13 E. Husserl, Logische Untersuchung, Hua XIX.I, «
Ausdruck und bedeutung », paragraphe 1
14 S. Kristensen, Parole et subjectivité : recherche
sur la phénoménologie de l'expression, Genève, 2007,
p. 13
15 Hua, XIX.I, p. 31, lignes 14-15, « In diesem Sinne ist
das Stigma Zeichen für den Sklaven, die Flagge Zeichen der Nation.
»
16 Hua XIX.I, p. 31, ligne 20, « Wir nennen die
Marskanäle Zeichen füir die Existenz intelligenter Marsbewohner
»
19
ce qu'il croit être indiqué par l'indice.
L'indice n'a rien à voir avec le langage. « Dans le cas de
l'indice, il n'y a pas de discours. 17» [Notre traduction]. Il
provoque une position subjective comparable à celle de l'attente et
c'est en cela que ce type de signe, n'est en rien un signe expressif :
« Wo wir sagen, dass der Sachverhalt A ein Anzeichen
für den Sachverhalt B sei, dass das Sein des einen darauf hinweise dass
auch der Anderer sei, da mögen wir in der Erwartung, diesen letzteren auch
wirklich vorzufinden, völlig gewiss sein : aber in dieser Weise sprechend,
meinen wir nicht, dass ein Verhältnis einsichtigen, objectiv notwendigen
Zusammenhanges zwischen A und B bestehe »
« Là où nous considérons qu'un
état de chose A est un signe pour un état de choses B, que la
présence du premier désigne la présence du second, nous
sommes alors dans l'attente de trouver réellement ce dernier dans la
réalité, d'une manière complètement certaine ; mais
dans ce cas de figure, nous ne signifions pas qu'il existe un fonctionnement,
un lien nécessaire entre A et B 18» [Notre
traduction]
C'est donc ainsi que fonctionne l'indice, il fonctionne comme
un Hinweis, quelque chose qui indique, quelque chose qui place le
sujet pensant dans une position d'attente face à l'existence d'un
état de chose B à cause de la présence d'un état de
chose A. Ceci n'est pas considérer comme une nécessité,
comme dans le cas de la preuve, mais comme une inférence, une attente de
présence, comme l'exemple des canaux sur Mars. En soi, ils ne
désignent rien, en revanche, une conscience peut les considérer
comme des indications de présence d'une intelligence extraterrestre. De
ces indices, il faut différencier l'expression, qui est un signe
doté de signification.
Dans la première édition, les signes sont bien
souvent considérés par
17 Ibid, ligne 25 « Im Falle der Anzeige ist von all dem
keine Rede. »
18 Ibid, lignes 28-33
20
Husserl comme étant « anzeigenden19
», des signes qui indiquent, puisque, comme nous l'avons
précédemment vu, il ne fait pas encore de distinction entre signe
et indice. Mais le signe dans le sens d'expression a une connotation
linguistique et sémiologique, que l'indice n'a pas. Pour Husserl, les
expressions du visage et les gestes ne signifient pas comme l'expression
signifie, « ils n'ont pas précisément le sens d'un signe
linguistique, mais fonctionne totalement dans le sens de l'indice.20
».
