La réalisation de ce présent document a
été rendue possible grâce à l'appui et au concours
de plusieurs personnes à qui nous adressons notre sincère
reconnaissance.
Nous exprimons tout particulièrement notre profonde
gratitude au Dr Issa Abdou MOUMOULA qui, malgré ses multiples
occupations, a accepté diriger ce travail.
Merci Docteur pour toute votre sincère
disponibilité, vos critiques instructives et vos encouragements.
Nos remerciements vont également à l'endroit de
l'ensemble du corps professoral de l'école Normale Supérieure de
l'Université de Koudougou pour la qualité de la formation
reçue pendant les deux années de la formation.
Une pensée particulière à tous ceux qui
ont contribué d'une manière ou d'une autre à la
réalisation de ce travail.
· M. ZEBA Ali, professeur de Français au
Lycée Bogodogo de Ouagadougou ;
· M.OUEDRAOGO Richard, Biochimiste, Msc. Doctorant en
Toxicologie appliquée à l'Institut de recherche en sciences de la
santé/direction régionale de l'ouest ;
· Mes parents qui m'ont soutenu durant ces longues
années ;
· Dr SAWADOGO Jean Pierre, Enseignant-Chercheur à
l'UFR/SEG ;
· Messieurs OUEDRAOGO Ibrahima, OUEDRAOGO Hermann,
SAWADOGO Gérard, TRAORE Edouard, KONFE Zacharia, LEAMA Leonard, KY
Désiré, KONFE Ibrahim et épouses respectives ;
· Les collègues Conseillers d'Education des
promotions 2009-2012,2010-2013 et celle de 2011-2013 et particulièrement
aux membres de mon groupe de travail. J'ai nommé DIASSO Donald, NIKIEMA
Nicolas, ILBOUDO Nadège, SANON Dominique et ZAGRE Amidou ;
· Ma chérie KISSU Beatrice qui m'a
énormément épaulé dans des moments difficiles de
mon travail ;
· Aux différents chefs d'établissement
ainsi qu'à toutes les filles et parents d'élève que nous
avons approché et qui nous ont facilité ce présent travail
de recherche ;
· M. Jean Paul BOUMBOUNDI, proviseur du Lycée
BOGODOGO pour son soutien et l'ensemble du personnel dudit
établissement.
Puisse le Bon DIEU, vous rendre au centuple vos secours,
conseils, appuis que vous avez eu à mon égard.
iii
?ES IJME
Au Burkina Faso, la promotion de l'Education Pour Tous demeure
un enjeu de taille pour tous les acteurs du système éducatif et
des politiques. D'énormes efforts sont consentis à tous les
niveaux pour booster l'éducation et la rendre accessible à toutes
les couches sociales. En dépit des efforts tout azimut consentis dans le
sens de l'amélioration de l'accès à l'éducation, la
gente féminine se heurte à des difficultés de divers
ordres. Une grande disparité existe entre les deux sexes dans la
poursuite des études tant au post primaire qu'au secondaire dans les
établissements d'enseignement secondaire. L'analyse des
différentes données statistiques montre que le quotidien des
filles n'est guère meilleur et ne leur permet pas d'être efficaces
en termes de rendement scolaire. Le quotidien des filles est marqué par
une forte participation aux activités domestiques et commerciales aux
côtés de leurs géniteurs au détriment des
révisions, repos et loisir. Cette participation des filles se fait le
plus souvent avec la bénédiction de leurs parents qui trouvent en
elle un rôle formateur et de reproduction sociale. La forte sollicitation
des filles dans ces différentes activités serait liée
à la combinaison des facteurs socioculturels, économiques qui
encourage le travail précoce des adolescentes à la vie du
ménage même étant à l'école. La situation est
beaucoup préoccupante pour les filles vivant sous tutorat dans les
familles d'accueil dans le but de poursuivre les études.
