CHAPITRE IV : LA REVUE CRITIQUE DE LITTERATURE
Lorsqu'on entame un travail de recherche, on commence
toujours par une exploration documentaire pour avoir une orientation par
rapport à la problématique que l'on veut construire et les
postulats posés. De ce point de vue, nous pouvons dire que la revue de
la littérature constitue un maillon essentiel dans le processus de
recherche car elle permet au chercheur d'approfondir ses connaissances sur le
sujet qu'il veut étudier. Ce travail s'appuie sur les expériences
empiriques, le vécu quotidien et/ou les études théoriques
produites par les prédécesseurs. Ces « savoirs »
antérieurs permettent au chercheur non pas de traiter le thème en
utilisant les mêmes approches mais, de l'aborder dans une perspective
nouvelle. Notons ici que l'éducation est un champ très vaste qui
intéresse de nombreux spécialistes : les pédagogues, les
psychologues, les sociologues, etc.
Les productions sur l'éducation tournent en
général autour de deux aspects : l'offre et la demande. En effet,
les difficultés auxquelles font face le système éducatif
actuel du Burkina dans le maintien des filles trouvent à la fois leurs
explications dans système éducatif même
(facteurs liés à l'offre d'éducation)
et aussi externes à ce système, c'est-à-dire
qu'ils sont le fait de la famille, de la collectivité et de la
société en général (facteurs
liés à la demande d'éducation).Cela
étant, il est à noter que le problème du succès et
des déperditions scolaires a fait l'objet de plus d'une approche
même si elles sont l'apanage des pays occidentaux. Même si ces
productions d'auteurs occidentaux sont insuffisantes pour mettre en
évidence la situation scolaire au Burkina Faso parce qu'elles sont
inadaptées et inappropriées ; elles peuvent servir de
référentiel pour comprendre le phénomène de
l'échec scolaire de certaines couches sociales en l'occurrence celui des
filles.
IV.1.L'impact environnemental comme facteur explicatif du
rendement scolaire
L'influence de l'environnement auquel appartient
l'élève sur son rendement scolaire a été
défendue par Pierre BOURDIEU et Jean Claude PASSERON(1964). Pour eux,
l'observation des différentes performances entre les différents
groupes sociaux montre que la culture utilisée par l'école et les
universités est celle de la culture dominante. Par conséquent, il
est tout à fait naturel que la sélection scolaire s'opère
au bénéfice de cette classe. A BOURDIEU ET PASSERON(1964) de
soutenir qu'il s'en suit logiquement que la mortalité scolaire ne peut
que croitre à mesure que l'on va vers les classes
éloignées de la langue scolaire.
Soutenant la thèse du rendement par l'obstacle
linguistique, KI-ZERBO(2010) soutient que l'éducation en Afrique Noire
est en inadéquation quantitative mais surtout qualitative par rapport
aux besoins et réalités socio-culturels de l'Afrique. En effet,
l'éducation en Afrique est assimilationniste et vise à faire des
Africains des Européens par la tête vu que tout le programme
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d'enseignement est calqué sur celui de la puissance
coloniale. Il préconise « pour remédier à
cette situation préjudiciable au développement de l'Afrique, il
faut reformer le système éducatif africain, avec, comme outil
fondamental, l'utilisation des langues africaines selon un processus graduel
avec une période transitoire à mettre à profit pour
sélectionner et adapter quelques langues africaines à usage
pédagogique » (KI- ZERBO, 2010, p.18)
.L'expérimentation de l'éducation bilingue vise à faire de
la langue maternelle, une langue pédagogique en vue de permettre
l'adhésion de tous.
Dans la même perspective que les auteurs ci-dessus
mentionnés, si on peut préconiser la langue maternelle comme
langue pédagogique pour faciliter l'apprentissage de l'enfant, Marc
PILON et Yacouba YARO (2001) proposent une autre alternative. Dans un ouvrage
collectif, ils font un plaidoyer pour une meilleure prise en compte de la
demande d'éducation, au même titre que l'offre d'éducation,
tant dans les recherches en éducation, que dans les initiatives de
développement du système scolaire. Ils partent du constat que la
plupart des études portent sur l'offre d'éducation et plus
particulièrement sur les politiques éducatives, les
infrastructures scolaires, etc. Dans cette nouvelle approche en
éducation, ils mettent l'accent sur le rapport entre la
fréquentation scolaire et le sexe du parent et montrent comment la
variable sexe du parent influe sur la scolarisation des enfants notamment celle
des filles. Ainsi, du point de vue de ces auteurs et par rapport à leur
contexte d'étude, les enfants ont plus de chance de fréquenter
l'école si la mère a fait des études. Dans cette logique,
la proximité de la mère avec son enfant est un facteur important
dans la survie scolaire des enfants. En effet, la fonction éducatrice de
la mère peut être utilisée comme un canal de transmission
et de suivi de la scolarité de l'enfant. On pourra sans risque de se
tromper dire selon Marc PILON et Yacouba YARO qu'éduquer une mère
c'est éduquer la future génération. D'où
l'importance que certaines ONG accordent aux AME (Association des Mères
Educatrices) comme relais dans la promotion de l'éducation des jeunes
filles (Plan Burkina, Bornfonden, Save the Children...).Si l'influence
maternelle est importante, ne perdons pas de vue que l'influence
géographique pourrait en partie expliquer l'échec scolaire,
d'où la difficulté des élèves d'accéder
à une étude secondaire ou de s'y maintenir. En effet, il
existerait des environnements plus propices aux études scolaires que
d'autres. Dans cet ordre d'idée, BOURDIEU et PASSERON(1971) affirmeront
que « le facteur géographique détermine d'abord des
inégalités tranchées dans les chances d'accéder
à l'enseignement secondaire et supérieur ».
En effet, dans un pays comme le Burkina Faso, où des
disparités énormes existent entre les milieux rural et urbain, il
est indéniable que cette géographie aura une incidence
immédiate sur le rendement scolaire des élèves qui y
vivent. Que l'on se situe en ville ou en campagne, les élèves
n'ont pas les mêmes chances de poursuivre leur scolarité. Cela se
traduit par des facteurs aggravants
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ou propices à la déperdition tels la distance
séparant l'école et le ménage, le moyen de locomotion, le
temps mi journalier pour rejoindre la classe. Plus ces facteurs à risque
sont importants, plus les élèves auront tendance à
céder sous le poids de la fatigue et à sombrer dans la
démotivation. Partant de ces considérations géographiques
ayant un impact réel sur la survie scolaire et de son rendement, on peut
dire sans risque de se tromper que la vie en zone périurbaine n'est pas
propice à la survie scolaire.
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