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Le régime fiscal des fusions et opérations assimilées.

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par Mang Sabin FAYE
Université Cheikh Anta Diop de Dakar  - Master Recherche Droit des Affaires 2013
  

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Section I- Le régime fiscal de faveur des opérations de fusions

Il s'agira ici d'explorer l'application du régime fiscal de faveur des fusions, (I) avant de passer à l'étude proprement dite des effets d'un tel régime à l'égard des fusions (II)

Paragraphe I- L'application d'un régime fiscal de faveuraux fusions

Le système mis en place par le droit fiscal vise à assurer une neutralité fiscale, d'opérations considérées comme intercalaire dans le sens où leur première justification est économique en facilitant, des restructurations d'entreprises pour des raisons de marché, d'économie d'échelle, d'optimisation aussi bien commerciale que financière. Cependant le législateur n'a pas accordé des avantages fiscaux aussi importants à n'importe quelle opération de fusion.

Il a procédé à un choix, fondé soit sur des nécessités techniques, soit sur des considérations d'opportunité, en exigeant que soient remplies un certain nombre de conditions (A) pour que la neutralité du régime de faveur des fusions soit effective (B).

A- Les conditions d'applications du régime fiscal de faveur.

L'application du régime spécial des fusions est subordonnée non seulement au respect des conditions de fond (1) tenant à la nature juridique de l'opération et au régime fiscal des sociétés absorbées et absorbante, mais également à un certain nombre de formalités qui permettent à l'administration d'assurer le suivi et le contrôle des impositions latentes. (2)

1- Les conditions de fond

Le régime de faveur a un domaine de circonspection très précis. Le législateur exige, pour bénéficier du régime de faveur,que la prise en charge partielle ou totale d'un passif en matière de fusions, s'effectue à condition que la société absorbante ou nouvelle ait son siège social au Sénégal, que l'apport se présente sous la forme d'une fusion, que l'opération se traduise principalement par un apport de moyens permanents d'exploitation et le passif pris en charge ne doit pas comprendre l'emprunt ayant financé la prise de contrôle.Ces conditions d'application ne sont guère contraignantes.Il suffit, pour s'en convaincre de les passer en loupe.

En effet elles impliquent d'abord que la société ait son siège social au Sénégal.Le critère de la nationalité est fonction du siège social de la société. Quel que soit le lieu où les établissements se trouvent situés, une société a, selon le droit sénégalais, la nationalité du pays où le siège social est situé.15(*)En principe c'est le siège social qui détermine la nationalité de la société. Mais le problème est beaucoup plus complexe que pour les personnes physiques ou pour les entreprises individuelles, car les sociétés ont la capacité de se multiplier d'où des problèmes de siège social. L'article 25 de l'AUDSC-GIE exige que le siège social soit réel et non fictif en faisant défense que celui-ci soit constitué par une domiciliation à une simple boite postale.Le droit fiscal va dans le même sens. L'objectif poursuivi est de lutter contre la pratique répandue consistant à domicilier notamment des sociétés étrangères sur des terrains vagues ou qui n'existent pas afin d'éluder toute imposition16(*). Cependant en matière de territorialité de l'impôt, ce qui est essentiel, ce n'est pas la nationalité de l'entreprise, mais son lieu de situation et même, plus précisément, le fait qu'une activité industrielle ou commerciale y soitexercé. Tout bénéfice issu de cette activité menée au Sénégal y est imposable au nom de l'établissement qui l'a réalisé, quelle que soit la nationalité de l'entreprise en cause. C'est pourquoi, il y a lieu de s'appuyer sur cette notion de situation, base matérielle et juridique de l'exercice d'une activité.17(*)

Ensuite l'opération doit produire les effets d'une fusion c'est-à-dire dissolution de la société absorbée, transmission universelle du patrimoine de la société absorbée, attribution aux associées de la société absorbée des titres de la société absorbante.Mais l'effet majeur, pour ne pas dire unique, des fusions lorsqu'elles s'opèrent, c'est d'impliquer la transmission de l'ensemble du patrimoine des sociétés absorbées ou fusionnées auxsociétés bénéficiaires, et cela, dans l'état où se trouve ce patrimoine au jour de l'opération18(*). Il apparaît ainsi que ces opérations se caractérisent par le principe de la transmission universelle de patrimoine, selon lequel l'ensemble de l'actif et du passif de la société absorbée est transmis à la société absorbante ou nouvelle, résultant de l'opération.19(*)Même si ces opérations s'opèrent avant tout par le biais d'une convention, le traité de fusion, il n'en demeure pas moins que la notion de transmission universelle de patrimoine a un fondement légal issu de l'acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique20(*). De telles affirmations permettent de constater que le principe du transfert universel du patrimoine constitue un principe fondamental du droit des fusions21(*)(...).Ce qui semble guider également le législateur fiscal en àfaire une exigence pour la mise en oeuvre du régime de faveur des fusions.

