b. Eviter les conflits : satisfaire les usagers
La Trame verte et bleue s'adresse en premier lieu aux Lillois,
et ENLM s'attache à assurer le soutien des usagers à ce projet.
Pierre Dhenin met en avant la présence d'un conseil des usagers au sein
du syndicat mixte. En effet, la TVB est pensée dans une visée
sociale, celle de développer les espaces de nature de proximité
dans un souci de bien-être et de loisirs pour le citadin. Elle vise
également au rétablissement des continuités
écologiques, et à l'amélioration de la biodiversité
locale. L'accommodement de ces deux objectifs peut sembler périlleux,
car l'utilisation des sites à des fin récréatives conduit
au piétinement, et nuit à la faune et à la flore.
ENLM concilie ces deux visées grâce à un
aménagement complexe des espaces de nature dont il a la gestion. Pierre
Dhenin confirme que la fréquentation peut mettre à mal les
écosystèmes, et propose un principe de base « il faut
que le public soit dans les sites comme sur des rails
»322. Ces rails sont en fait des « chemins
extrêmement agréables, et s'il en sort, il est rapidement
arrêté »323. Ainsi, le marcheur se
promène sur un chemin large de 3 mètres, couvert de sable de
marquise, et de part à d'autre de ce chemin s'étendent tout
d'abord du gazon tondu d'une largeur d'un mètre, procurant un «
sentiment de propreté »324, puis quelques
mètres de prairie, suivi d'un alignement d'arbres, puis de broussailles,
de ronces et enfin de murs qui protègent les coeurs de nature. Le
promeneur « ne les voit pas, il a un sentiment de liberté, car
l'interdit n'apparaît pas »325. Pierre Dhenin
poursuit : « Les familles ont besoin de 2h30 de promenade tous les
dimanches. Oui, mais sans détruire. On peut voir le coeur de nature mais
pas y pénétrer »326. Le Lac du Héron,
à Villeneuve-d'Ascq, voit passer près de 8 000 usagers certains
dimanches.
Le directeur d'ENLM souhaite aussi montrer que la TVB peut
profiter aux résidents. Un projet de sentier à travers le parc du
Héron devait être un chemin agricole qui « passe
derrière
322 Entretien avec Pierre Dhenin, directeur d'Espace Naturel
Lille Métropole, le 27 février 2015 à Lille
323 Ibid.
324 Ibid.
325 Ibid.
326 Ibid.
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un lotissement et qui arrive sur la rivière de la
Marcq »327. Mais ce projet rencontre l'opposition des
habitants des lotissements. ENLM organise des réunions publiques avec
les riverains, « pour étudier ce qui est possible, et comment
garantir l'intimité des gens »328. Finalement, ENLM
assure le rehaussement des haies, et « dans les faits, les gens se
rendent compte que c'est très bien et qu'en plus, la maison prend de la
valeur »329. Cela constitue pour ENLM « un
exemple à montrer, et permet de désamorcer les bombes
»330.
Ainsi, la Trame verte semble satisfaire les résidents,
les usagers, et les impératifs écologiques. La
multifonctionnalité de la trame verte oblige son aspect consensuel. Si
elle est parfois mal perçue par les acteurs du territoire, que ce soit
par la Chambre d'Agriculture qui l'entend comme un nouveau grignotement des
territoires ruraux, ou par les élus qui redoutent son aspect
réglementaire, elle est en fait multifonctionnelle. Du moins est-ce le
souhait du syndicat mixte Espace Naturel Lille Métropole qui porte le
projet de Trame verte et bleue lilloise. La position d'ENLM est pragmatique, il
s'agit de faire des espaces de nature en ville et de le faire admettre par la
majorité afin de d'assurer sa durabilité. Toutefois, si
l'apparition de la politique de Trame verte et bleue lilloise semble parfois
ignorer la dimension écologique, elle doit pourtant s'y attacher, et
apparaissent un certain nombre de questionnement quant à la
légitimité de la restauration des milieux naturels.
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