iv
LISTE DES ACI?CNYMES ET AMEVIAICNS
ADEA : Association pour le
Développement de l'Education en Afrique
ADEP : Association D'appui et d'Eveil
Pougsada
AGR : Activités
Génératrices de Revenus
AME : Association des Mères
Educatrices
AOF : Afrique Occidentale
Française
APE : Association des Parents
d'élèves
BEPC: Brevet d'Etude du Premier Cycle
BRIGHT: Burkinabe Response to Improve Girls
cHances to Succeed
CEDEAO : Communauté Economique des
Etats d'Afrique de l'Ouest
CEG : Collège d'Enseignement
Général
CEPE : Certificat d'Etude Primaire
Elémentaire
CRAEF : Commission de Réflexion et
d'Action pour l'Education des Filles
CRS : Catholic Relief Service
CSLP : Cadre Stratégique de Lutte
contre la Pauvreté
DEMP : Direction de l'Education en
Matière de Population
DEP : Direction de l'Education et de la
Planification
DGES : Direction Générale des
Enseignements Spécifiques
ENS/UK : Ecole Normale
Supérieure/Université de Koudougou
EPT : Education Pour Tous
FAWE : Forum des Educatrices Africaines
IDH : Indice de Développement
Humain
INSD : Institut National de la Statistique
et de la Démographie
IRD : Institut de Recherche pour le
Développement
MESS : Ministère des Enseignements
Secondaire et Supérieur
MESSRS : Ministère des Enseignements
Secondaire et Supérieur et de la Recherche Scientifique
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
v
ONG : Organisme Non Gouvernemental
PDDEB : Plan Décennal de
Développement de l'Education de Base
PDDESS : Plan Décennal de
Développement de l'Education Secondaire et Supérieure
PEPP : Projet Education Post Primaire
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
RGPH: Recensement Général de la
Population et de l'Habitat
SCADD : Stratégie de Croissance
Accélérée pour le Développement Durable
SPSS: Statistical Package for Social
Sciences
TACH: Taux d'Achèvement
TBA: Taux Brut d'Achèvement
TBS: Taux Brut de Scolarisation
TBSF: Taux Brut de Scolarisation des Filles
UA/CIEFFA: Centre International de l'Education
des Filles et des Femmes en Afrique de l'Union
Africaine
UFR/SH : Unité de Formation et de
Recherche/Sciences Humaines
UNESCO: Organisation des Nations unies pour
l'éducation, la science et la culture UNICEF: Fonds des
Nations unies pour l'enfance
vi
L'éducation joue un rôle important dans le
développement des sociétés et il serait utopique
d'envisager un développement durable sans elle. Elle occupe une place
centrale dans le classement de l'IDH (Indice de Développement Humain)
des différents pays à l'échelle mondiale. Ses effets sur
la démographie, la croissance économique, le progrès
social et politique font d'elle un des meilleurs leviers de la réduction
de la pauvreté, tandis qu'au plan individuel, elle transmet les
connaissances indispensables pour comprendre la complexité du monde
actuel et ainsi y vivre le mieux possible. La place de l'éducation dans
le développement de toute société est unanimement reconnue
par tous de nos jours. Elle a toujours été
considérée comme primordiale car participant pleinement au
développement socio-économique des sociétés.
Au Burkina Faso, l'éducation apparait au centre des
préoccupations des autorités et des politiques, tant elle permet
au développement optimal des ressources humaines et constitue un
instrument important dans la réduction de la pauvreté et
l'accroissement du bien-être de la population. Le rôle de
l'éducation s'avère incontournable dans le développement
socio-économique du Burkina Faso. Celle des filles et femmes, en
particulier s'avère d'un grand intérêt compte tenu de son
impact sur la maitrise de la fécondité, l'amélioration de
la santé maternelle et infantile, la préservation de
l'environnement, l'accès à un emploi qualifié... gage d'un
développement harmonieux et durable. Pour ce faire, nous pouvons
affirmer que le problème de l'éducation des filles et des femmes
est aussi vieux que le monde car dans « la République
», Platon, le philosophe, reconnaissait en la femme les mêmes
aptitudes que l'homme pour participer aux affaires de la cité,
même si cette aptitude n'était acceptée que pour une
minorité, c'est-à-dire les femmes appartenant à
l'élite. Dans notre ère du temps qui est marquée par la
nécessité de la société à éduquer sa
population dans sa globalité, Joseph KI ZERBO (1990, p.36) affirmait que
« l'éducation est la fille d'une société
globale donnée et s'adapte aux mutations de ladite société
».
Cependant, ce n'est qu'en 1980, sous l'impulsion de la
communauté internationale et des grandes institutions internationales
(Banque Mondiale, Unicef, UNESCO ...) que la problématique de la
scolarisation des filles a été dévoilée au grand
jour. L'actualité de cette problématique a été
débattue lors de la Quatrième Conférence mondiale sur les
femmes à Beijing en 1995.A cette conférence, l'on reconnait que
« Filles et garçons ont tout à gagner d'un enseignement
non discriminatoire qui, en fin de compte, contribue à instaurer des
relations plus égalitaires entre les femmes et les hommes. Les femmes ne
pourront prendre une part plus active au changement que si
l'égalité d'accès à l'éducation et
l'obtention de qualifications dans ce domaine leur sont assurées.