Dans le même ordre d'idée le fisc précise la nature de l'apport et circonscrit le passif pris en charge. L'apport doit consister principalement en des moyens permanents d'exploitation. Par moyens permanents d'exploitation, il faut entendre les éléments stables de l'actif dont la destination normale est d'être conservés et par suite immobilisés dans l'entreprise, soit comme moyens d'exploitation, soit à titre d'emploi de capitaux, à l'exclusion de ceux qui constituent pour l'entreprise l'objet usuel de son négoce.22(*)Les éléments permanents de l'actif sont constitués de toutes les immobilisations existant dans l'entreprise, qu'elles soient corporelles ou incorporelles, qu'il s'agisse de biens meubles ou immeubles, qu'elles soient affectées ou non aux opérations professionnelles, qu'elles soient ou non amortissables, qu'elles soient ou non amorties.

Ensuite le passif ne doit pas comprendre l'emprunt ayant servi à la prise de contrôle de l'une des sociétés par l'autre ; C'est notamment le cas d'une société A qui achète les actions d'une autre société Bavec laquelle elle décide, par la suite, de fusionner. Toutefois, pour acquérir B, il a fallu que Abénéficie d'un concours financier externe. Cet emprunt sera compris dans le passif transmis par A dans l'opération de fusion et sera remboursé dans le cadre normal de la gestion de la société absorbante ou nouvelle. Dans cette hypothèse, l'opération ne pourra pas bénéficier du régime fiscal de faveur des fusions de sociétés.

Enfin, Il existe au Sénégal une condition prévue implicitement contrairement à la législation française, qui prévoit de façon expresse que les entreprises en cause doivent relever toutes de l'impôt sur les sociétés. L'article 20 du NCGI dispose que « Par dérogation aux dispositions de l'article 8, les plus-values, autres que celles réalisées sur les marchandises, résultant de l'attribution d'actions ou de parts sociales à la suite de fusion de sociétés anonymes ou à responsabilité limitée sont exonérées de l'impôt sur les sociétés. »aux termes de cette disposition il faut comprendre que seules la SARL et la SA peuvent effectuer des opérations de fusions. Or ces dernières sont des sociétés de capitaux soumises par essence à l'impôt sur les sociétés.

En effet le régime de faveur est strictement réservé aux personnes morales relevant de l'impôt sur les sociétés ce qui exclut à contrario les sociétés de personnes. Ils arrivent que ces dernières contournent cette interdiction, à la faveur d'une option furtivement faite pour les besoins de la cause. A cela l'administration fiscale augure que l'option est prévue par la loi elle-même et que par définition, une option purement fiscale est motivée par des considérations exclusivement fiscales. Sa doctrine officielle est exprimée de la façon suivante ; « pour apprécier si les personnes morales intéressée

s satisfont ou non à la condition d'être passibles de l'impôt sur les sociétés, il convient de se placer à la date de réalisation définitive de l'opération de fusions».

2- Les conditions de forme

Ces conditions sont relatives aux engagements à souscrire dans l'acte de fusion et aux obligations déclaratives.

En effet la société absorbante doit souscrire dans l'acte de fusion l'ensemble des engagements prévus à l'article 20-3 du code général des impôts. Cette condition est substantielle pour l'application du régime de faveur des fusions. Les engagements de la société absorbante constituent la seule contrepartie immédiate à l'exonération de la société absorbée.