Le fonctionnement de l'expression en tant que signe est alors
tout autre que celui de l'indice. C'est lui qui peut apporter une signification
idéale. Il y a deux éléments liés à
l'expression, le premier est le sens physique, le mot en lui même et le
second, une association psychique entre le mot et le sens, ce que Husserl
appellera plus tard, comme nous le verrons dans la troisième partie, la
tendance. Le premier élément est l'expression « d'un point
de vue physique21 » [Notre traduction]. C'est l'expression
physiquement présente comme le mot prononcé, le
Wortlaut, ou l'expression écrite. Elle est ce qui peut
être perçue directement grâce aux sens. Le second
événement lié au phénomène de l'expression
est « une expérience psychique qui est liée à
l'expression de manière associative22» [Notre
traduction]. D'après cette description, l'expression lorsqu'elle est
vécue se réalise par conséquent en deux temps, le premier
en rencontrant par l'intermédiaire de la perception, un signe qui fait
sens et qui exprime et le second grâce à un vécu psychique
qui amène à l'expression de manière associative -- donc de
manière figurée. Husserl donne une forme à la
théorie de la signification linguistique lorsque celle-ci est
fondée sur la présence d'un signe, qui se trouve donc être
« dans le Wortlaut comme une certaine manifestation sensible de
la perception ou de la fantaisie23 » et :
19 Ibid, p. 37, ligne 1
20 Ibid, p. 38, lignes 8-9 « sie [haben] keine
Bedeutungen im prägnanten Sinne sprachlicher Zeichen, sondern bloss im
Sinne von Anzeichen. »
21 Ibid, p. 38, ligne 16 « den Ausdruck nach seiner
physischen Seite »
22 Ibid, p. 38, lignes 19-20, « einen gewissen
Belauf von physischen Erlebnissen, die, an den Ausdruck assoziativ genüpft
»
23 E. Husserl, Logik, Hua Materialen II,
Vorlesung 1902/1903, p. 55
21
« dans un certain acte de viser, dans un certain acte
psychique lié au phénomène du Wortlaut. [...]
Grâce à ce viser, le mot n'est plus qu'un son vide, plus qu'une
manifestation sensible quelconque. Elle vise quelque chose et par
conséquent, elle se réfère à quelque chose
d'objectuel.24 »
Le Wortlaut en tant que fondement matériel
perçu maintient le lien entre la réalité et la
signification idéale, le lien entre la réalité et la
représentation qu'il désigne.
Pour comprendre comment l'expression peut atteindre une
signification et proposer de telles unités idéales, il faut
d'abord décomposer la fonction communicative de l'expression en cela
qu'elle s'adresse à quelqu'un dans un espace intersubjectif, ainsi que
l'expression en elle-même lorsqu'elle est proférée de
manière subjective, à l'intérieur même de la
conscience seule. C'est une distinction que Husserl fait dans la
première édition des Recherches, mais sur laquelle il
revient dans les réécritures, comme nous le verrons plus tard
lorsqu'il généralise la fonction de signification et place le
Wortlaut comme étant le fondement physique de toutes
expressions, mais aussi comme possesseur abstrait de la qualité
d'exprimer dans la communication mais aussi dans la conscience seule.
Dans « L'expression dans la fonction communicative
25» Husserl distingue donc l'expression fonctionnelle dans le
cadre de la communication et celle dans le cadre de la pensée
subjective. C'est dans ce contexte qu'il est alors important de décrire
les deux fonctions existantes dans le langage intersubjectif : La notification
de sens provoquée par le locuteur et la prise de sens
opérée par le destinataire du discours. Comme nous l'avons vu
précédemment, l'expression commence avec le complexe du mot
articulé, parlé ou écrit (die articulierte
Lautkomplexion). Le mot prononcé sert à extérioriser
quelque chose avec des sons qui donne un sens désiré qu'une
personne décide de partager avec une autre. L'expression de la parole
nécessite et présuppose deux éléments, qu'un sujet
ait
24 Ibid.
25 Ibid, p. 39
22
quelque chose à dire et qu'il ait quelque chose
à dire de l'expérience possible mais aussi qu'il existe un espace
commun où la communication d'un langage intersubjectif peut
convenablement se produire, en faisant sens chez un locuteur et un destinataire
ce qui présuppose une forme idéale du sens. La
compréhension n'est alors possible que si le destinataire comprend
l'intention du locuteur ; il est alors intéressant de préciser
que l'expression faite à quelqu'un relève aussi du domaine de la
corrélation des informations. Aussi lorsque l'on fait acte de parler et
donc de notifier quelque chose de nos propres vécus psychiques avec
quelqu'un (c'est ce que Husserl nomme la Kundgabe), le destinataire,
en comprenant l'intention de notifier du locuteur opère une prise
d'information ou Kundnahme. Ces deux éléments distincts
mais présents dans le processus de l'expression, sont liés et
subordonnés l'un à l'autre. Le fondement de l'expression
communicative est ainsi le même que l'indice (Anzeichen) puisque
les mots prononcés sont des indications, qui poussent à
comprendre les pensées du locuteur mais avec une constitution
différente de celle de l'indice dans leur rapport à la
signification, puisque les indices n'ont pas de significations
idéales.
