III.3.7. DOLLARISATION À OUTRANCE
La Constitution de la République Démocratique du
Congo (amendée par l'Article 7 de la Loi 005/2002 du 7 Mai 2002 sur
l'Organisation et le Fonctionnement de la Banque Centrale du Congo) stipule
clairement d'une part dans ses Articles 170 et 176 que l'unité
monétaire de la République Démocratique du Congo est le
franc congolais, et d'autre part que « la Banque Centrale du Congo
est seule habilitée, sur le territoire national, à émettre
des billets et pièces de monnaie ayant cours légal. Les monnaies
et pièces de monnaie ayant cours légal sont libellées dans
l'unité monétaire de la République Démocratique du
Congo, le franc congolais ou dans ses sous-unités».
Nous considérons que le décret-loi 004 /2001 du
31 janvier 2001 autorisant la libre circulation du franc congolais et des
devises étrangères sur le territoire national est contraire
à l'Article 170 de la Constitution de la Troisième
République, lequel article établit le Franc congolais comme la
seule monnaie ayant cours légal dans tout le pays. Lutter contre la
dollarisation exige au préalable une harmonisation des textes, car la
substance de ce décret-loi est source de confusion et adresse aux
opérateurs économiques et au public un signal trompeur sur les
véritables intentions et la capacité de l'institut
d'émission à bien mener la politique monétaire dans les
limites des prescriptions constitutionnelles.
Nous soutenons que la dollarisation, dont résulte la
libre circulation au Congo du dollar américain, constitue une violation
flagrante de ces dispositions constitutionnelles. Toute réglementation
de change (y compris le décret-loi 004/2001) autorisant et officialisant
la dollarisation contrevient aussi à ces dispositions
constitutionnelles. Pour cette raison, nous pensons qu'il convient dès
à présent de respecter la Constitution du pays, en attendant que
ces dispositions constitutionnelles puissent être modifiées.
La dollarisation, nous l'avons vu, appauvrit la
République Démocratique du Congo au profit des États-Unis
d'Amérique et favorise le blanchiment d'argent sale. Les revenus de
seigneuriage reviennent logiquement à l'émetteur de la monnaie en
circulation dans un pays. Or, les revenus de seigneuriage sur les dollars
circulant en République Démocratique du Congo ne reviennent ni
à la Banque Centrale du Congo, ni à la République
Démocratique du Congo, mais plutôt à la Réserve
Fédérale des États-Unis d'Amérique (Banque centrale
américaine), qui en est l'émetteur. En l'absence d'accord de
rétrocession des revenus de seigneuriage entre les États-Unis
d'Amérique et la République Démocratique du Congo, la
fédération américaine perçoit ces revenus en
laissant circuler le billet vert au Congo, alors même que les
pertes d'exploitation de la Banque Centrale (devenues chroniques) sont
financées par des subventions qu'approuve le Parlement congolais
chaque année à la demande de l'autorité monétaire.
Ce phénomène est un véritable problème qui concerne
la Banque Centrale du Congo et le Gouvernement, auxquels il appartient, primo,
de reprendre le contrôle de la monnaie nationale ; secundo, de
recouvrer la souveraineté monétaire nationale, et tertio, de
contribuer à mettre fin au déficit de l'autorité
monétaire en diversifiant ses sources de revenus, y inclus ceux de
seigneuriage.
Pour les autorités de la Banque centrale du Congo, la
fin de la dollarisation de l'économie ne se décrète pas du
jour au lendemain, sous l'effet d'un coup de baguette magique. Si cette
évidence est partagée, il est impératif que le Congo ait
un plan clair, avec un horizon temporel raisonnable, pour mettre un terme
définitif à la dollarisation afin de ne pas laisser perdurer la
situation actuelle indéfiniment. C'est à ce prix que le
pays peut reprendre le contrôle de sa monnaie, de son système
financier et de son économie. Dans l'intervalle, il convient
évidemment que la République Démocratique du Congo
continue à renforcer sa crédibilité, via une gestion
macroéconomique rigoureuse, en maintenant un niveau d'inflation faible,
régulier et prévisible. L'exercice n'est pas simple lorsqu'on ne
contrôle pas entièrement la masse monétaire circulant dans
le pays. La question de la qualité, du degré et de la
pérennité de la stabilisation macroéconomique est ainsi
posée. Sans verser dans la théorie, une loi sur la réforme
du système de paiements au Congo s'impose ; elle devra couvrir la
conformité des moyens de paiements aux dispositions constitutionnelles
en vigueur, la monnaie acceptable pour les transactions dans le pays, les
sanctions et amendes frappant les infractions, et surtout fixer le délai
raisonnable et réaliste de la transition d'un système
dollarisé à celui reconnaissant une monnaie nationale
crédible et conforme à la Constitution du pays. La transition
doit être précédée et accompagnée d'une
longue campagne de communication pour que la population comprenne le
bien-fondé de la démarche et s'approprie le processus.
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