SECTION III : VOIES
DE SORTIE AUX DEFIS RELEVES
Le défi capital pour la Cour est de démontrer
qu'elle n'est ni un organe politique, ni l'instrument d'une justice
sélective, voire l'expression d'un néo-impérialisme
judiciaire. Sous peine de décevoir les espoirs investis en elle, la CPI
ne doit pas devenir une justice des puissants qui ne s'exercerait que contre
les Etats pauvres et les gouvernements les plus faibles, en occurrence, des
Etats africains comme le pensent actuellement les africains.
Le risque est réel, car assujetti au soutien politique
et financier des Etats les plus puissants, le bureau du procureur
dépendra, pour bâtir des actes d'accusation, de la
coopération de la communauté internationale. Et là encore,
les pays les plus forts, ceux qui disposent de services de renseignements
importants dotés notamment de satellites espions, ou de moyens
d'écoutes sophistiqués, décideront selon leurs
intérêts et leur bon vouloir de transmettre des pièces
à conviction au procureur de la CPI. L'exemple du Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie est révélateur, il a fallu
attendre jusqu'en mai 1999 pour que Slobodan Milosevic soit inculpé, car
les pays occidentaux répugnaient jusqu'à la guerre du Kosovo
à transmettre des preuves qui permettraient d'inculper celui qui
était perçu encore comme le garant de la stabilité des
Balkans.
Dans quelle mesure encore, la CPI pourra-t-elle surmonter la
farouche hostilité américaine qui jusqu'à l'entrée
en vigueur du statut de Rome, continuait à signer des accords
bilatéraux à des objectifs contraire au SR, sans parler de celle,
plus discrète de la Russie et de la Chine ? La Cour devra aussi
affronter le problème politique, juridique et moral de poursuivre des
auteurs de crimes internationaux, mais aussi de laisser impunis certains
auteurs d'exactions dont les méfaits se seraient exercés en
dehors du champ de sa compétence, telles que le Terrorisme, les
infractions internationalisées.
En dehors de la coopération avec la CPI, les Etats
africains doivent envisager la coopération judiciaire entre eux et la
complémentarité des justices nationales, tout en étant
difficiles, demeurent utiles et indispensables. Cette coopération
implique que ces États opèrent dans le respect des principes
évoqués ci-dessus. De surcroît, pour qu'elle soit efficace,
les États doivent parler le même langage. Ils devront veiller
à l'harmonisation des textes et des traités judiciaires et
s'assurer de l'efficacité de l'entraide entre eux. Cela bien entendu sur
le double plan régional et international.
Enfin, la Cour devra prouver sa capacité à
s'adresser aux peuples et aux sociétés traumatisées par
les effets des crimes de masse sans apparaître comme le bras d'une
justice spirituelle/imaginaire, rendue dans une paisible ville
néerlandaise loin des lieux de la commission des crimes.
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