Ceci constitue la fonction de la notification d'information
(kundgebende Function) du côté de l'émetteur et de
la prise d'information, la compréhension de l'intention du locuteur et
la perception des formes linguistiques (Kundnahme) du
côté du destinataire. Ces fonctions permettent de transmettre une
signification, bien qu'elles ne soient jamais parfaitement
corrélées de manière impartiale. En vérité,
le locuteur notifie en mots, en signes, une certaine intention que le
destinataire reçoit par l'expression. Mais en aucun cas le destinataire
ne ressentira l'événement psychique du locuteur qui est à
l'origine de l'expression. Il y a donc une corrélation associative entre
la notification d'information et la prise d'information au sens
sémiologique, mais il n'y a jamais d'égalité au sens
phénoménologique. Ce n'est donc pas une correspondance avec la
vérité qui est provoquée dans le cas de l'expression
communicative, mais une correspondance avec le sens idéal identique.
Comme nous l'avons vu précédemment, la logique offre des
significations, non pas des vérités absolues. Ce sens
idéal identique est
23
transmis par l'intermédiaire des formes linguistiques
qui sont des formes logiques. Il faut cependant remarquer que l'un des
rôles de l'expression communicative est le rôle de l'indication
dans la mesure où elle aussi provoque une corrélation indirecte
entre un événement vécu et une forme intersubjective
d'expression signifiante. L'expression communicative n'est pas une
opération directe qui permettrait un contact avec la
vérité, c'est une forme de représentation de la
vérité et une telle corrélation n'est possible que dans le
cadre du langage. Cependant, l'expression faite dans la pensée n'est pas
pour Husserl, à ce stade de ses travaux, considérée comme
une véritable expression puisque pour lui, nous pensons « avec des
représentations et non pas de véritables mots.
26» [Notre traduction]. Ceci est donc la première
distinction insurmontable et elle est d'ordre sémiologique. C'est celle
qui sépare fondamentalement le fonctionnement de l'indice et celui de
l'expression.
1.2 La distinction phénoménologique :
Intuition de l'objet et
signification
La distinction phénoménologique est celle qui
existe dans la sphère du vécu. La duplicité de la fonction
de l'expression, est le coté physique du signe réel et l'acte de
signification qui en découle. L'expression porte une signification, il
correspond à une réalité. Pour créer un tel lien,
il faut se servir de la logique.
« Eine erste wichtige Unterscheidung gewinnen wir, wenn
wir mit Husserl die gewöhnliche Rede betrachten. Wir können
feststellen, dass mit der sprachlichen Äußerung ein bestimmter Sinn
vermittelt werden soll. Jedes Wort hat demgemäß zwei Komponenten:
Rein material ist es eine Lautkomplexion, die einen Sinn
»transportiert«. »
« Nous pouvons comprendre une première distinction
importante, lorsque nous observons le discours ordinaire avec Husserl. Nous
pouvons constater, qu'avec un énoncé linguistique, un certain
sens est transmis. Chaque mot a
26 Ibid, p. 42, ligne 27 « mit vorgestellten
anstatt mit wirklichen Worten. »
24
donc deux éléments, la forme du mot
(Lautkomplexion) qui "transporte" un sens.27 » [Notre
traduction].
C'est cette dualité entre l'expérience
réelle du sujet, la forme du mot et l'expérience psychique, qui
crée la relation entre les lois objectives et leur application
phénoménologique. Elles sont donc dépendantes du sujet,
dans l'expérience au monde.
