2.1.1. L'expérience phénoménologique
face à la logique
« Il n'y a pas de pensée logique sans fondement
matériel35 » [Notre traduction]. Le monde dont nous
faisons l'expérience à chaque instant n'a rien de personnel, on
le considère comme le monde commun. C'est l'utilisation commune de la
copule être : Il est. Nous embrassons le monde et nous
l'appelons réalité, non pas réalité pour
Je, ni pour les hommes mais pour nous en tant qu'homme. Dans cette
expérience du monde tel qu'il nous apparaît, nous sommes les
spectateurs de la réalité, mais dans ce faire nous n'analysons
pas les objets particuliers.
Nous cherchons « l'aperçu
général36 » [Notre traduction]. Le constat de
Husserl est alors le suivant : « L'aperçu général
contemplé s'applique indépendamment de l'être du
particulier37 ». [Notre traduction]. Lorsque nous observons la
généralité de la réalité,
l'intérêt de l'existence des objets particuliers n'a plus
d'importance. La réalité en ce sens n'est pas constituée
dans l'intuition par des milliers d'objets donateurs de sens, qui forment ce
qu'on appelle le monde commun. Notre regard est alors porteur d'une
volonté d'unifier fondamentalement le flux total d'informations transmis
par le monde.
Ce qu'on appelle généralement la
réalité n'a pas été précédemment
analysée par la conscience dans tous ses détails avant d'en
former une unité phénoménale, c'est une évidence,
un postulat du sujet pensant qui recherche un aperçu
général. Cette expérience particulière est une
expérience qui reste cependant uniquement
phénoménologique. La logique elle, décrit le monde avec
une « forme linguistique38 » [Notre traduction]. Cette
expérience de la totalité n'y est pas
35 E. Husserl, Hua XX.II, p. 17, ligne 33-34, « Es gibt
nicht logisches Denken ohne materialen Untergrund »
36 Ibid, p. 19, ligne 30, « generelle Einsichten
»
37 Ibid, p. 19, lignes 34-35, « Das einsichtig
erschaute Allgemeine gelte unabhängig vom 35 Sein des Einzelnen. »
38 Ibid, p. 20, ligne 6, « sprachlicher Form
»
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retranscrite, elle est uniquement vécue. Les formes
logiques font extraction des objets du monde et transpose dans le langage la
présence d'un prédicat, auxquels on peut attribuer des
adjectivités particulières et une signification idéale.
C'est dans ce cadre qu'on peut fixer l'identité de la signification, qui
n'est pas pareille à ce que Husserl appelle l'aperçu
général. Cependant il y a une véritable
nécessité de rendre la logique elle aussi intersubjective,
malgré cette lacune linguistique : L'impossibilité de transcrire
en mot l'aperçu général. Elle ne peut certes pas donner un
tel aperçu du monde, mais la logique est porteuse d'un point de vue
scientifique et objectif. Il est nécessaire, pour éviter toutes
formes de solipsisme, ou tomber dans un relativisme radical qui empêche
la logique de garantir les significations des expression. Il faut qu'elle
puisse elle aussi, à travers l'idéalité de la
signification, véhiculer la notion d'intersubjectivité.
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