b. Une sélection au sein de la
biodiversité
Les corridors écologiques sont souvent destinés
à un certain type d'espèces, car il est presque impossible de les
rendre performants pour des espèces dont les caractéristiques
sont trop éloignées. En mettant en place ces infrastructures
naturelles, on favorise donc une certaine biodiversité au
détriment d'une autre. La Trame verte et bleue, par ses
opérations de gestion des espaces naturelles, conduit techniquement
à l'amélioration de certaines espèces tandis que d'autres
ne suscitent pas son intérêt et sa réaction.
D'après Chantal Aspe, la biodiversité est un
« produit social historiquement construit »372.
Elle souligne également le rôle des différents savoirs dans
le processus de construction. Les normes de conservation produites par
l'écologie scientifique permettent d'élaborer une nouvelle grille
de références qui participent à l'élaboration de
représentations considérées comme légitimes. Ainsi,
les discours des experts conditionnent une certaine vision de la
biodiversité. La Trame verte et bleue s'inspire de ces travaux, et
alimentent cette représentation, en la transmettant aux usagers. Les
experts de la biodiversité, en mettant en avant certains aspects de la
biodiversité, créent donc une structure qui s'étend
à la société, lui permettant de juger ce qui serait une
« bonne » biodiversité ou une « mauvaise »
biodiversité.
De plus, en érigeant les normes qui doivent encadrer la
biodiversité, les experts, puis tous les acteurs des politiques
écologiques, participent à une « muséification »
de cette biodiversité. Pour Christophe Calenge, la biodiversité
de la trame verte est la traduction d'une représentation de la nature
qui « n'est pas sauvage »373. En effet, la
gestion des espaces naturels afin de favoriser la biodiversité «
rend la nature à l'homme, elle la civilise. [...] On pouvait
piétiner les pelouses entre les immeubles ; il sera plus difficile de
mépriser ou d'ignorer les arbres, les haies, les cheminements
piétonniers, les ronds-points « paysagers », les massifs et
les compositions florales. [...] Bref, la trame verte
»374. La gestion de la nature est répond à
une « idéologie dans la mesure où elle fournit un jeu de
représentations liées structurant l'imaginaire de la ville dans
ses rapports à l'espace et à la nature »375.
Ainsi, la gestion de la biodiversité, qui est d'abord prôné
par les scientifiques, devient peu à peu une représentation
commune de la nature en ville, et la TVB participe pleinement de cette
entreprise.
372 Chantal Aspe, « De la gestion des ressources naturelles
à la patrimonialisation : biodiversité savante et
biodiversité populaire. Quels savoirs, valeurs et échelles pour
une gestion durable », 2012
373 Christian Calenge, « Idéologie verte et
rhétorique paysagère », Communications, 2003,
n°74, pp. 33-47
374 Ibid.
375 Ibid.
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Ainsi, une politique initialement centrée sur le
désir de rendre la ville attractive permet de faire émerger une
préoccupation portée par les élus et nourrie par les
experts de la biodiversité. Toutefois, ce déroulement peut poser
des problèmes car la politique de Trame verte et bleue nécessite
de restaurer des espaces naturels afin de rétablir les
continuités écologiques. Pourtant, cette restauration
soulève un certain nombre de questionnements éthiques et la
gestion de la biodiversité alimente un processus de sélection des
espèces souhaitables et de destruction des espèces
indésirables. Finalement, quelle est la place de la nature dans la ville
?
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