Le signe en question, capable de provoquer une
expérience psychique, un acte de signification, ne peut être alors
que l'expression. La terminologie de Husserl est la suivante : le
matériel pur du signe linguistique est la Lautkomplexion ou
complexe du mot prononcé, la Schriftkomplexion est le complexe
du mot écrit, lorsqu'il s'agit d'un destinataire lecteur. C'est lui qui
apporte le sens (Sinn) du mot par l'intermédiaire de sa forme.
La conscience fait le lien entre ces deux entités distinctes dans l'acte
donateur de sens (sinnverleihenden Akt) : « Le locuteur
prête au mot prononcé (ou au mot écrit) un sens -- il
effectue un acte de notification de signification28.» [Notre
traduction]. Cet acte est nécessaire, c'est lui qui détermine le
sens du signe. L'aspect subjectif de l'acte donateur de sens reste à
souligner : pour un mot homonyme, c'est l'acte donateur de sens effectué
par le sujet pensant qui déterminera avec les informations contextuelles
etc. le sens du signe linguistique. Le contexte est d'une importance capitale
et il peut être présenté de différentes
manières, la situation, le temps actuel, les informations
complémentaires, la phrase, le comportement du locuteur ou le type de
document etc.
Le signification du mot, Bedeutung, mais aussi
apparaissant parfois dans la terminologie de Husserl en tant que sens, le
Sinn ou contenu, Inhalt, n'est pas la seule fonction du mot.
Le mot possède aussi et avant tout la fonction de nommer,
Bennenung, un objet, de le représenter par
l'intermédiaire du signe linguistique. Ici, le sens ou le nom ne
requiert pas la présence matérielle dans l'expérience, de
l'objet qu'il désigne. Il n'y a pas de remplissement puisqu'il n'y a pas
d'intuition de
27 P. Precht, Husserl zur Einführung, Hamburg,
Junius Verlag, 1991, p. 29
28 Ibid, p. 29
25
la signification. L'objet de pensée est pour Husserl un
objet logique, un prédicat qui ne nécessite pas
d'apparaître matériellement et physiquement dans
l'expérience. C'est dans cette mesure que Husserl reviendra sur
l'existence de la production de l'expression dans la conscience seule, puisque
l'expérience de l'objet de pensée n'est pas limitée
à la communication.
« In dem Verständnis einer realistischen Semantik
gelten nur die Namen als sinnvoll, die auf einen tatsächlich existierenden
Gegenstand verweisen. Davon unterscheidet sich Husserls Position grundlegend:
Eine gegenständliche Vorstellung bedeutet für Husserl nicht einen
dringlichen Gegenstand, wie wir ihn aus der Wahrnehmung kennen. Der Begriff
»Gegenstand« besagt bei Husserl vielmehr: Irgendeinem
logischen Subjekt wird ein Prädikat zugeschrieben. Wenn es also von
Gegenständlichkeit die Rede ist, dann ist damit noch nicht impliziert,
dass diese als dinglicher Gegenstand in der Wirklichkeit aufzeigbar ist.
»
« Dans la compréhension d'une sémantique
réaliste, seuls les noms sont considérés comme pourvu de
sens, les noms qui se réfèrent à un objet existant
réellement. Parmi ceux-ci, Husserl différencie fondamentalement
deux positions : Une représentation objective ne signifie pas pour
Husserl un objet concret, comme nous le connaissons dans l'expérience.
Le concept "objet" signifie bien plus pour Husserl : N'importe quel sujet
logique a un prédicat attribué. Donc, lorsqu'on parle
d'objectivité, cela ne signifie pas que cet objet concret est
présent dans la réalité29. »[Notre
traduction]
Chaque mot a donc un sens, Bedeutung et c'est cette
signification qui aide à remplir la fonction représentative, la
Bennenung de l'objectivité, Gegenstandlichkeit, du mot
qui donc - correspond à l'objet réel ou pensé. Puisqu'un
objet peut être lié à des sens différents et un sens
peut être lié à des objets différents, le sens ne
peut donc pas être la seule fonction du signe expressif. Les sens pouvant
différer, la Bennenung devient un acte précisant l'objet
et le sens qu'il faut lui attribuer dans le contexte. Dans la sixième
Recherches Logiques, Husserl donne une définition de la
fonction nominale :
29 Ibid, p. 31
26
« Le mot nomme le rouge comme étant rouge. Le
rouge apparent est signifié avec le nom rouge et il signifie
spécifiquement le rouge. De cette manière dans la signification
nominale, le nom apparaît comme appartenant au nommé et forme avec
lui une unité30. » [Notre traduction].
