b. La gestion des espaces naturels
ENLM engage des politiques de renaturation sur la Trame verte
et bleue dans l'objectif de sauvegarder des écosystèmes, et donc,
des espèces locales. L'écologie de la restauration invite
349 Ibid.
350 Robert Eliott, Faking Nature : the Ethics of
Environmental Restoration, 1982
351 Jean-Louis Fabiani, « Ethiques et politiques de la
techno-nature », Revue européenne des sciences sociales, n°
118, pp. 5-18, 2000
352 Moune Poli, « Recréer la nature »,
Espaces naturels, n°1, janvier 2003
353 Ibid.
354 Entretien avec Laure Cormier, géographe, le 5 mars
2015 à Paris
355 Moune Poli, « Recréer la nature »,
Espaces naturels, n°1, janvier 2003
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à s'interroger sur la représentation de la
nature, et donc, sur les implications concernant la biodiversité locale.
En effet, les valeurs projetées par les citadins sur la nature ne
peuvent être dissociées d'une matérialisation et cette
dernière implique un choix dans la gestion des espaces naturels. «
Le respect de la nature, principe quasi-sacralisé de
non-interventionnisme, s'est donc inversé en parti-pris gestionnaire
»356.
Cette gestion passe par « la manière dont
(ENLM) conçoit la plantation »357. Pierre Dhenin,
son directeur, ajoute : « Dans le parc de la Deûle, il y a des
plantations pour avoir des baies toute l'année. Il y a 7 ans, il a fait
un froid sibérien, et le jaseur boréal s'installe là
où il a à manger. Il y a eu une colonie d'environ 10 jaseurs qui
sont restés un mois avant de remonter. La qualité des boisements
génère la qualité des lieux. Si on mélange les
espèces botaniques, on aura un mélange des espèces
animales. C'est à nous, dans nos choix de plantation, d'offrir cette
diversité. On abat 150 peupliers à Villeneuve d'Ascq, et on
replante des espèces variées. Sur un if, on trouve 5 à 6
variétés d'insectes, et sur un bouleau, 176 espèces donc
on a des oiseaux plus variés ».358
La Trame verte et bleue lilloise est donc le résultat
d'un travail précis de mélange des essences. La renaturation
permet l'enrichissement de la biodiversité, et le directeur d'ENLM
souligne bien que les espèces qui sont replantés sont des
espèces floristiques indigènes, qui attirent donc une faune
elle-aussi indigène. Toutefois, la sélection des essences, qui
entraine la destruction d'autres, peut poser des problèmes
éthiques. La gestion des espaces de nature conduit en effet à
détruire les espèces qui ne seraient pas locales, ou qui
n'apporterait aucune plus-value à la biodiversité. Cette gestion
n'est pas toujours aussi précise, il peut également s'agir de la
promotion d'une nature « sauvage » au sein de la TVB. A «
Sainghin en Mélantois, il y a un petit étang, qui
était beaucoup trop bien entretenu. On est passé de 12 tontes
à 2 fauches par an. C'est un lieu de fort passage, mais cela
n'empêche pas la diversité ; les martins pêcheurs se sont
réinstallés »359.
La modification d'une gestion pour qu'elle devienne plus
« douce » pour la biodiversité est une réalité
pour toutes les politiques visant à améliorer la
biodiversité. « Dans la forêt, du point de vue de la
biodiversité, c'est limité, parce qu'il n'y a pas de
photosynthèse en strate
356 Jean-Louis Fabiani, « Ethiques et politiques de la
techno-nature », Revue européenne des sciences sociales, n°
118, pp. 5-18, 2000
357 Entretien avec Pierre Dhenin, directeur d'Espace Naturel
Lille Métropole, le 27 février 2015 à Lille
358 Ibid.
359 Ibid.
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inférieure. Au contraire, dans les friches, c'est
là qu'on trouve la plus grande biodiversité, grâce aux
essences prairiales. Mais la friche est un état temporaire, qui est
destiné à devenir une forêt. La gestion permet, en
évitant les arbres, de favoriser cet état temporaire
»360. Ces gestions permettent de lutter contre
l'appauvrissement de la biodiversité, et, pour Laure Cormier, «
il est illusoire de se dire que dans notre société, il peut
ne pas y avoir de gestion ».361
La gestion actuelle de la Trame verte et bleue lilloise ne met
donc en avant « les usages et les pratiques associées à
ces gestions »362, ces usages permettant « la
durabilité du système »363.
L'écologie de la restauration passe par des modes de gestion
différenciés qui détruisent des espèces
indésirables, et qui modifient le paysage, ou au contraire,
empêche son évolution naturelle vers un autre milieu, au nom de
l'accroissement de la biodiversité.
2.3.Une biodiversité d' « agrément » ?
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