UNIVERSITE PARIS-SUD
Faculté Jean Monnet - Droit, Économie, Gestion
Année universitaire 2012-2013
LA FRATRIE
Mémoire de Master 2 - recherche
Mention Droit Privé Fondamental
présenté par
Thibaut COSSET
Sous la direction de
Madame le Professeur Sophie GAUDEMET
2
3
La Fratrie
Avertissement
« L'Université n'entend donner ni approbation
ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Celles-ci
doivent être considérées comme propres à l'auteur
»
4
La Fratrie
Liste des principales abréviations
AJDI Actualité juridique de droit immobilier
AJ Fam. Actualité juridique de droit de la fa-
mille
AN Assemblée Nationale
art. article
art. cit. article précité
Ass. plén. Assemblée plénière de la
Cour de cassation
bull. bulletin
CA Cour d'appel
C.civ. Code civil
CCTF Cahiers critiques de thérapie familiale
et de pratiques de réseaux
CE Conseil d'Etat
CEDH Cour européenne des droits de
l'Homme
Cf. supra Voir ci-dessus
Cf. infra Voir ci-dessous
CGI Code général des impôts
chron. Chronique de jurisprudence
Civ. Chambre civile de la Cour de cassa-
tion
CJCE/CJUE Cour de Justice des Communautés
européennes / de l'Union européenne
Com. Chambre commerciale de la Cour de
cassation
Comm. Commentaire
Concl. Conclusions
Cons. const. Conseil constitutionnel
Conv. EDH Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'Homme et des libertés fondamentales
CP Code pénal
CPC Code de procédure civile
CPP Code de procédure pénale
Crim. Chambre criminelle de la Cour de
5
cassation CSP Code de la santé publique
D. Recueil Dalloz
Dr. et Patr. Revue droit et patrimoine
DUDH Déclaration universelle des droits de
l'Homme
éd. édition
et alii. et autres auteurs
fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. Ibidem
IS Revue informations sociales
JCP G. Semaine juridique, édition
générale
JCP N. Semaine juridique, édition notariale
JO Journal Officiel
LPA Les petites affiches
n° numéro
obs. observations
op. cit. oeuvre précité
p. page(s)
préc. précité(e)
rappr. Rapprocher de
RDSS Revue de droit sanitaire et social
Rép. Répertoire
Rev. Soc. Revue des sociétés
RFDC Revue française de droit constitution-
nel
RLDC Revue Lamy de droit civil
RJPF Revue juridique personnes et famille
RSC Revue de science criminelle et de droit
pénal comparé
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD H Revue trimestrielle des droits de
l'Homme
S. Recueil Sirey
somm. Sommaire
spéc. spécialement
6
7
La Fratrie
INTRODUCTION
1. L'Humanité repose sur le postulat d'une
parenté commune à chacun ses membres. « Tous les
êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits [...] et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de
fraternité » (DUDH, art. 1er). La fraternité
unit ceux qui partagent un ensemble de caractéristiques communes : la
raison qui anime chaque être humain suffit à affirmer que «
tous les hommes sont frères »1. Puis,
l'exercice d'une même profession permet de se traiter en «
confrères », une alliance fait naître des «
frères d'armes », une nourrice des «
frères de lait ».
2. La fratrie désigne ainsi un ensemble de liens qui
se tissent au gré des relations qu'entretient chaque individu au sein de
l'humanité. Par l'intensité de ses liens, c'est naturellement
dans le cadre familial que la fratrie a trouvé une place
privilégiée et que le droit s'est employé à
organiser les rapports entre frères et soeurs.
3. La fratrie dans la famille - Selon les
fonctions qui lui sont dévolues - éducation, production, secours,
transmission, etc. - la famille, véritable « accordéon
»2, se déploie ou se rétracte sans qu'il
n'ait jamais été possible d'en donner une définition
unique3. Schématiquement, il serait possible d'opposer
à une famille « des temps ordinaires » réduite
aux parents ou au couple et aux enfants, une famille « des temps de
crise »4, plus élargie. La fratrie, avec les
ascendants, les alliés, voire les proches, n'interviendrait que dans le
second cas, afin de suppléer l'État dans sa mission de sauvegarde
de l'ordre public. Le frère se voit alors reconnaître des
prérogatives particulières telles que l'opposition à
mariage (C.civ., art. 174), l'organisation de mesures de protections (C.civ.,
art. 456) ou la mise en oeuvre des mesures d'assistance éducative
(C.civ., art. 375-3).