Dans le cadre de l'expérience signifiante, le fonction
du signe est de définir un autre objet. Le signe lui même a donc
peu d'importance car il n'y a pas de ressemblance nécessaire entre signe
et signifié, ce qu'il désigne n'est pas un objet présent,
il renvoie à un objet. Donc la fonction de nommer du signe linguistique
est celle de nommer quelque chose autre que lui-même.
Lorsque l'expression est présente, l'intention de
signification l'est aussi. L'expression fonde les unités
phénoménales, les phänomenale Einheiten, du signe
matériel et de sa signification. Le signe est alors perçu et
immédiatement corrélé avec son sens actuel dans l'acte de
signification. Cependant, cet acte se produit dans la conscience et si elle
ignore le sens du signe, il sera impossible de transformer le signe en
expression. La terminologie de Husserl est alors la suivante, lorsque la
compréhension est possible dans la signification intentionnelle,
l'unité phénoménale est alors comprise,
gemeinte.
L'intention de signification est en lien avec un objet
signifié mais aussi un objet pensé. Cet objet pensé est
vide d'intuition, car il n'est pas perçu. Si l'objet est perçu
dans le cadre de l'expérience physique actuelle, l'intention de
signification est alors remplissante, elle est cependant vide lorsque lorsqu'il
n'est que pensé, puisqu'il n'apparaît pas dans l'intuition. C'est
le cas du signe qui renvoie seulement à son contenu mais ne donne pas de
présence perceptible de l'objet qu'il désigne.
Un acte est chez Husserl, toujours une expérience
volontaire faite par une conscience. Le sens dans l'acte notifiant de sens se
trouve déjà dans l'expérience de l'acte, non pas dans
l'objet. L'acte de conscience-de, le Bewusstseinakt, n'est pas
dirigé sur un objet existant mais sur un objet de pensée dans le
cadre de
30 E. Husserl, Hua XIX.I, VI, « Bedeutungsintention und
Bedeutungserfüllung », p.499, 1900
27
l'expression. Les intentions dirigées vers l'expression
ne sont pas celles qui résultent d'une intuition remplissante de la
perception d'un objet, mais bien d'une signification idéale de l'objet.
C'est la différence entre le mot et la chose, qui pour Husserl se
déroule dans le regard que la conscience porte sur l'objet perçu,
car même si le Wortlaut est perçu et qu'il y a un
remplissement intuitif provoqué par sa présence, il s'efface face
à une signification non perçue dans l'expérience mais
apparaissant à travers le fonctionnement logique de l'expression.
La dernière distinction est certainement celle de
l'objet intentionnel, l'objet que la conscience vise, et l'objet réel.
L'objet réel est celui qui entre dans les cadres sensoriels et qui est
ressenti à travers l'expérience physique, l'objet intentionnel
est déjà sa représentation fondée sur une
présence matérielle à travers la perception ou non, dans
la conscience.
C'est dans cette optique qu'il faut comprendre le lien entre
le signe et la signification, qui passe par un pouvoir expressif possible. La
noème, c'est signification idéale qui se produit dans la
transmission qui est portée par l'intermédiaire du signe.
