3.1. ANALYSE DU FONDEMENT MATÉRIEL DU SIGNE
3.1.1. Le Wortlaut : Fondement matériel de l'acte
de signification
Dans l'expression orale, c'est le Wortlaut, donc
l'ensemble des sons prononcés constitutifs du signe en question qui joue
le rôle de représentation symbolique et idéale de l'objet.
C'est le fondement matériel du signe acoustique, tout comme le
caractère écrit est le fondement matériel, du signe lu ou
écrit. Lorsque le Wortlaut est prononcée, elle est objet
de l'intuition du sujet qui en prend conscience. C'est un objet à elle
même, c'est un son qui est intuitionné. Cependant, l'acte de
signification est fondé sur un objet qui n'est pas présent et
dont le Wortlaut est le signe. L'acte de signification est donc vide
et n'est ni le centre d'une intuition, ni le fait d'une association de
ressemblance puisque le signe ne ressemble pas à son signifié.
Qu'est ce qui fonde la transition de la l'intuition du Wortlaut
à l'acte de signification, si elle n'est pas le même objet ?
Car lorsqu'on fait l'intuition du Wortlaut, un autre objet est
signifié.
L'importance physique du Worlaut n'a que très
rarement l'objet même de la visée. C'est par exemple le cas d'un
étudiant d'une langue étrangère qui voudrait apprendre
phonétiquement un mot et qui le répéterait plusieurs fois
successivement. L'intuition du Wortlaut et l'objet de la signification
est ici le même : prononcer correctement le Wortlaut. Dans tous
les autres cas, pour que le Wortlaut devienne médiateur de la
signification, il faut qu'il cesse d'être seulement le contenu intuitif
de lui-même. Il faut qu'il y ait une autre opération qui n'est pas
l'opération qui n'est pas déjà la donation de sens, mais
que le regard, l'intention que l'on porte sur le Wortlaut change, il
faut que quelque chose s'ajoute à la simple intuition des
sonorités pour pouvoir fonder la signification.
Lorsque le Wortlaut est prononcé, nous avons
donc son intuition objective et
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un acte de signification qui se fonde sur cette intuition. Le
fonctionnement du Wortlaut regroupe la définition même du
signe. D'un point de vue formel, le signe renvoie à un signifié,
à un objet autre que lui même. Mais d'un point de vue
phénoménologique et non plus logique, il y a la
réalisation de plusieurs actes qui rendent possible la signification. Il
y a un acte de visée qui, à travers l'intuition du Wortlaut
permet d'atteindre un autre objet.
« Avec la conscience du Wortlaut (Wortlautbewusstsein)
par quoi le simple Wortlaut (bloße Wortlaut) est objectif
(gegenständlich), nous n'avons pas encore la conscience de signification
(Bedeutungsbewusstsein), la conscience en général de tout ce qui
s'étend au-delà de l'établissement de l'objectivité
de son de mot (Wortlautgegenständlichkeit). Il apparaît donc, en
unité avec la conscience du Wortlaut, des actes nouveaux, les actes de
`viser ceci et cela avec le mot' (`mit dem Wort dies und jenes
Meinens')73 ».
Les essences de ces deux actes ne sont pas pensées
l'une sans l'autre pour Husserl. La conscience de la signification n'est
possible qu'à travers la présence du Wortlaut ou du
caractère écrit. Elle fonde alors, dans la conscience, une
unité de l'acte dans la conscience. Ces deux actes ne sont pas
pensés l'un sans l'autre lorsqu'un signe transmet une signification :
« Il s'agit bien plutôt, ce qui dépasse
cela, d'une liaison phénoménologique particulière qui se
fonde sur l'essence des deux actes pour les amener à l'unité
d'une conscience d'acte. La conscience de signification (Bedeutungsbewußt
sein) se construit sur la conscience du Wortlaut (Wortlautbewusstsein). »
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