4. Or, dans la famille nucléaire, la fratrie est
dépassée par l'intérêt de l'enfant pris
isolément tandis que dans la famille élargie, elle est
absorbée par le cercle des proches auquel le droit n'accorde d'effets
qu'au regard des « sentiments exprimés » par
l'intéressé (C.civ., art. 456). L'autonomie de la fratrie semble
difficile à admettre alors que le droit n'en tient compte qu'à
travers les intérêts particuliers de ses membres. Aussi, la
fratrie est-elle, « pour l'essentiel, un empêchement à
mariage et une vocation successorale de deuxième ordre - un interdit,
une espérance -, quelques bribes d'appoint et beaucoup
Nota : le terme de frère sera employé pour
désigner indifféremment les frères et soeurs.
1 Dictionnaire de l'Académie
Française, 9e éd., 1986, v° «
frère » ; GANDHI, Tous les hommes sont frères,
Folio, 2003, 313 p.
2 Raymond LINDON, « La "famille accordéon"
», JCP, 1965, I, chron. 1965
3 Judith ROCHFELD, Les grandes notions du droit
privé, PUF, 2011, p. 110
4 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
PUF, 2011, p. 52
8
de silence »5. Il s'ensuit une
indifférence quasi-unanime à l'égard des frères et
soeur ; la fratrie étant réduite à un schéma
sommaire6, une « ligne collatérale
»7, « humiliée »8,
sinon « inutile [et] plutôt encombrante
»9.
5. Ce désintéressement pour la fratrie
résulte, semble-t-il, de deux postulats erronés. D'une part, la
fratrie n'est abordée qu'à travers un droit contraignant, sans
rechercher si des normes sociales ou des règles plus permissives ne
participent pas également de sa définition. D'autre part,
l'étude des liens fraternels est souvent limitée aux relations
entre enfants d'un même parent et fait l'économie d'une
réflexion indispensable sur la définition-même de la
fratrie. Or, toute tentative de définition de la fratrie
révèle d'emblée l'intérêt de l'histoire et du
droit pour cette institution particulière.
6. Ambiguïté de la définition -
La définition de la fratrie paraît, à
première vue, évidente10. Le droit comme le langage
courant désignent par ce terme « l'ensemble des frères
et soeurs d'une même famille »11. En revanche, le
sens de « frère » demeure
imprécis12. Le vocabulaire juridique ne le définit
qu'au pluriel, comme les « fils d'un même père et/ou
d'une même mère »13. La fratrie juridique
comprend alors sans distinction les frères germains, issus de
deux parents communs et les demi-frères, utérins - de
même mère - ou consanguins - de même
père.
Alors que le droit se contente d'un lien de filiation commun,
la sociologie intègre également la résidence de l'enfant
pour délaisser ou dépasser la consanguinité. La fratrie se
trouve alors enrichie des « quasi-frères », dont un
parent de l'un est uni à un parent de l'autre. La définition de
la fratrie dépend donc de l'importance respectivement donnée au
lien d'affection ou de filiation. L'affectif peut alors prendre une place que
le droit ignore, au risque de confondre fratrie et fraternité.
7. Fratrie et fraternité -
L'équivoque est pourtant entretenue par les définitions
juridiques de la fra-ternité14. Comme « synonyme de
la fratrie », celle-ci désigne le « lien de
parenté entre frères et soeurs » mais également
l'« idéal d'affection entre ceux qui se traitent ou devraient
se traiter comme frères »15. Le droit reste
étrangement aussi imprécis que le langage courant qui associe
à la fraternité
5 Gérard CORNU, « La fraternité.
Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », dans
Ecrits en l'honneur de Jean Sava-tier. Les orientations sociales du droit
contemporain, PUF, 1992, p. 29 ; L'art du droit en quête de
sagesse, PUF, 1998, p.85
6 Alain BENABENT, Droit de la famille, Domat,
2e éd., sept. 2012, p. 5
7 René MAURICE, « Les effets de la
parenté et de l'alliance en ligne collatérale », RTD
Civ., 1971, p. 251
8 Jean-Pierre MARGUENAUD, « L'affaire Burden
ou l'humiliation de la fratrie », obs. sur CEDH, Gr. ch., 29 avr.
2008, Burden c. RU, RTDH, 2009, p. 513
9 Véronique DAVID-BALESTRIERO, «
L'unité de la fratrie », dans Mélanges Gilles
Goubeaux, Dalloz, 2009, p. 71
10 Le terme est cependant récent : il est
encore absent de la 8e édition du Dictionnaire de
l'Académie Française (1932-1935)
11 Dictionnaire de l'Académie
Française, 9e éd., 1986, v° « fratrie
»
12 Evelyne FAVART, « Désigner les
frères et soeurs : différences lexicales et sémantiques
», IS, mai 2012, n° 173, p. 8
13 Gérard CORNU, Vocabulaire
juridique, (association H. CAPITANT), PUF, août 2011, v° «
frères »
14 Véronique TARDY, « Les
fraternités intrafamiliales et le droit », LPA, 2 nov.