Ensuite les sociétés qui participent à une opération de fusion sont soumises aux obligations déclaratives qui consistent en la production d'un état suivi des plus-values en sursis d'imposition et en la tenue d'un registre. L'état et le registre sont destinés à faciliter le contrôle par l'Administration de la taxation ultérieure des impositions placées en sursis ou en report au moment de la fusion par application du régime de faveur défini par l'article 20. L'état est fourni sur papier libre et doit mentionner la date de réalisation, la nature de l'opération, les dénominationset adresses des sociétés concernées et par nature d'élément des renseignements qui différent selon que les biens apportés sont ou non amortissables. La société absorbée doit également produire cet état dans le délai de soixante jours de la fusion avec sa dernière déclaration de résultat.23(*)La production de l'état est obligatoire même en l'absence de plus-values.24(*)

C'est seulement après le respect de ces conditions précédemment exposées que le régime fiscal des fusions sera considéré comme neutre.

B- La neutralité du régime fiscal de faveur

La neutralité est justifiée par des raisons (1) et affirmée par la jurisprudence (2)

1- Les raisons de la neutralité

Certaines restructurations sont réalisées moyennant argent comptant25(*), il n'est illégitime dans ces hypothèses de soumettre les flux financiers qui en résultent aux impôts frappants les mutations de valeurs, soumission aux droits d'enregistrement. Il n'en va de même lorsque les restructurations se réduisent à des réaménagements juridiques sans engendrer des flux financiers. Les hypothèses sont variées26(*). Il serait grave que des impositions malencontreuses viennent contrarier ces nécessaires adaptions juridiques. Un droit fiscal moderne doit tendre à la neutralité de telles opérations. A titre explicatif, on avance qu'elles présentent un simple caractère intercalaire, ce qui signifie que sur le plan économique, c'est la même entreprise qui subsiste par-delà le changement d'habit juridique. Tantôt la personne même de l'entrepreneur n'est pas atteinte27(*), tantôt il y a changement de personne, mais avec transmission universelle du patrimoine, un peu comme lorsque l'héritier continue la personne du défunt28(*). Si l'impératif de neutralité est atteint, il y aura neutralisation à la fois de l'imposition des plus-values, des droits d'enregistrement et même de la TVA.

En adoptant les dispositions de l'article 20 du nouveau code général des impôts, le législateur a entendu assurer la neutralité au plan fiscal des opérations de fusion des sociétés et, à cette fin, sauf lorsqu'il en a disposé autrement, regarder de telles opérations comme des opérations intercalaires. Il en résulte qu'eu égard à cet objectif et en l'absence de dispositions contraires, lorsque des éléments de l'actif immobilisé ont été reçus en apport par une société à l'occasion d'une fusion placée sous le régime de l'article 20 du NCGI, ces éléments doivent être regardés comme figurant dans le patrimoine de la société bénéficiaire de l'apport depuis la date de leur acquisition ou de leur création par la société absorbée. Les mêmes règles sont applicables dans le cas où des éléments de l'actif immobilisé ont été reçus en apport par une société à l'occasion d'un apport partiel d'actif placé sous le bénéfice des dispositions de l'article 20 du même code.

2- L'affirmation jurisprudentielle de la neutralité

En France, le Conseil d'Etat par une décision récente29(*) vient de réaffirmer avec force le principe de la neutralité fiscale des fusions placées sous le régime de faveur de l'article 210 A du NCGI.

Dans la récente affaire Heineken, la question posée était celle de savoir si, en cas d'apport partiel d'actif, les titres apportés devaient être regardés comme détenus par la société bénéficiaire de l'apport depuis la date d'acquisition de ces titres par la société apporteuse ou seulement depuis la date de l'apport nécessairement postérieure. Selon la date retenue, la durée de détention pouvait faire basculer la plus-value ou la moins-value réalisée dans le régime des plus-values ou moins-values à court terme ou dans le régime des plus-values et des moins-values à long terme.

La solution dépendait de l'analyse de l'opération d'apport partiel d'actif placée sous le régime de faveur de l'article 210 A du CGI français. Le régime fiscal de faveur avait-il pour effet de rabaisser l'opération d'apport partiel d'actif à une simple opération intercalaire ? Ou bien l'apport partiel d'actif, nonobstant le régime fiscal favorable sous lequel les parties avaient choisi de le placer, gardait-il sa valeur de cession opérant le transfert des titres d'un patrimoine à un autre ?

La réponse du Conseil d'Etat, conférant à l'opération d'apport partiel d'actif le caractère d'une simple opération intercalaire, n'est pas à nos yeux une surprise. Il nous semble que la jurisprudence était déjà largement engagée dans le sens de cette analyse de l'opération. La Haute juridiction par une décision30(*) s'était référée à « la stricte neutralité fiscale des fusions » même si elle avait constaté que dans cette espèce un texte exprès dérogeait à ce principe31(*).

