IV.2. TIMING D'UNE NOUVELLE RÉFORME
MONÉTAIRE
Aussitôt que le pays aura retrouvé son
intégrité territoriale et la paix sur l'ensemble du territoire
national, et après avoir mis en place les institutions légales
(le Sénat et les Assemblées Provinciales actuels sont hors
mandat), et parce que l'indépendance de la Banque centrale est prescrite
par la Constitution du pays et ses propres statuts, il serait opportun de
réformer la Banque Centrale du Congo, le secteur financier et celui de
la monnaie, qui devront apporter un appui sans faille aux efforts de
mobilisation de ressources indispensables à la mise en oeuvre d'une
véritable nouvelle vision de développement du pays. Cette
réforme devra utilement compléter les efforts de redressement
économique entrepris par le Gouvernement dans tous les secteurs en vue
de relancer l'économie nationale et de créer la base d'une
croissance économique durable, condition requise pour
générer des emplois et améliorer les conditions sociales
de la population.
Une nouvelle réforme monétaire est fondamentale
pour plusieurs raisons. D'abord parce que, nonobstant la mise en circulation de
coupures de 1.000 ; 5.000 ; 10.000 et 20.000 Francs congolais en
juillet 2012, la nomenclature actuelle des billets est hors d'état
d'usage. Leur coût de fabrication étant devenu trop
élevé relativement à leur valeur faciale, la monnaie
congolaise est obsolète, sale et difficilement utilisable. Ensuite,
parce qu'il existe au Congo deux masses monétaires distinctes (francs
congolais et dollars américains, respectivement). Faute de pouvoir
contrôler la masse monétaire en dollars la plus importante en
volume la Banque centrale ne peut pas conduire une politique monétaire
crédible car tous ses instruments (taux directeurs, taux de
réserves obligatoires, et interventions sur le marché de change)
sont sans effet réel, mesurable et durable sur l'économie. Une
bonne illustration de cette incapacité est la disparité entre le
taux directeur de la Banque centrale (environ 3%) et les taux
d'intérêt commerciaux des banques commerciales, qui oscillent
entre 19 et 22% actuellement. L'irrationalité d'un tel écart
montre que les mécanismes de transmission de la politique
monétaire ne fonctionnent pas normalement en RDC, d'où la
nécessité de réformer profondément et de
façon synchronisée la Banque centrale, le secteur financier et la
monnaie. Une approche parcellaire ne suffit pas. La réforme
monétaire ne doit pas non plus être perçue comme la simple
introduction de signes monétaires de grande dénomination (par
ailleurs porteurs d'un effet psychologique hyper-inflationniste important), qui
serait promise à des conséquences dévastatrices sur le
pouvoir d'achat de la population. Le public congolais en a déjà
souffert dans le passé.
La Banque centrale et le Gouvernement doivent donc travailler
ensemble à rétablir une discipline permettant la conception et la
mise en oeuvre d'une politique monétaire et de change saine et
crédible. Il s'agit de réinstaurer un État de droit
fonctionnel respectueux des statuts de la Banque, de soutenir la politique
économique du Gouvernement et la vision de développement du pays,
de respecter les principes d'orthodoxie budgétaire et
financière, de coordonner efficacement les politiques monétaires
et budgétaires, de compter sur l'engagement et le leadership du
ministère des finances dans la restructuration du secteur financier et
sur l'engagement de la Banque centrale à se restructurer pour devenir
une institution moderne en hommes, instruments, politiques et infrastructures.
Cette discipline exige une volonté politique ferme de mettre fin,
méthodiquement, à la dollarisation ; de redresser le
déficit de l'autorité monétaire ; de permettre
à la Banque de jouer son rôle de prêteur de dernier ressort
en cas de difficultés du système financier pour rétablir
la souveraineté monétaire nationale dans l'intérêt
supérieur du pays et du peuple congolais.
Les perspectives d'une monnaie nationale attractives sont
liées à celles de l'économie congolaise et
requièrent l'engagement de réformes multisectorielles en
particulier dans l'assainissement des finances publiques ; la poursuite du
renforcement de l'intégration économique nationale, de la
stabilité socio-politique, de l'amélioration de la gouvernance
politique et économique, de la mise en place d'un environnement
incitatif pour le secteur privé, de la construction d'infrastructures
économiques et sociales, de la valorisation des ressources humaines et
naturelles et de la relance durable de la production nationale.
Nous sommes conscient qu'on ne peut pas simplement
éradiquer la dollarisation avec une baguette magique. Il convient de
procéder par étapes, en commençant par changer les
conditions qui ont conduit à la perte de confiance dans la monnaie
nationale. C'est pour cette raison qu'une stratégie globale de
développement du secteur financier, de développement du secteur
privé et de relance économique est primordiale, et qu'il importe
d'inscrire cet exercice dans le cadre d'un programme intégré
visant à mettre en place progressivement un véritable État
de droit en République Démocratique du Congo.
Contrairement aux pratiques et normes internationales
favorisant l'indépendance de la banque et de la politique
monétaire, la République Démocratique du Congo a commis
l'erreur de se doter d'un Comité de Politique Monétaire incluant
des représentants de la présidence de la république, de la
primature, du ministère des finances, et du ministère du budget.
Là où un seul représentant du Ministère des
Finances pouvait satisfaire à l'exigence de coordination entre la Banque
centrale et l'exécutif, l'institut d'émission a
créé en 2011 une structure bureaucratique superflue. Ces
balbutiements dans le domaine critique de la politique monétaire
soulèvent la question fondamentale d'une vision appropriée pour
un Congo nouveau que les 70 millions de ressortissants de ce pays appellent
maintenant de tous leurs voeux.
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