Du fondement de l'avortement thérapeutique en Droit positif congolais( Télécharger le fichier original )par Nephtaly ABASSA BYENDA Université libre des pays des grands lacs RDC - Graduat en droit 2011 |
§2. Résolution des conflitsEtant donné que la loi congolaise, est silencieuse, la solution doit être cherchée ailleurs que dans loi, c'est-à-dire relever un cas jurisprudentiel (A), puis, nous verrons l'état de la question en droit comparé (B). A. En droit positif congolaisLe droit positif congolais ne préfère pas situer un droit à la vie au-dessus d'un autre, parce qu'il a l'obligation d'assurer la protection du droit à la vie de toute personne52(*) à savoir, dans le cas d'espèce la mère. Il ne doit pas ignorer le droit à la vie de l'enfant à naitre. Par contre le règlement médical autorise au médecin de pratiquer l'avortement sur la femme dans le but de se soustraire au danger que la grossesse lui fait courir.53(*) Dans l'affaire Yamulenve,54(*) qui concerne l'interruption d'une grossesse issue du viol, les juges du tribunal de grande instance de Goma ont hésité d'appliquer l'article 14 litera c du protocole de Maputo, en dépit du fait que la constitution congolaise, en son troisième alinéa de l'article 153, demande aux cours et tribunaux civils et militaires d'appliquer les traités internationaux dument ratifiés,55(*) les lois, les actes réglementaires pour autant qu'ils soient conforment aux lois de la République ainsi qu'à la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs.56(*) L'analyse de cette disposition donne lieu à conclure que la R.D.C fait partie de la tendance moniste selon laquelle le traité ou accord international ferra parti du droit interne dès sa ratification. D'ailleurs, le droit international humanitaire veut qu'un traité relatif aux droits de l'homme soit de plein droit appliqué dans les cours et tribunaux, juste après sa ratification.57(*) B. En droit comparéEn droit français, la solution est donnée par la loi du 17 janvier 1975 consacrant la licéité de l'avortement, mais nous ne marions pas cette position car elle conduirait à l'immoralité notoire. Rappelons que cette décriminalisation s'est passée dans des termes prudents : d'abord son article 1èr dispose que «la loi garantit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie, il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi». Parallèlement, cette loi de 1975 étendait l'avortement thérapeutique possible à toute époque de la grossesse et qui provenait d'un vieux décret-loi du 29 juillet 1939.58(*) Toujours en France, la cour de cassation a succes-sivement rendu une série d'arrêts qui consacrent le droit à la réparation de l'enfant handicapé privé de la chance de ne pas naitre en raison d'une faute du médecin. 59(*) Cette Jurisprudence accorde, dans ce cas, à l'enfant handicapé une créance de réparation au médecin qui ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait à son obligation d'information à l'égard de la mère, la mettant ainsi dans l'impossibilité de faire le choix d'un avortement thérapeutique.60(*) Enfin, elle étend le bénéfice de la solution Perruche à l'enfant trisomique, en lui donnant la possibilité d'obtenir réparation de l'intégralité de son handicap, et non d'une simple perte de chance. En réalité, la faute du médecin dans le diagnostic prénatal du handicap, ayant empêché la mère d'exercer son choix d'interruption de grossesse, peut-il constituer un préjudice réparable pour l'enfant ? Les faits dans l'arrêt Perruche sont les suivants : Une femme enceinte avait expressément manifesté son intention d'interrompre sa gros-sesse si les tests de recherche de rubéole qu'elle avait fait étaient positifs. A la suite d'erreurs communes du laboratoire d'analyse et du médecin qui ne prescrivit pas d'examens complé-mentaires, ces tests ont été interprétés comme négatifs. La femme mit au monde un enfant gravement handicapé à la suite d'une atteinte rubéolique in utero. Les parents, mais également l'enfant à titre personnel, recherchent la responsabilité du laboratoire et du médecin en demandant réparation du handicap. Les juges du fond n'accordèrent pas réparation aux parents. La décision fut cassée par la première Chambre Civile en ce qu'elle n'avait pas fait droit à la demande d'indemnisation du préjudice de l'enfant. 61(*) La Cour d'Appel d'Orléans, juridiction de renvoi, décida également de résister, ce qui a donné lieu au célèbre arrêt d'Assemblée Plénière "Perruche" du 17 novembre 2000, selon lequel : « dès lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec une femme enceinte avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap, et causé par les fautes retenues.»62(*) La cour de Cassation française condamna ainsi les professionnels à réparer le préjudice résultant du handicap de l'enfant, du fait d'avoir été privé de la "chance" de n'être pas venu au monde.63(*) Ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap causé par les fautes retenues.64(*) Après avoir vu la position de juge français en la matière, voyons à présent la position du juge Irlandais. En droit irlandais, le juge McCarthy soutient que si le droit à la vie de la mère est menacé par la grossesse et qu'il est possible de ne pas y porter atteinte, alors ce droit sera protégé au détriment du droit à la vie de l'enfant à naitre. 65(*) La cour suprême irlandaise a donc estimé qu'en cas de danger pour sa vie ou sa santé, le droit à la vie de la mère était prépondérant sur celui de l'enfant à naitre.66(*) Après avoir vu la raison d'être de la protection de l'enfant avant sa naissance, qui est le fait pour le législateur d'accorder à tout être germé la chance de venir à la vie, voyons maintenant en quoi peut se poser la nécessité de procéder à l'avortement thérapeutique. * 52 Voir le deuxième alinéa de l'article 16 de la constitution du 18 février 2006, J.O. R.D.C, n° spécial du 18 février 2006. * 53 L'article 32 de l'ordonnance n°70-158 déterminant les règles de la déontologie médicale, J.O. RDC, n°spécial d'avril 1970. * 54 RP n° 19284, registre pénal n°21563, T.G.I, Goma, 2010. * 55 Article 14 litera c du Protocol à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, 2è session ordinaire de la conférence de l'union africaine, Maputo, juillet 2003. Ratifié la R.D.C en 2008 et dont l'acte de ratification a été déposé au bureau de l'U.A en 2009. * 56 La constitution du 18 février 2006, J.O. R.D.C, n° spécial du 18 février 2006. * 57 K.KIHANGI BINDU, Droit international public, ULPGL, Goma, 2011-2012, p40. (Inédit). * 58 J.PRADEL., Droit pénal comparé, Paris, 2ème édition, Dalloz, 2002, p.191 * 59 Cass. Civ. I, 9 Octobre 2001, 00-14.564 (C / C) - Dalloz 2001, Jur. p.3469 * 60 Ibid.. * 61 Cass. Civ. I, 9 Octobre 2001, 00-14.564 (C / C) - Dalloz 2001, Jur. p.3470. * 62 Ass. Plénière, 17 novembre 2000, 99-13.701; Dalloz 2000, I.R. p.295 (Perruche); Conclusions M. Sainte-Rose, Avocat Général, Rapport Sargos ; B.I.C.C. 526 (téléchargement effectué sur www.courdecassation.fr le 10 mars 2012). * 63 . Cass. Civ, Op.cit, p.3471. * 64 Ass. Plénière, 17 novembre 2000, 99-13.701; Dalloz 2000, I.R. p.296 (Perruche); Conclusions M. Sainte-Rose, Avocat Général, Rapport Sargos ; B.I.C.C. 526 (téléchargement effectué sur www.courdecassation.fr le 10 mars 2012s). * 65 N.NESSEIR, Le droit à la vie et la controverse de l'avortement, maitrise, université de Poitiers,s.l, 2010,p.17 * 66 Ibid. |
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