Cependant, l'ancien schéma de l'expression n'est plus valable dans la
réécriture de la Sixième Recherche de 1921. Husserl remet
en question le remplissement possible de l'expression. La signification devient
une, quelle soit le résultat de la perception d'objet catégoriaux
ou non catégoriaux, elle reste la même. Que l'expression soit
remplissante ou vide, toutes les fonctions du langage actuellement expressif
doivent être construites de la même manière puisque la
signification est toujours la même, elle est idéale. Cependant, en
ce qu'il s'agit des mots, Husserl introduit un nouveau concept, celui de la
tendance. « Il y a une conscience du Wortlaut en lien avec une conscience
de la signification vide ou pleine et cette liaison se produit grâce
à une tendance de transition (Übergangstendenz)
particulière, qui va du mot à la conscience de signification
(qu'elle soit vide ou pleine). 31» [Notre traduction]
31 E. Husserl, Hua XX.II,177 ; Beilage XVII, «
Wir haben Wortlautbewusstsein in Verknüpfung mit leerem oder vollem
Bedeutungsbewusstsein, und die Verknüpfung besteht in der
eigentümlichen Übergangstendenz, die vom Wort aus in das
Bedeutungsbewusstsein (ob volle oder leere) hineingeht. »
28
1.3 L'idéalité de la signification :
L'indépendance de la signification dans le cadre de l'expression
La dernière distinction essentielles que Husserl fait
apparaît, au paragraphe onze de la première partie de la
première Recherche Logique. Husserl s'intéresse alors
à « l'expression elle-même, sa signification et son
objectivité propre. 32» [Notre traduction]. Pour Husserl, la
signification, si elle est idéale, doit être séparée
de l'objet qui lui est propre dans le cadre de l'expression, puisque,
lorsqu'une phrase exprime un état de chose, elle n'exprime pas une
existence. Elle n'infère pas la présence d'un objet, elle exprime
en elle même un état de chose qui « possède une
unité de validité en soi. 33» [Notre traduction].
Cette validité n'a rien à voir avec les jugements du sujet. La
signification de l'expression, c'est cette validité, c'est ce qui reste
identique dans la répétition du même
énoncé.
« Was diese Aussage aussagt, ist dasselbe, wer immer sie
behauptend aussprechen mag [...] und dieses selbige ist eben dies, dass die
drei Höhen eines Dreieckes sich in einem Punkte schneiden - nicht
mehr und nicht weniger. Im wesentlichen wiederholt man also « dieselbe
» Aussage, und an wiederholt sie, weil sie eben die eine und eigens
angemessene Ausdrucksform für das Identische ist, das ihre Bedeutung
heisst. »
« Ce que l'énoncé propose est toujours la
même chose pour qui voudrait l'exprimer [...] et cela est toujours la
même chose : les trois médianes d'un triangle se croisent en
un point - rien de plus et rien de moins. En soi on répète
ainsi le « même » énoncé, et on le
répète puisque à travers une forme d'expression qui est
particulièrement ordonnée pour l'identique, et cet identique se
nomme la signification. 34» [Notre traduction]
32 Hua XIX.I, p. 48, lignes 26-27, « den Ausdruck selbst,
seinen Sinn und die zugehörige Gegenständlichkeit. »
33 Ibid, p.49, lignes 32-33, « ist eine
Geltungseinheit an sich. »
34 Ibid, lignes 19-26
29
Cette capacité de reproduire à l'identique une
signification, c'est le pouvoir même de l'expression. Dans ce contexte,
l'importance de la notification et de la prise de sens n'a plus d'importance.
Le caractère idéal de la signification devient une
nécessité, pour conférer au langage un certain
degrés d'intersubjectivité, mais aussi pour considérer la
logique non pas comme une technique mais comme une science. C'est cette
signification, présente idéalement et transmise par l'expression
qui garantie une certaine objectivité du langage et qui peut fonder une
véritable étude logique de l'expression. Cependant, dans les
réécritures, Husserl revient sur ces concepts et redéfinit
le signe et l'expression.
30
2. LES REECRITURES DE HUSSERL : VERS UNE NOUVELLE
DEFINITION DE L'EXPRESSION
31
2.1. LE CARACTÈRE INTERSUBJECTIF DES EXPRESSIONS
LINGUISTIQUES
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