L'alphabétisation des femmes est un important moyen d'améliorer
la santé, la nutrition et l'éducation de la famille et de
permettre aux femmes de participer à la prise de
décisions
1
intéressant la société
»,(Quatrième Conférence mondiale sur les femmes,
Beijing, 1995, Programme d'action, paragraphe 69).
Les pays en voie de développement ont
été ainsi interpellés à élaborer des
politiques spécifiques visant à réduire les
inégalités entre filles et garçons dans la quête du
savoir, condition sine qua non à leur plein épanouissement et
développement.
La carte éducative des filles est la plus basse, (74%)
des filles ont accès au primaire dans la partie subsaharienne du
continent africain en 2008, (Parce que je suis une fille, rapport Afrique
2012 de l'ONG Plan Afrique).
Pour cette même partie de continent, le taux de passage
du primaire au secondaire était de 62% pour les filles en 2008, (Parce
que je suis une fille, rapport Afrique 2012 de l'ONG Plan Afrique), Il subsiste
toujours des inégalités structurelles alarmantes confinant la
jeune fille aux travaux domestiques au profit du jeune garçon qui se
heurte à moins d'obstacles à son éducation. Non seulement,
le taux de scolarisation féminin est faible (74%) par rapport à
celui des garçons, mais encore leur espérance de vie scolaire est
plus réduite car même si elles entrent à l'école
tard, elles échouent fréquemment en terme de résultats
scolaires et de redoublement (70%),(Parce que je suis une fille, rapport
Afrique 2012 de l'ONG Plan Afrique),et minorent leur potentiel en terme
d'orientation. Au niveau spatial, le fossé s'écarte encore, entre
filles des villes, des zones périphériques de la ville et des
zones rurales.
Au Burkina Faso, les contrastes spatiaux,
socio-économiques et de genre sont une réalité dans la
scolarisation et de la survie scolaire des filles au primaire. Le constat est
beaucoup plus alarmant au niveau du secondaire car en ce moment elle n'est plus
considérée comme mineure mais comme adolescente à part
entière, pouvant être utile pour les travaux domestiques et
commerciaux.
En effet, sa place et son rôle se trouve
renforcés avec sa participation au bien-être
socio-économique des ménages. Ainsi, bon nombre d'obstacles
(redoublement, retard, séchage des cours...) se dressent sur son chemin
éducatif et contribuant sans doute à sa déperdition
scolaire à court et long terme. Ce phénomène de
déperdition scolaire est beaucoup plus récurent dans les
ménages à revenus modestes (pauvres) et analphabètes. En
effet, l'origine sociale est un déterminant dans la survie scolaire des
filles tant au primaire qu'au niveau du secondaire dans nos lycées et
collèges.
Des politiques d'incitatives à une scolarisation
massive des filles au niveau du primaire a eu un écho favorable au
niveau des populations et a permis d'enregistrer des performances au niveau de
la scolarisation des filles et des garçons En 2011, on enregistrait une
croissance notable en terme de Taux Brut de Scolarisation (TBS) qui se
chiffrait à 79,2%(IDH, 2011).
2
La comparaison du taux brut d'admission et du taux
d'achèvement montre qu'il existe un écart important entre les
filles et garçons. L'écart passe de 9,3% en 2008/09 à
14,3% en 2009/10. Les disparités entre filles et garçons sont
aussi importantes et ce, malgré la sensibilisation pour l'accès
et le maintien des filles dans le système. Les taux d'achèvement
des filles et des garçons sont respectivement de 14,7% et de
19,6%.L'indice de parité entre les filles et les garçons est de
0,75(MESS,2009-2010).Ces chiffres montrent à quel point le
problème de maintien des filles dans leur scolarité se pose avec
acuité et constitue une priorité pour nos politiques qui visent
une scolarisation universelle d'ici à 2015.Contrairement, à nos
politiques éducatives qui font l'éloge de la gratuité de
l'école, il est avéré que celle-ci connait une
augmentation graduelle des coûts de scolarisation au fil de la promotion
de l'élève et difficilement supportable par les ménages
à faible revenu. Face à un revenu réduit, le choix est
vite fait quand il s'agit de payer entre l'écolage d'une fille ou celui
d'un garçon. Ces différentes représentations
véhiculées par les ménages ne sont pas de nature à
faciliter la scolarisation des filles et leur maintien d'où la
prééminence du phénomène de la déperdition
chez une frange de la société.
