VI. LA PRISE EN
CHARGE DE LA SCHIZOPHRENIE
Depuis le XVIIIème siècle, diverses
méthodes ont été envisagées dans le traitement des
maladies mentales, dont le traitement moral, ancêtre des
psychothérapies, techniques hydrothérapiques,
physiothérapie en passant par des techniques de médications
diverses. Dès que la maladie schizophrénique a été
identifiée en tant que telle, les premiers traitements
spécifiques sont apparus comme la cure de sommeil, la
convulsivothérapie, l'insulinothérapie (encore appelée
cure de Sakel). C'est en fait par la découverte par les chercheurs
français de l'effet des neuroleptiques sur la production
délirante, le mécanisme hallucinatoire et les troubles du
comportement, que l'ère des traitements des maladies mentales, et plus
particulièrement ceux de la schizophrénie a réellement
commencé. L'efficacité de cette thérapeutique
pharmacologique malgré les effets secondaires parfois très
invalidants, a permis une véritable révolution dans la prise en
charge des patients et a été à l'origine d'un
déplacement du pôle thérapeutique de l'hôpital vers
la communauté (12, 16).
Les nouvelles molécules qui associent une
efficacité identique sur la symptomatologie positive et surtout une
activité sur les symptômes négatives ainsi qu'une meilleure
tolérance sont maintenant mieux acceptées par les patients.
Parallèlement, les traitements psychothérapiques individuels ou
de groupe constituent un complément thérapeutique indispensable
pour le patient lui-même et/ou sa famille, tout en renforçant
l'alliance thérapeutique (9, 12).
Le diagnostic doit être posé le plus
précisément et le plus rapidement possible afin de limiter les
difficultés et les problèmes de compliance dans les traitements
qui seront instaurés par la suite. Le traitement doit être
initié lui aussi le plus tôt possible surtout s'il s'agit d'un
premier épisode psychotique, d'autant que le pronostic est contingent de
la précocité de la prise en charge. Par ailleurs, les rechutes
ouvrent le risque d'une réponse moindre aux réajustements
thérapeutiques (9, 12, 13).
Les retentissements multiples de cette pathologie, sur le
patient lui-même et son entourage incitent à intervenir tôt
et à poursuivre à long terme une prise en charge adaptée.
Les antipsychotiques qui permettent le traitement de l'accès aigu et
limitent, par la stabilisation obtenue, les rechutes, doivent être
maintenus au long cours. La qualité de l'observance reste le facteur
essentiel. Bref la prise en charge d'un patient schizophrène doit
être à long court et à triple dimension (biologique,
psychologique et social) (9, 12).
1. LES NEUROLEPTIQUES
Jusqu'à la découverte de l'effet neuroleptique
de la chlorpromazine par Delay et Deniker en 1952, la schizophrénie
connaissait pour seul traitement biologique les électrochocs et
l'hypoglycémie insulinique, la célèbre cure de
Sakel, à l'efficacité douteuse. S'ensuivit la
découverte de l'haloperidol inaugurant ainsi l'ère des
neuroleptiques dits classiques aptes à exercer une action
antipsychotique efficace auprès des patients schizophrènes. Ces
molécules s'avèreront malheureusement pourvues de nombreux effets
secondaires parmi lesquels les extrapyramidaux induits par un blocage excessif
des récepteurs dopaminergiques D2 : les dyskinésies aiguës
lors de l'installation du traitement, le syndrome parkinsonien dit aussi
parkinsonisme ou camisole chimique, l'akathisie et enfin les dyskinésies
tardives le plus souvent irréversibles (16, 23).
Afin de contrecarrer les effets extra-pyramidaux, l'ajout
d'anticholinergiques dits correcteurs était de mise. Malheureusement,
ceux-ci entraînaient une diminution de l'efficacité
antipsychotique, une altération des fonctions mnésiques et
l'induction, chez certains patients, d'une utilisation abusive et addictive. On
dispose actuellement des neuroleptiques de seconde génération,
une classe s'enrichissant progressivement jusqu'à constituer l'essentiel
de la stratégie thérapeutique actuelle pour traiter les patients
schizophrènes. Ils sont qualifiés d'atypiques de par la
rareté de leurs effets secondaires extra-pyramidaux. On observe ainsi
une meilleure compliance ainsi qu'une nette diminution du risque de
dyskinésie tardive (9, 12).
S'ils font preuve d'une efficacité égale aux
classiques sur les symptômes positifs, la supériorité de
leur efficacité sur les symptômes négatifs et sur les
troubles cognitifs paraît évidente. Si les neuroleptiques
représentent le traitement de fond incontournable de la
schizophrénie, d'autres molécules aussi font partie prenante de
la panoplie thérapeutique (9, 12, 23).
a. Neuroleptiques classiques de la
première génération
La disponibilité, depuis les années 1950, des
« neuroleptiques classiques » a révolutionné la prise
en charge et l'évolution de la psychose et plus particulièrement
de la schizophrénie en améliorant l'état clinique des
patients et en réduisant les taux de rechute. A partir de 1952, date de
la première utilisation thérapeutique de la chlorpromazine
(Largactil®), les neuroleptiques se sont rapidement diversifiés en
plusieurs familles (12). On retient (9,12):
ü Les phénothiazines, parmi lesquelles la
chlorpromazine, reconnue pour ses effet sédatifs et globalement
antipsychotiques.
ü Les butyrophénones, comme l'halopéridol,
neuroleptique polyvalent anti-hallucinatoire, anti-délirant et
sédatif puissant, le chef de file de la famille chimique.
Les molécules dites de première
génération entrainent lors de leur utilisation de nombreux effets
secondaires. A l'inverse, les molécules dites atypiques entrainent peu
ou pas d'effets secondaires neurologiques car elles possèdent une
activité anti serotoninergiques. L'utilisation des neuroleptiques
classiques tend actuellement à décroître, d'autant plus que
toutes les recommandations thérapeutiques internationales
récentes préconisent d'utiliser les antipsychotiques atypiques en
première intention. Néanmoins, les neuroleptiques classiques ne
doivent pas être totalement abandonnés puisque certains d'entre
eux présentent un intérêt dans le cadre de l'urgence
(neuroleptiques dits sédatifs) comme le Tercian® ou dans le cadre
du traitement d'entretien, surtout dans le cas d'une mauvaise observance
thérapeutique (neuroleptiques classiques à action
prolongée) comme l'Haldol Décanoas® (9, 12).
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