1999, n° 218, p. 7
15 Gérard CORNU, Vocabulaire
juridique, op. cit., v° « fraternité »,
« fratrie »
9
La Fratrie
aussi bien le « lien de parenté qui unit les
enfants issus des mêmes parents » que celui « unissant
des êtres qui, sans être frères par le sang, se
considèrent comme tels » 16.
8. En effet, la fratrie a longtemps été
perçue comme un rapport humain idéal, sur le modèle de la
fraternité chrétienne. Le terme grec de phratria
désigne le groupe se rattachant un même ancêtre, un
clan organisé autour d'un culte commun, plus proche de la gens
romaine que de la fratrie actuelle. Celui de frater, en latin,
entretient la même ambiguïté. Il s'entend sous la
République des enfants nés d'un même père et d'une
même mère (Lettres de CICERON à ATTICUS, 68
av-JC), tandis que dès l'ère chrétienne, la Vulgate
l'emploie indifféremment pour désigner les frères
Caïn et Abel (Gen., 4, 9-10) ou l'ensemble des croyants
(Epître de St Paul aux romains, 8, 29). La fratrie comprend
l'ensemble des membres d'une même religion aussi bien dans la
pensée chrétienne, hindou17 que
musulmane18.
9. Par extension, la fratrie a aussi pu désigner des
rapports sans aucun caractère familial, tels que les
congrégations de moines, de francs-maçons ou des institutions
proches de l'adoption ou de la société comme le parrainage, le
compérage ou l'affrèrement19. Ces différentes
institutions ont pour propriétés communes l'égalité
entre les membres et l'organisation d'une entraide tendant à
suppléer la carence de la famille, notamment dans les classes
populaires. Elles illustrent ainsi un idéal d'égalité et
de solidarité entre les membres de la fratrie qui n'a pourtant pas
toujours été une réalité.
10. La fratrie dans l'histoire -
L'évolution historique de la fratrie est loin d'être
linéaire ; « l'histoire a ses à-coups
»20. Certaines données de fait ou, à
l'inverse, certains idéaux, perturbent la compréhension des
rapports entre frères et soeurs. Appréhendée à
travers sa composition, la fratrie a connu des évolutions qu'il convient
de relativiser21.
11. Réduction de la fratrie -D'une
part, la réduction de la taille des fratries doit être
tempérée22. Il est vrai que la natalité a
fortement décru avec le temps, et si le Moyen-âge connaissait
fréquemment des fratries de plus de dix enfants, le taux de
natalité n'était, en 2011, que de 2,02, en France. Cependant, le
fort taux de mortalité infantile réduisait autrefois le nombre
d'enfants atteignant l'âge adulte ; les fratries n'étaient, de
fait, composées que de deux à quatre membres au
Moyen-âge23. Avec la baisse
16 Dictionnaire de l'Académie
Française, 9e éd., 1986, v° «
fraternité »
17 GANDHI, Tous les hommes sont
frères, op. cit., p. 205
18 « Les croyants ne sont que des frères.
Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin
qu'on vous fasse miséricorde » (S. 49, V. 10, Les
Appartements)
19 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010, p.
1524 ; Anita GUERREAU-JALABERT, « Les structures de parenté dans
l'Europe médiévale », Économies,
Sociétés, Civilisations, 1981, n° 6, p. 1028
20 Jean CARBONNIER, Flexible droit, LGDJ,
10e éd., 2007, p. 279
21 Michel ORIS et alii., Les fratries.
Une démographie sociale de la germanité, Population, famille
et société, vol. 6, 2007
22 Laurent TOULEMON, « Combiens d'enfants,
combiens de frères et soeurs depuis cent ans ? », Population et
Sociétés, déc. 2001, n° 374, p. 1
23 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire
», IS, mai 2012, n° 173, p. 13
10
de la mortalité infantile, un français de vingt
ans avait en moyenne 3, 6 frères et soeurs au XVIIIe
siècle24.
12. La décroissance de la fratrie ne s'est
réellement manifestée que durant la seconde moitié du
XXe siècle25 (Annexe
1). C'est ainsi qu'en 2006, plus de 45 % des
enfants de 0 à 18 ans n'avaient qu'un frère ou soeur et
près de 20 % étaient enfants uniques. La décomposition du
couple parental réduit par ailleurs le nombre de membres de la fratrie
(0-24 ans) vivant effectivement ensemble à 1,89.
13. Diversification des fratries - D'autre
part, l'hétérogénéité des fratries n'est pas
inédite. L'institution de l'adoption offrait au chef de famille,
dès l'Antiquité romaine, la faculté de modifier la
composition de la fratrie26. Par ailleurs, au gré du
décès précoce de l'un ou l'autre des époux, le
couple parental a toujours été amené à se
remodeler. Au XVIIIe siècle, dans la région
parisienne, 30 à 40 % des mariages célébrés
comprenaient au moins un veuf27. Il n'a donc jamais
été exclu que la fratrie comprenne d'autres membres que les seuls
enfants de deux mêmes parents.
14. C'est dès le XIXe siècle que
seraient apparus les termes de « demi-frères » ou
« demi-soeurs »28. Ces situations n'ont donc rien
d'inédit aujourd'hui et demeurent en une proportion significative mais
toutefois limitée, tandis que « les recompositions familiales
n'augmentent pas »29. Les fratries complexes
représentaient, en 2010, seulement 4,4 % de l'ensemble des fratries
(Annexe 3).
15. Au XXe siècle, à la suite de
l'ouverture du divorce, se joignirent aux demi-frères des frères
et soeurs par l'alliance, parfois qualifiés de «
quasi-frères », unis par l'union d'un de leurs parents
respectifs. Déjà envisageable en cas de remariage de veufs ayant
des enfants issus d'un premier lit, cette situation demeure encore assez rare
(0, 8 % des fratries, soit 1,1 % des enfants de moins de 25 ans, en 2006 ;
Annexe 3). En revanche, la multiplication des divorces
a pour conséquence le risque d'éclatement de la fratrie entre les
deux parents, situation qui ne se concevait pas en cas de décès
prématuré d'un des parents30. Toutefois, les enfants
demeurent très majoritairement avec leur mère en cas de rupture
du couple parental (78 % en 2007 ; Annexe
4)31, ce qui n'a là non plus rien
d'inédit puisque les veuves ont toujours été plus
nombreuses que les veufs.
16. Or, le rattachement de la fratrie à la mère
contredit son fondement traditionnel reposant sur la soumission au chef de
famille, et donc au père. Les évolutions les plus manifestes de
la fratrie concernent, en effet, moins sa composition que sa nature et les
fonctions qui lui sont dévolues.
24 Michel ORIS et alii,. Les fratries. Une
démographie sociale de la germanité,, p. 16
25 Fabienne DAGUET, « La fécondité
en France au cours du XXe siècle », INSEE Première,
2002, n° 873
26 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010,
n° 134, p. 177
27 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire
», art. cit., p. 18
28 Dictionnaire de l'Académie
Française, 6e éd., 1832-1835, v° «
frère »
29 Catherine VILLENEUVE-GOKALP, « La double
famille des enfants de parents séparés »,
Population, 1999 n°1, p. 15
30 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille
éclatées, familles reconstituées », D. 1992,
p. 133
31 Adeline GOUTTENOIRE, « Le logement de l'enfant
», AJ Fam., 2008, p. 371
11
La Fratrie
17. Soumission de la fratrie à la
parenté - La fratrie n'est jamais déterminée
qu'en référence à une parenté commune, par une
soumission, ou à l'alliance, par la prohibition de
l'inceste32 . Elle ne trouve pas, semble-t-il, de définition
propre.
18. Exemple le plus frappant, « la parenté
romaine est, de son cercle le plus étroit à son cercle le plus
large, exclusivement assise sur l'unité de puissance domestique
»33. Le cercle familial le plus étroit, la
domus, englobe indifféremment sous l'autorité du
paterfamilias les enfants, biologiques ou adoptés et leur
propre famille, l'épouse et les domestiques. Au décès du
paterfamilias, chaque frère devient à son tour
maître de sa femme et de ses enfants, ainsi que de ses soeurs. Entre
frères, subsiste un lien d'agnatio (puis de cognatio),
source de droits successoraux, d'empêchements à mariage et d'une
charge tutélaire à l'égard des agnats
incapables34. Le lien d'agnation se mue, avec les
générations, en un cercle purement social et politique, la
gens, désignant l'ensemble des personnes revendiquant un
ancêtre commun, le plus souvent mythique.
Quelle que soit l'étendue du lien familial
envisagé, celui-ci n'a donc d'existence qu'au regard de sa
dépendance à l'égard d'un auteur commun. Tout le long du
Moyen-âge, le lignage reste également l'institution familiale
prédominante. La fraternité dépend exclusivement de la
filiation, tandis que la famille se resserre autour des descendants directs du
chef de famille. Seule la fraternité spirituelle trouve une certaine
autonomie sous forme de communautés monastiques.
19. Le Code civil n'a pas rompu avec cette approche, tout en
faisant désormais prévaloir l'alliance sur la filiation. Si, en
1804, la grande famille lignagère se recentre sur un foyer conjugal plus
étroit, la fratrie demeure définie principalement à
travers l'interdiction de l'inceste. Puisque l'alliance a pris le rang de la
filiation, la fratrie du XIXe siècle, autrefois soumise au
lignage, place sa définition sous la dépendance du
couple35.
20. Son autonomie n'a finalement été
consacrée qu'avec la Loi du 30 décembre 199636, posant
un principe de non séparation des frères et soeurs (C.civ, art.
371-5). Désormais, ceux-ci ne sont plus appréhendés
uniquement à travers un lien de filiation commun ou l'interdiction d'une
alliance, mais comme entité autonome et solidaire37. La
fratrie serait alors « érigée en l'un des fondements de
la cellule familiale, afin de lui permettre de se maintenir comme entité
stable »38. Cette autonomie nouvelle
32 Elisabeth COPET-ROUGIER, « Alliance,
filiation, germanité », Sociétés
contemporaines, 2000, n°38, p.21
33 Jean-Philippe LEVY, Manuel
élémentaire de droit romain, Dalloz, 7e
éd., 2003, p. 157
34 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, op. cit., p. 51 ; Jean GAUDEMET,
Emmanuelle CHEVREAU, Droit privé romain, Domat, 3e
éd., 2009, p.37
35 Pierre CATALA, « Rapport de synthèse
», dans Aspects de l'évolution récente du droit de la
famille, travaux de l'association Henri CAPITANT, Economica, tome
XXXIX, 1988, p. 1
36 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre
1996 », Rép. Defrénois, 1997, p. 897
37 Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en
droit civil français, Thèse, PUAM, 2009, p. 524, n°
659
38 Thierry REVET, « Autorité parentale :
loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 », RTD Civ., 1997,
p. 229
12
est pourtant paradoxale car, parallèlement, les droits
des collatéraux, absorbés par des intérêts
individuels, tendent à s'effacer devant la prééminence du
couple ou de l'enfant39.
21. Egalité fraternelle - Si la
dépendance de la fratrie à l'égard du chef de famille est
une constante abandonnée que très récemment,
l'égalité des frères et soeurs n'a jamais
été consacrée de manière définitive.
Dès le droit romain, il a existé une stricte
égalité entre membres de la domus s'agissant de la
dévolution de la succession40. « Il est de droit
constant que les biens des pères et mères morts ab intestat
doivent être divisés également entre les fils et les
filles » (Justinien, C., 3, 36, 11). La rupture est
là totale avec de nombreux droits contemporains, tel le droit
hébraïque, prévoyant à la fois un privilège de
masculinité et un droit d'aînesse41.
L'égalité romaine cédait cependant s'agissant de la
succession des agnats, collatéraux plus éloignés, au
préjudice des femmes autres que la soeur du de cujus.
22. Le droit Franc ne connaît pas non plus de
privilège d'aînesse. « Au moins jusqu'au IX-Xe
siècle, prévaut une égalité des enfants mâles
»42. En revanche, il existe en présence
d'héritiers masculins, une exclusion des femmes des successions
foncières. La règle trouve son fondement dans la crainte que la
terre de la famille - principale richesse de l'époque - ne sorte de son
patrimoine à l'occasion d'un mariage. Sous l'Ancien-Droit, des
régimes spécifiques se développèrent, s'agissant
notamment de la transmission du fief. En fonction de l'importance
accordée au bien, l'aîné, mâle, se vit accorder une
part successorale plus grande, voire exclusive.
Finalement, l'inégalité entre frères et
soeurs procédait davantage de la diversité des coutumes, des
régimes spéciaux et de la place laissée à la
volonté du testateur dans la répartition des biens entre ses
héritiers. En outre, et la règle est constante, les enfants
naturels, considérés comme étrangers à la famille,
n'héritaient pas : « Bâtards ne succèdent point
». Tout au plus, pouvaient-ils demander des aliments à leurs
parents. L'égalité, relative entre les membres d'une fratrie
légitime, cédait chaque fois que la filiation des
héritiers était de nature différente.
23. Aussi, l'égalité, spécialement
successorale, donna-t-elle lieu à de nombreux débats sous la
Révolu-tion43. Elle fut d'abord garantie par la mise en place
d'un droit national unifié. Après la nuit du 4 août, le
Décret du 15 mars 1790 supprima tout droit d'aînesse et de
masculinité. MIRABEAU s'exclama, devant la Constituante, qu'«
il n'y [avait] plus d'aîné, plus de privilégiés
dans la grande famille nationale »44. Mieux, la loi du 12
brumaire An II assimila, du point de vue successoral, l'enfant naturel simple
à l'enfant légitime.
39 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
PUF, 2011, p. 30
40 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, op. cit., n°774, p. 1140
41 « Il reconnaîtra l'aîné dans le
fils [...] en lui donnant double part » (Deut. 21, 17)
42 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire
», IS, mai 2012, n° 173, p. 16
43 André BURGUIERE, « La Révolution
et la famille », Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations, 1991, n° 1, p. 151
44 Ibid.
13
La Fratrie
24. Si le Code civil se montra tout aussi rigoureux dans la
protection des enfants légitimes à travers l'instauration d'une
réserve héréditaire stricte, il exclut du
bénéfice de cette égalité les enfants naturels,
a fortiori adultérins ou incestueux. Ces mêmes auteurs
qui affirmaient que « tous les hommes sont égaux devant une
législation conforme à la nature »45,
défendirent ensuite une vocation successorale moindre pour les enfants
naturels (C.civ., art. 340, anc.), nulle pour ceux issus de relations
adultérines (C.civ., art. 331, anc.). La jurisprudence admit toutefois
que le mariage des parents permît de purger la filiation de son vice
originel46. Puis, malgré la résistance de certains
auteurs47, l'opinion publique, la doctrine et le législateur
se montrèrent de plus en plus favorables à une
égalité entre membres de la fratrie, quelle que soit leur
filiation.
25. Le droit ne pouvait, en effet, résister aux
données de fait : alors que les naissances hors mariage ne
représentaient que 8,5 % des cas en 1965, elles atteignaient 30 % en
199048 et 55 % en 2011 (Annexe
2). Les lois du 3 janvier 1972 et 3
décembre 2001, et enfin, l'ordonnance du 4 juillet 2005, mirent fin
à la distinction entre filiation naturelle et légitime. Sous la
seule réserve de l'interdiction pour les enfants incestueux
d'établir leur double filiation, « tous les enfants dont la
filiation est légalement établie ont les mêmes droits et
les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et
mère » (C.civ., art. 310). L'égalité juridique
entre frères et soeur ne saurait pourtant effacer un privilège
toujours patent dont jouit l'aîné49, à travers
sa réussite scolaire et sociale50.
26. Fonctions historiques de la fratrie -
Paradoxalement, l'avènement de la fratrie comme institution familiale
autonome révèle un décalage entre les fonctions qui lui
sont réellement associées et l'idéal de
fraternité51. Alors que les institutions revendiquant une
similitude avec la fratrie - affrère-ment, confréries, etc. - se
caractérisent par une solidarité et un rapprochement de leurs
membres, les fonctions de la fratrie sont tout autres.
27. Fonction d'éclatement - Sa
fonction première est, historiquement, celle d'un éclatement,
afin de garantir l'échange entre les familles52. Les mythes
fondateurs de la pensée européenne reposent d'ailleurs sur des
relations fratricides, tel le meurtre de Remus par Romulus ou l'affrontement de
Caïn et Abel53. L'anthropologie et la psychanalyse
décrivent la fratrie comme n'ayant pour seul but que l'organisation des
rapports de concurrence entre frères et soeurs, afin de garantir
l'exogamie et un affrontement pacifié. C'est cette fonction qui semble
prévaloir en droit, toutes époques confondues, à
45 CAMBACERES, dans François EWALD,
Naissance du Code civil, Flammarion, 2004, p. 367
46 Civ., 22 janv. 1867, DP, 1867, I, 5
47 Henri MAZEAUD, JCP, 1977, I. 2859, obs.
sur Civ. 1re, 16 févr. 1977
48 Jean-Louis HALPERIN, Histoire du droit
privé français depuis 1804, PUF, 2001, p. 322
49 Anne CHEMIN, « L'aîné, ce
héros », Le Monde - culture et idées, 7
févr. 2013
50 Guy DESPLANQUES, « La chance d'être
aîné », Economie et statistiques, oct. 1981, n°
137, p. 53
51 Philippe CAILLE, « Fratries sans
fraternité », CCTF., 2004, n° 32, p. 11
52 Claude LEVI-STRAUSS, Les structures
élémentaires de la parenté (extraits), Flammarion,
2010, 150 p.
53 Josy EISENBERG, Armand ABECASSIS, Moi, le
gardien de mon frère ?, Albin Michel, 322 p.
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travers la prohibition de l'inceste - l'excès d'amour
fraternel - et du fratricide - l'absence d'amour54. La
réalité est donc très éloignée de
l'idéal de fraternité qui irrigue la pensée juridique,
jusqu'aux fondements de la Constitution française (Const., art. 2, al.
4)55.
28. Fonction de solidarité - La
fonction de solidarité de la fratrie ne saurait être
ignorée pour autant. La fratrie tend généralement à
suppléer la carence des parents56. En droit romain, le
frère dans l'opulence devait des aliments à celui dans le besoin,
y compris au profit du frère naturel (Justinien, Nov. 89, 12,6)
et assumait la charge tutélaire du cognat incapable57. Au
Moyen-âge, la différence d'âge entre membres d'une
même fratrie pouvait être considérable en raison de la forte
natalité et le taux élevé de mortalité infantile.
Il en résultait des relations « obliques
»58 entre les collatéraux dont l'écart
d'âge se rapprochait de celui existant entre générations
différentes. Dès lors, en cas de décès des parents,
l'aîné assurait naturellement une fonction de protection des
cadets. Une obligation alimentaire demeura à des conditions strictes et
se vit, dans les lignées nobles, suppléée par un devoir de
protection presque vassalique des cadets mineurs par l'aîné
majeur59. Aujourd'hui encore, l'assistance entre frères
intervient avant tout en situation d'isolement (décès des
parents, célibats) et subsidiairement à celles des parents en
enfants (Annexe 5).
29. Pourtant, ces relations n'ont pas été
consacrées par le droit français qui refusa d'établir une
obligation alimentaire entre collatéraux. Il limita l'entraide
fraternelle à un rôle secondaire dans l'organisation des tutelles
- finalement dissout par la Loi du 5 mars 2007 (C.civ., art. 449). La fratrie
aurait désormais perdu, en droit, toute dimension fraternelle.
30. Il ressort de son histoire houleuse que la fratrie, comme
la famille, connaît des constantes - dimension,
hétérogénéité, subordination à la
puissance parentale, éclatement - et des aspects plus contingents -
égalité, autonomie, solidarité. Comme la famille, la
fratrie appartient à la fois au droit et aux moeurs et ne saurait
être comprise à travers sa seule législation. Or, la loi et
le fait évoluent et exigent une analyse dynamique de cette institution,
à la marge du droit et du non-droit.
31. La fratrie dans la société
contemporaine - D'une part, l'instabilité du couple n'est plus
à dé-montrer60. L'étiolement de ce pilier
traditionnel de la famille a pour conséquence un affaiblissement des
liens de solidarité qui existaient entre alliés. Lorsque le
couple survit, il se présente avant tout
54 Agnès FINE, « Liens de
fraternité », IS, mai 2012, n° 173, p. 36 ; «
Frères et soeurs en Europe dans la recherche en sciences sociales
», CLIO, histoire, femmes et société, 2011,
n°34, p. 167
55 Marcel DAVID, « Solidarité et
fraternité en droit public français », dans La
solidarité en droit public (Jean-Claude BEGUIN, Patrick CHARLOT,
Yan LAIDIE), L'Harmattan, 2005, p. 11
56 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et
gratuité, Thèse, L'Harmattan, 2004, n° 190, p. 203
57 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, op. cit., n° 176, p.234
58 Didier LETT, « Les frères et les
soeurs, "parents pauvres de la parenté" »,
Médiévales, 2008, n° 54, p. 5
59 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et
gratuité, op. cit., n° 190, p. 203
60 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
op. cit., p. 25
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La Fratrie
comme un espace d'épanouissement personnel qui ne
saurait impliquer le sacrifice de l'individu au profit de la communauté.
D'autre part, l'allongement de la durée de la vie fait peser sur les
générations actives une charge de plus en plus lourde. Les
transferts de richesses verticaux ne garantissent plus une aide suffisante aux
générations dans le besoin. Enfin, les ressources de la
solidarité nationale ne sauraient faire face à la
paupérisation de la société dans son
ensemble61. L'Etat ne peut intervenir qu'en cas de
défaillance de la famille62.
32. Déjà, lors du centenaire du Code civil,
Julien BONNECASE pouvait affirmer que « la famille entendue [comme le
groupe des ascendants et des descendants] ne se suffit pas organiquement
à elle-même ; il lui faut, pour avoir toute sa vitalité et
toute sa stabilité, un cadre de sympathie constitué par les
collatéraux »63. Or, l'instabilité du
couple, l'insuffisance de la solidarité
intergénérationnelle, le désengagement inéluctable
de l'État impliquent, aujourd'hui plus que jamais, la recherche de liens
susceptibles de se substituer aux institutions sociales et familiales
défaillantes.
33. Dans ce cadre, la fratrie, dévalorisée par
le droit positif, présente une potentialité
certaine64. Elle apparaît, premièrement, comme un lien
moderne. Le statut de frère est, certes, imposé mais il
appartient aux frères de déterminer les charges qu'ils souhaitent
supporter en cette qualité. A l'opposée de la filiation ou de
l'alliance, choisis mais liés à un statut contraignant, la
fratrie est imposée mais ouvre un espace de liberté,
privilégiant l'incitation à la contrainte, le permissif à
l'obligatoire, l'affinitaire au statutaire. « La "modernité" de
la germanité s'opposerait au "passéisme" du lien de filiation
»65.
Deuxièmement, la fratrie joue un rôle de «
substitut ». Ses liens deviennent d'autant plus étroits
que les frères et soeurs n'ont pas de conjoint ou d'enfant et
s'intensifient entre personnes âgées sans descendants, lorsque le
parent commun est décédé (Annexe
5). Les liens fraternels s'expriment,
spontanément, en cas de défaillance des autres institutions
familiales. C'est donc dans les situations nécessitant une forme
nouvelle de solidarité que la fraternité se renforce
naturellement (cf. supra, n°29).
Sans entraver la liberté et l'épanouissement de
ses membres, la fratrie pourrait alors répondre à la carence de
la famille et de la solidarité nationale en développant ses
effets encore embryonnaires66.
34. Les contradictions de la fratrie - Ce
renouveau de l'intérêt de la fratrie commande d'en rechercher son
identité. Or, une contradiction apparaît entre les fonctions qui y
sont attachées et la définition qui en est donnée.
Paradoxalement, alors qu'un statut semble découler de la seule
qualité de frères et
61 Pascal BERTHET Les obligations alimentaires et
les transformations de la famille, Thèse, L'Harmattan, 2001, p. 9,
n° 4
62 Jean HAUSER, « Une famille
récupérée », dans Mélanges Pierre
Catala, Litec, 2001, p. 327
63 Julien BONNECASE, La philosophie du Code
Napoléon appliquée au droit de la famille, RGD,
2e éd., 1928, p. 11
64 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
op. cit., p. 30
65 Emmanuelle CRENNER, Jean-Hugues DECHAUX, Nicolas
HERPIN, « Le lien de germanité à l'âge adulte. Une
approche par l'étude des fréquentations », Revue
française de sociologie, 2000, n°41-42, p. 221
66Annette LANGEVIN, « Frères et soeurs,
les négligés du roman familial », dans La fratrie
méconnue : liens du sang, liens du coeur (Brigitte CAMDESSUS), ESF
Editeur, 1998, p. 27
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soeurs, indépendamment de toute référence
à la filiation ou l'alliance, l'identification de la fratrie reste
déterminée par le lignage. Le droit persiste à
définir la fratrie par la parenté juridique commune aux
frères et soeurs, tout en admettant qu'elle s'émancipe de la
filiation comme institution autonome.
Un paradoxe réside donc dans le fait d'attacher un
corps de règles à la fratrie, en raison des liens horizontaux, de
droit ou de fait, qui unissent les frères et soeurs, tout en la
définissant par une parenté commune, lien vertical réduit
à sa dimension juridique. Précisément, la fratrie ne
peut être définie uniquement par une parenté commune alors
que les particularités de ses liens permettent d'y attacher des effets
indépendants de la filiation.
35. Dépassement de la contradiction -
Cette contradiction ne peut donc être dépassée
qu'en recherchant les fondements des règles attachées à la
fratrie. Si son régime se justifiait par la seule parenté commune
aux frères et soeurs, la définition de la fratrie en
référence à la filiation pourrait être
ad-mise67. A l'inverse, s'il apparaît un régime propre
à la fratrie, indépendamment de tout rapport à la
filiation, sa définition doit être repensée afin de la
faire coïncider avec ses fonctions. C'est pourquoi la définition de
la fratrie ne pourra être appréciée qu'après avoir
recherché si la fratrie existe en tant qu'institution autonome. La
fonction commande la définition68.
36. Or, il apparaît que sont attachés à
la fratrie des effets, certes, lacunaires mais indépendants du lien de
filiation commun ou de la seule qualité de proches. Ces effets, en
l'absence de fondements propres, ne suffiraient pas à identifier une
institution autonome. Or, le régime de la fratrie repose sur deux
fonctions qui lui sont historiquement attachées et indépendantes
des rapports de filiation ou d'alliance : l'émancipation des
frères et soeurs et une forme originale de solidarité. La
fratrie pourvue d'effets et de finalités propres serait reconnaissable
comme institution autonome.
37. Dès lors, l'existence d'un auteur commun ne peut
plus justifier à elle seule les règles régissant les
rapports entre frères et soeurs. Admettre l'autonomie de la fratrie
comme institution commande de définir la qualité de frères
et soeurs au regard des seuls liens qui les unissent, sans le recours à
d'autres institutions familiales. Ce n'est qu'après avoir
dégagé les critères permettant de qualifier deux personnes
de frères ou soeurs qu'il sera possible d'apprécier si les
distinctions effectuées entre frères germains,
demi-frères, quasi-frères ou tiers sont justifiées.
Aussi, la découverte d'un corps de règles
particulier à la fratrie reposant sur des fonctions propres
(Chapitre Premier) permettra de déterminer quels
rapports de droit ou de fait la fratrie doit recouper (Chapitre
Second).
67 Péroline CHARLOT, « La fratrie »,
RRJ, 2001-2 (Volume I), n° XXVI - 88, p. 551
68 Rappr. comment l'atténuation de
la fonction d'engendrement du mariage a permis une redéfinition de cette
institution, y intégrant les transsexuels puis les couples de personnes
de même sexe.
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La Fratrie
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