Les quartiers périphériques représentent
une zone de tampon entre la campagne et la ville avec des similitudes plus
poussées vers la campagne. Cette zone, bien qu'elle présente un
arrière-plan beaucoup plus reluisant est une zone où la
pauvreté sévit le plus. Quels peuvent être les
déterminants socio-économiques de la déperdition scolaire
en général et celui des filles en particulier dans cette
entité géographique de la capitale ? Ainsi, il s'agit de
comprendre en quoi l'appartenance à un ménage à modeste
revenu prédispose la jeune fille à la déperdition et
comment se manifeste ce phénomène dans les lycées et
collèges dans la commune rurale de Saaba ?
Notre préoccupation dans cette étude est
d'examiner les obstacles au maintien des filles à l'école en
général tant au niveau du post primaire qu'au niveau du
secondaire. En effet, il a été constaté que même si
les filles sont inscrites, il est parfois assez difficile de les maintenir
à l'école jusqu'à la fin de leur cycle d'étude.
Afin de mieux cerner la question de la déperdition
scolaire des filles, notre travail se subdivise en deux grandes parties
à savoir une phase théorique et une phase empirique
constituées chacune de quatre chapitres. Les considérations
générales sur l'éducation des filles seront
détaillées dans le premier chapitre de la première partie
(un état de lieux de la scolarisation des filles au Burkina Faso).Le
second chapitre présente les éléments relatifs à la
problématique, les intérêts et les objectifs de la
recherche. Le troisième chapitre mentionne le choix théorique
retenu pour la recherche à travers la définition des
hypothèses et des différentes acceptions conceptuelles. Enfin, en
ce qui concerne le quatrième chapitre, il expose la revue critique de la
littérature disponible que nous avons eu à consulter dans le
cadre de la recherche suivi de la présentation de la zone
d'étude.
3
Pour ce qui est de la deuxième partie de
l'étude intitulée phase empirique, elle présente comme,
premier chapitre, la méthodologie de la recherche suivi de la
présentation des données (deuxième chapitre). L'analyse de
ces données et la validation des hypothèses de recherche figurent
au troisième chapitre de la phase empirique. Enfin, le dernier chapitre
mentionne quelques suggestions et recommandations à l'endroit de tous
les acteurs du système éducatif pour une meilleure prise charge
de la situation des filles issues de milieux défavorables. Nous ne
saurons terminer notre travail sans faire un bref aperçu de quelques
politiques incitatives à la scolarisation et au maintien des filles
entrepris par l'Etat et certaines structures qui demanderaient à
être vulgarisées.
4
'L?FMIEL?E 'AFTIE*
CAUIES U(ECI~) E El
CC~CE'1 E!
5
CHAPITRE I : L'ETAT DES LIEUX SUR L'EDUCATION DES
FILLES AU BURKINA FASO
Du Cadre Stratégique de Lutte contre la
Pauvreté(CSLP) à la Stratégie de Croissance
Accélérée et de Développement Durable (SCADD),
l'éducation reste une priorité nationale pour le Burkina Faso.
Elle a toujours été considérée comme primordiale,
car participant pleinement au développement socio-économique et
du capital humain de toute société. De l'antiquité au
monde contemporain, tous sont unanimes quant à son rôle
transformateur. Le Burkina Faso fait de l'éducation « une
obligation pour tout burkinabè âgé de 6 à 16 ans et
sans discrimination ».L'éducation des filles et des femmes en
particulier, par son impact sur la maitrise de la fécondité,
l'amélioration de la santé, l'accès à un emploi
qualifié, sur l'environnement est perçue comme la clef de tout
développement durable et équitable pour les pays en quête
de leur devenir.
Ainsi au cours des deux dernières décennies, la
volonté de la communauté internationale à éliminer
toute discrimination à l'égard des femmes s'est faite plus
pressante. Dans le domaine de l'éducation, cette tendance s'est
accélérée grâce au processus de l'Education Pour
Tous(EPT) initié en 1990 à JOMTIEN.
