu ne peux pas avoir la
confiance du bailleur.
Comme évoqué antérieurement, les
établissements financiers ne financent pas la totalité des
investissements du projet. Ils viennent combler le manque.
Outre les éléments ci-haut cités, les
porteurs de projets n'ont souvent pas les compétences ou
l'expérience nécessaire dans le domaine où ils veulent se
lancer. Certains ne savent ni lire, ni écrire dans la langue de
communication officielle du pays.
Une autre difficulté dans l'accompagnement des jeunes
porteurs de projets est liée à la nature et à la
structuration des projets pour lesquels ils sollicitent un accompagnement.Leurs
projets sont souvent mal structurés, non rentables ou ne sont pas des
projets d'entreprises. L'un de nos interviewés, comme nous pouvons le
voir ci-dessous, est revenu sur ce faiten ces termes :
La plupart des jeunes qui viennent ici pensent que quand
on parle de projet, on parle de projet de développement et ça
c'est différent. C'est-à-dire pour un jeune qui vient avec un
projet, il vient avec un projet par exemple de tournoi de football ainsi de
suite.Pour lui, c'est un projet, alors que nous ce que nous demandons ce sont
des projets de création d'entreprises basés sur des idées
géniales et pouvoir accompagner les jeunes.Sinon,en termes de lacunes,
c'est que les projets sont mal montés.
Les établissements financiers aussi n'accordent de
prêtsaux porteurs de projets que s'ils trouvent le projet rentable. Un
ensemble de paramètres estpris en considération pour prendre la
décision d'accompagner ou pas. L'un de nos répondants
déclarait à ce sujet :« Notre décision
d'accompagner un porteur de projet dépend de l'analyse que nous faisons
de son projet, de ses coûts, de la maîtrise que le promoteur a de
son projet, des garanties que nous avons et de l'utilité même du
projet. »Le projet doit donc disposer d'une capacité
à générer des flux nécessaires au remboursement du
prêt, des garanties de remboursement du prêt et de
l'expérience du promoteur dans le secteur d'activités de sa
futureentreprise.
Les produits et/ou services fournis par l'entreprise en
constitution doivent également correspondre à un besoin
exprimé par la population de son environnement. Cela a été
évoquépar l'un de nos interviewés en ces termes.
Par exemple, je peux venir vous dire que j'ai un projet
d'importationen Guinée des pommes de terre. Supposons que je
désire installer mon entreprise à Labé et y importerde la
pomme de terre.Vous-même vous convenez avec moi d'abord que la production
interne de la zone est forte.Tu vas voir est ce qu'il y a une grappe que la
production interne ne peut pas couvrir.Cela va définir votre besoin
d'importation et c'est sur cela que la discussion avec le banquier portera. Si
jamais le projet que vous soumettez n'est pas utile, ne répond pas aux
besoins, bref ne vient pas couvrir une demande exprimée, ne
résout pas un problème concret, le banquier aura du mal ou ne va
pas le financer.
Les établissements financiers se retiennent
d'accompagner certains porteurs de projets pour des raisons liées
« au manque de garantie et l'inexpérience du promoteur. La
banque considère que l'octroi d'un prêt à un promoteur
qu'elle estime ne pas disposer de l'expérience nécessaire est un
gros risque »,nous a ditl'un de nos interviewés.
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