Section III : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans Le Pays
Ces atteintes se manifestent dans le traitement de dix-sept
(17) articles publiés pendant la période d'étude. Dans dix
(10) d'entre eux, les atteintes sont d'ordre terminologique. Les six (06)
autres articles répertoriés contiennent des illustrations de
nature à porter préjudice à l'innocence
présumée des personnes mises en cause.
A. Les atteintes à
la présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays
Nous énumérerons certains des onze (11) articles
par lesquels cette méconnaissance se manifeste.
Dans son numéro 5 133 du jeudi 14 juin 2012, Le
Pays annonce à sa page 8 : « Escroquerie
à Ouaga : Par la technique de l'abeille, il escroque 16 millions de
F CFA. ». Rendant compte de l'arrestation par les services de la
gendarmerie, d'un individu accusé d'escroquerie, le journal se montre
très affirmatif sur la culpabilité du suspect alors même
que la procédure judiciaire concernant cette affaire est à ses
débuts. D'abord dans le titre, le journal affirme que la personne mise
en cause a escroqué. Autrement dit, il a commis l'infraction
d'escroquerie. Une telle affirmation, au stade de l'enquête, porte un
coup à la présomption d'innocence.
Plus loin dans l'article, le journal
ajoute : « La gendarmerie de Boulmiougou a fini par
mettre la main sur l'escroc à la technique de l'abeille(...). C'est un
véritable maniaque de la fourberie, du mensonge et du
vol ». Tous ces termes ne sont pas loin de revêtir la
qualification de diffamation ou d'injure s'il le juge répressif venait
à en être saisi.
Ce genre d'atteinte est également relevé dans
Le Pays numéro 5 142 du mercredi 27 juin 2012. L'attaque de
l'article publié à la page 4 de cette livraison
dit : « S'il y a une affaire qui défraie la
chronique dans la cité de Naaba Kango depuis le 14 juin 2012, c'est bien
l'incarcération, la libération et la
réincarcération de Moumouni Nacanabo dit Youmooré, ce
marabout qui, le 8 juin dernier, avait, au cours de ses prêches
hebdomadaires en direct, proféré contre toute attente, des
injures à l'endroit du substitut du procureur du Faso près le
Tribunal de grande instance de Ouahigouya. ».
Cet écrit a été publié pendant la
détention provisoire de l'inculpé, poursuivi pour outrage
à magistrat devant le Tribunal de grande instance de Ouahigouya. Le
journal, en déclarant que le détenu a proféré des
injures au procureur, lui impute la commission de l'infraction, en l'absence de
toute décision de condamnation.
Il est vrai qu'au terme de cette affaire, le marabout a
été condamné à une peine d'emprisonnement avec
sursis et à une amende de 100 000 F CFA. Mais au moment de la
publication de l'article, l'absence d'une décision de condamnation
interdisait l'imputation directe et sans tempérance des faits à
l'inculpé. Cette imputation aurait pu coûter au journal, dans
l'intervalle entre la publication de l'article et le prononcé de la
condamnation, une action en Justice.
Le Pays aurait pu également faire face
à une assignation en justice à la suite de la
publication, dans son numéro 5 160 du lundi 23 juillet 2012 à la
page 35, de la nouvelle suivante : « Province du
Passoré : Le préfet indélicat
incarcéré».Le préfet dont il est question
était vraisemblablement en détention provisoire, dans l'attente
d'une décision de condamnation ou de relaxe. Mais le journal affirme
qu'il s'est adonné à une série d'escroquerie que son
ministère de tutelle a pris l'engagement de réparer. Le journal
aurait voulu préserver son innocence présumée qu'il
l'aurait écrit qu'il est accusé, soupçonné ou
suspecté d'une série d'escroqueries. En procédant comme,
il l'a fait, le journal établit, sans en avoir la compétence
juridique, la culpabilité du suspect.
C'est malheureusement le cas dans l'un des articles
publiés à la page 2 de la livraison numéro 5 219 du
quotidien Le Pays. L'article porte le titre suivant : «
Tribunal de grande instance de Kongoussi : 36 mois fermes requis
contre un avorteur ». Si dans le corps de l'article, le journal
utilise parfois le terme « prévenu », plus
respectueux de l'innocence présumée, il reste que par le titre
seul, le journal porte préjudice à la personne poursuivie en la
qualifiant d'avorteur.
A la chute de l'article, on apprend que l'audience a
été renvoyée en délibéré. Lors de la
publication, rien ne disait que la culpabilité de l'individu serait
confirmée. Encore que la peine dont le journal faisait cas dans le titre
n'était que requise par le procureur, le juge pouvant décider
autrement. Rien donc ne justifiait l'emploi du mot
« avorteur », très tendancieux, dans le
titre.
En dehors des atteintes d'ordre terminologique relevées
dans Le Pays, le traitement des illustrations des articles par ce
journal est parfois préjudiciable à la présomption
d'innocence des personnes photographiées.
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