En 2000, à Dakar, la communauté internationale
s'est résolument engagée à « éliminer les
disparités entre genre dans l'enseignement primaire et secondaire d'ici
à 2005 et instaurer l'égalité dans ce domaine en 2015 en
veillant à assurer aux filles un accès équitable et sans
restriction à une éducation de base de qualité, avec les
mêmes chances de réussite» (UNESCO, 2000). L'éducation
des filles et des femmes se trouve être un impératif à tout
développement économique et social, notamment dans les pays en
développement comme le Burkina Faso .Comme le fait remarquer A. Bah
cité par Tiendrebeogo /Kaboret.A(2003)«doter la fille et la femme
africaine des outils intellectuels et mentaux de développement constitue
les meilleurs gages pour réduire, à terme, la pauvreté en
Afrique, accroître les revenus familiaux, planifier les naissances,
réduire la mortalité infantile, améliorer l'état de
santé de toute la famille, réduire les chances de conflits,
augmenter l'espérance de vie ... »
Or l'éducation en tant qu'accès au savoir, donc
au pouvoir et à l'amélioration du bien-être des individus
reste un luxe pour les filles et femmes en Afrique. Au Burkina Faso, comme dans
bien d'autres pays africain où l'éducation tend à se
généraliser à toutes les couches sociales, est
perçue comme un investissement devant produire des dividendes, non
seulement pour celui qui a investi mais aussi pour celui qui a reçu
cette éducation. Ces représentations utilitaristes et rentables
de l'éducation véhiculées dans nos sociétés
ne sont pas de nature à encourager l'éducation des filles,
à plus forte raison leur maintien dans le système
éducatif. La jeune fille est considérée comme
6
étrangère dans nos sociétés
traditionnelles. Par le biais du mariage, elle est appelée un jour
à quitter sa famille pour rejoindre son conjoint dans une autre famille
; donc investir dans son éducation est une perte pour sa famille
d'origine. A cela s'ajoute l'impact de l'éducation dans la
réduction voire l'élimination de certaines pratiques ancestrales
(mariage forcé, excision...), les parents voient en l'éducation
des filles un moyen d'éloignement des filles de leur culture.
Il est nécessaire de reconnaitre que
l'éducation est un des facteurs incontournables de la mobilité
sociale et permet de corriger les inégalités entre les classes
sociales à moyen et long terme. En d'autres termes, l'éducation
permet de corriger les inégalités et la discrimination dont est
victime une certaine couche de la société en l'occurrence celle
des filles et des enfants de milieux pauvres.
Pour le cas précis du Burkina Faso, le statut et les
conditions de vie des filles ne sont guère meilleurs par rapport
à ceux des hommes jusqu'à une période récente. Les
hommes sont les privilégiés dans la plupart des situations car
détenant les principaux pouvoirs de décision.
Il faut reconnaitre que la scolarisation des filles ces
derniers temps a connu une avancée notable à travers les
politiques incitatives d'éducation des filles (parrainage, octroi des
bourses, gratuité des manuels et scolarité, la politique de la
discrimination positive...) du PDDEB avec l'implication des ONG, Associations
oeuvrant au plan national. Ces mécanismes incitatifs mis en place par
les acteurs de l'éducation ont permis de faire un bon quantitatif et
permettre d'enregistrer un taux brut de scolarisation des filles (TBSF) de 76%
pendant l'année scolaire 2009/2010.Pourtant ce même taux
était de 48,7% en 2000/2001(SCADD,2011-2015).
Apres une décennie, la jeune fille burkinabè
retrouve sa place parmi les siens à l'école et ce progrès
est à saluer car elle réduit les inégalités
filles-garçons dans l'accès au savoir élémentaire
et permet au Burkina de corriger une inégalité qui n'a que trop
duré.
Si le problème de la scolarisation des filles au
primaire semble trouver des solutions, le constat est amer quand celle-ci finit
le primaire et doit poursuivre au post primaire voire au secondaire. Lors de la
transition primaire-post primaire, on constate une nette disparité
d'accès entre filles et garçons. En 2008-2009, le Taux Brut
d'Accès (TBA) des filles au post-primaire était de 27,6 % contre
35,2% pour les garçons (MESSRS, 2010). Ce constat pourrait s'expliquer
en partie par des raisons socio-économiques et culturelles (distance,
frais d'écolage, tutorat, mariage précoce, grossesses
indesirées...).En la matière, des efforts ont été
fournis par les acteurs de l'éducation pour permettre cette transition
primaire-post primaire. En réduisant le taux de décrochage des
filles, on peut espérer voir un bon nombre de filles prétendre
à des études secondaires.
En ce qui nous concerne, pour ce présent travail,
c'est le phénomène de la survie scolaire des filles qui ont eu la
chance de poursuivre leur scolarité dans les lycées et
collèges de la commune rurale de Saaba en termes de rendement scolaire.
Même si elles arrivent à échapper aux mailles de
7
l'abandon primaire, la situation n'est guère meilleure
quand elles sont admises à poursuivre leur parcours scolaire. Elles font
face à d'énormes difficultés socio-économiques
propices à leur abandon ou décrochage à long terme.
Le phénomène de la déperdition est le
catalyseur de l'abandon scolaire par excellence. Ce n'est pas un
phénomène nouveau au système éducatif en
général, elle se manifeste tant chez les garçons que chez
les filles. La gravité du phénomène n'est pas le
même quand on se situe chez les filles à qui on attribue des
rôles traditionnels. Et pire, le phénomène tend à
s'exacerber quand celle-ci devient adolescente et la société
attend d'elle qu'elle s'implique davantage dans la vie du ménage
où elle est beaucoup sollicitée à seconder sa mère.
Son rôle prépondérant dans la vie socio-économique
du ménage n'est pas sans incident sur son rendement scolaire et sa
réussite.
Cette situation état est perceptible quand on essaie
de faire l'état des lieux des données disponibles sur le Taux
d'Achèvement (TACH) scolaire des filles au secondaire et au
post-primaire. Les filles au post primaire enregistrent un taux
d'achèvement respectif de 14,7% au post primaire contre 5,4% au
secondaire pour l'année scolaire 2009/2010 (MESS, 2010).Par contre les
garçons sont les mieux lotis en termes d'achèvement. Ces derniers
enregistrent courant année scolaire (2009/2010) un taux
d'achèvement de 19,6% au post primaire et 8,6% au niveau du secondaire
(MESS, 2010). Les différents taux brut d'achèvement disponibles
montrent que les filles et les garçons n'ont pas les mêmes chances
tant au primaire qu'au secondaire et cela se résume à travers les
graphiques ci-dessous qui montrent cette disparité. Cette
iniquité de représentativité des filles est plus parlante
lorsqu'on se situe dans la sphère du secondaire qui pourrait s'expliquer
par sa maturité et sa sollicitation de plus en plus accrue dans la vie
du ménage à travers des activités diverses. A cet
âge (13-19 ans), la jeune fille est vulnérable et peut être
victime de divers maux pouvant faire obstacle à sa progression
scolaire(mariage précoce et forcé, grossesses non
désirées, harcèlement sexuel...).Au contraire, chez le
jeune garçon, c'est une période d'affirmation et
d'épanouissement à travers les activités ludiques et
scolaires. La famille s'investit pleinement dans l'aboutissement de sa
scolarité par des encouragements diverses. Libre cours est donné
au jeune garçon pour poursuivre pleinement sa scolarité avec
moins de surcharge de travaux domestiques au détriment de la jeune fille
qui doit croupir sous le poids de ces activités qui lui sont
imposées par ses parents ou tuteurs.
L'abandon et le redoublement étant les facteurs
essentiels de la déperdition scolaire, il nous est paru important de
faire une étude comparative des données existantes en la
matière pour voir si les filles sont privilégiées ou pas
par rapport aux garçons. Les statistiques sur le taux
d'achèvement montre un taux des filles par rapport à celui des
garçons et ce dans presque toutes les classes du post primaire et du
secondaire dans la Région du Centre.
8
Graphique 1 : Achèvement selon le sexe au post primaire
du centre de 1997 à 2010(MESS, 2010)
45
40
50
35
30
25
20
15
10
0
5
G
F
Graphique 2 : Achèvement selon le sexe au Secondaire du
centre de 1997 à 2010(MESS, 2010)
25
20
15
10
0
5
G F
Quoi qu'on dise, les garçons sont les plus nantis dans
le système éducatif burkinabè si l'on se fie à ces
différentes statistiques existantes et qui traitent
spécifiquement de la question du genre à l'école. C'est
pourquoi, notre sujet de recherche s'oriente dans ce sens afin de mieux
appréhender le phénomène de la déperdition avec son
corollaire de manifestation afin de proposer des solutions qui permettront de
remédier aux disparités de rendements liées au genre.
9