S'agissant de l'absence de dotation de la réserve spéciale par une société qui avait absorbé une société ayant réalisé une plus-value à long terme, la Haute juridiction a fait prévaloir la continuité fiscale du régime des plus-values à long terme réalisées par la société absorbée, y compris pour celles réalisées au cours du dernier exercice avant la fusion.

En effet la neutralité fiscale des fusions placées sous le régime de faveur résulte de l'esprit de la loi, bien davantage que de sa lettre. Cette neutralité fiscale est justifiée par le caractère intercalaire de la fusion, laquelle n'emporte pas cessation d'activité mais continuation de l'exploitation par la société absorbante. Tout de même le caractère intercalaire explique que la faveur accordée ne vaille pas exonération définitive. Ainsi, si les plus-values latentes ne sont pas immédiatement imposables, elles le deviendront ultérieurement en cas de revente par les associés des titres remis au moment de l'échange32(*).

Cette neutralité du régime fiscal se comprend mieux à travers l'étude des effets proprement dits du régime fiscal de faveur des opérations de fusions.

* 15 BA. (E.) (D.) « Le Droit fiscal à l'épreuve de la mondialisation : la réglementation des prix de transfert au Sénégal », thèse PARIS -EST, juillet 2011. P. 46.

* 16 DIEYE. (A.), Régime juridique des Sociétés Commerciales et du GIE dans l'espace OHADA 3?? éd, 2008 50 p.

* 17BA. (E.) (D.) opt. Cit. P.47.

* 18 JEANTIN. (V.) (M.), La transmission universelle du patrimoine d'une société, in Mélanges Derruppé, Litec, 1991, p. 287

* 19 MBAYE. (M.) (N.),  « fusions, scissions, apports partiels d'actif transfrontaliers en Afrique » Thèse Nanterre, 2006 p 398.

* 20 Il est dit, aux termes de l'article 189 alinéa 3 que la « la fusion entraine la transmission à titre universel du patrimoine de la où des sociétés qui disparaissent, du fait de la fusion à la société absorbante où à la société nouvelle »

* 21 GERMAIN. (M.), Traité de droit commercial G. Ripert et R. Roblot, t.-vol. 2, Les sociétés commerciales, 18?? éd., L.G.D.J., 2002, p. 651, n° 1975.

* 22CIRCULAIRE MINISTERIELLE N°0006779/MEF/DGID/BLEC DU 20 AOUT 2004 Portant application de la loi n°2004-12 du 6 février 2004 modifiant certaines dispositions du Code Général des Impôts (loi n°92-40 du 9 juillet 1992).

* 23 La société absorbée reste soumise sous le régime de faveur au dépôt d'une déclaration de résultats au titre de l'exercice de la fusion qui comprend principalement les bénéfices d'exploitation et les provisions devenues sans objet. Le dernier exercice de la société absorbée est clos à la date de la réalisation définitive de la fusion c'est-à-dire à la date de l'approbation de l'opération par la dernière des assemblées générales des associés, quel que soit l'effet rétroactif dont sont convenues les paries.

* 24 OUDENOT. (P.), fiscalité approfondie des sociétés, Litec 2?? éd 2001. P 664.

* 25 Vente d'une entreprise individuelle, la cession des droits sociaux

* 26 Mise en société d'une entreprise individuelle, transformation de société, changement d'activité ou de régime fiscal, fusion, apport partiel d'actif, scission.)

* 27 C'est le Cas de de la mise en oeuvre d'une entreprise individuelle ou de la transformation d'une société

* 28 Le cas de la fusion par exemple

* 29 CE 11 février 2013 n°356519, min. c/Sté Heineken France, rendue aux excellentes conclusions de Benoît Bohnert (BDCF 5/13) n°54

* 30 CE 19 avril 1989 n°58897, Sté Alice Pressing (RJF 6/89 n°667, concl. M. Liebert-Champagne Dr. fisc. 28/89 comm. 1475)

* 31 Par une décision CE 23 novembre 2001n°205001, SA Roy Frères et Anselmo (RJF 2/02 n°138, concl. J. Courtial p ; 109)

* 32COZIAN. (M.), VIANDER. (A.), DEBOISSY. (F.), Opt. Cit p714.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand