Paragraphe 2 : Les conditions liées à la
nature de l'infrastructure
La jurisprudence de la cour d'appel du 7e circuit
pose également deux critères supplémentaires, en tenant
compte cette fois de la typologie de l'installation. Celle-ci ne peut
être reproduite dans les conditions normales (A). Par ailleurs, dans le
souci de conciliation des intérêts, il est surtout exigé
que l'utilisation partagée soit techniquement et économiquement
possible (B).
A. La duplication techniquement inenvisageable
La Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 9 septembre
1997 a défini la notion d'infrastructure essentielle comme « des
équipements indispensables pour assurer la liaison avec les clients et/
ou permettre à des concurrents d'exercer leurs activités et qu'il
serait impossible de reproduire par des moyens raisonnables ». Cette
condition répond à ceux qui pensent que la théorie des
facilités essentielles tue la concurrence,
157 Voir sur cet aspect les conclusions de l'avoat
général Gulman précédent l'arrêt
Magill, point 115.
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dans la mesure où il est exigé que le concurrent
soit dans l'impossibilité matérielle ou juridique de
répliquer l'installation ou le poids de la duplication serait
manifestement déraisonnable. Par exemple, une entreprise tierce qui
souhaite relier la ville de Douala à N'Djamena par chemin de fer pour
les besoins de son commerce, doit naturellement se servir des rails de la
Cameroun Railways puisque, techniquement, il serait impossible de créer
d'autres sur la même voie de transport.
Dans cette logique, il se trouve qu'il n'est pas
économiquement viable de répliquer cette facilité ; cela
signifie qu'elle demeurera essentielle s'il n'existe ni substitut réel
ou actuel, encore moins potentiel. On n'imagine pas d'autres moyens de parvenir
aux mêmes fins et en plus, matériellement et
financièrement, le concurrent n'est pas en mesure d'assurer la
reproduction. Le juge devra chercher si un opérateur standard (in
abstracto) placé dans les conditions analogues (in
concreto) aurait été capable de reproduire une solution
alternative. C'est donc la disproportion entre les moyens à mettre en
oeuvre, les résultats escomptés et a contrario les
conséquences du renoncement qui révèle le caractère
déraisonnable du processus de reproduction. Si celui-ci est trop
onéreux, long ou incertain, il est déraisonnable entraînant
l'absence de substitut potentiel.
En France, il est connu qu'une ressource ne pourrait
constituer une facilité essentielle que s'il était établi
que son usage est strictement nécessaire pour exercer une
activité économique et qu'une entreprise, concurrente de celle
qui l'a mis au point, ne pourrait pas développer une ressource
concurrente de la première. Si, à l'inverse, il était
établi, soit que l'accès à cette ressource n'est pas
strictement nécessaire en raison du fait, par exemple, que des
concurrents seraient prêts à exercer l'activité
économique en question sans l'utiliser, soit que les concurrents,
auxquels l'accès à la ressource est dénié,
pourraient être capables d'innover en développant, dans des
conditions économiques raisonnables, une ressource équivalente,
« le logiciel considéré ne revêtirait pas les
caractéristiques d'une facilité essentielle au sens de la
jurisprudence
»158
158 Avis n°02-A-08 du 22 mai 2002, non publié. Ce
fut le cas des logiciels protégés en France par le droit
d'auteur.
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Le juge américain, à cet effet, considère
que « comme l'indique le mot essentiel, le requérant doit prouver
plus que la simple inconvenience ou même une perte économique. Il
doit montrer qu'une alternative à la facilité n'est pas faisable
»159.
Il n'existe donc pas de facilité essentielle en
présence d'autres options, plus coûteuses, mais
praticables160.
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