La distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun( Télécharger le fichier original )par NENEO KALDAYA Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies option droit public interne 2008 |
CONCLUSION GENERALEL'histoire constitutionnelle camerounaise est parsemée d'embûches et de contradiction à cause de sa maîtrise approximative, ou mieux, de la pondérance du politique sur le juridique. Ces pratiques et usages constitutionnels qui ont longtemps jonchés la gestation de l'Etat camerounais, notamment par l'assouplissement des normes constitutionnelles, a contribué à la fragilisation du texte fondamental. Constitution de façade ou constitution monarchique, tout porte à croire qu'elle est la boussole du seul pouvoir dominant. C'est en ce sens que la pratique constitutionnelle a posé pas mal de difficultés à faire rayonner les principes démocratiques prônés par le pouvoir constituant originaire. La distinction des différentes fonctions étatiques et leur répartition entre des organes différents, est la survivance, mieux la pérennisation de la leçon de l'histoire constitutionnelle tracée depuis le 18è siècle. Les monarchies d'antan ont gravé dans l'histoire de l'humanité une page pour le moins tolérable. Et comme l'histoire est porteuse de conseil, les philosophes politiques des Lumières ont marqué de leurs plumes indélébiles une nouvelle page du savoir-faire politique, que beaucoup d'Etats ont expérimenté. Les Etats réputés pour la démocratie tels les Etats-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne, la France etc. en sont les pays ayant expérimenté cette technique. Bâti sur cette base, le constituant camerounais a fait sien ce principe à jamais libéral afin d'avoir une saine et transparente gestion de la société politique. Le pouvoir constituant étant le fondateur, parce qu'il définit les principaux éléments de base de l'Etat du Cameroun depuis 1960 à nos jours. Malgré des nombreux dérapages constatés çà et là, et ceci au soin de l'homme politique, parce que la constitution étant devenue comme l'affirme le professeur MAURICE KAMTO « une loi de circonstance »304(*), c'est-à-dire reflète la satisfaction des caprices pouvoiristes. Toutes les différentes constitutions camerounaises et leurs révisions subséquentes ont été ainsi marquées du sceau manipulateur du pouvoir en place. Il demeure donc clair que toute édiction d'une constitution et sa révision porte la marque des pouvoirs constitués au Cameroun.305(*) L'étude menée par le soin d'une analyse exégétique et historique nous a permis de dégager une constance : la constitution est la face visible de la pratique politique dans un Etat. C'est dans ce sens qu'on peut poser le problème de l'indépendance du pouvoir constituant, voir de sa légitimité. Le glissement du constituant vers le constitué remet en doute la crédibilité de l'acte constituant, et par ricochet, la dépossession du constituant souverain de son pouvoir.306(*) L'élaboration et la révision de la constitution ont un sens plus politique que juridique. Alors , le concept de l'Etat de droit reste fortement critiqué à cause d'une maîtrise approximative de la constitution que le politique qualifie de l'apprentissage de la démocratie307(*) dont le caractère extrêmement souple donne lieu à des manipulations de tout genre . La doctrine reste particulièrement sceptique308(*) pour l'efficacité du texte fondamental camerounais. C'est dans ce sens que la majorité forte du RDPC309(*) au législatives du 22 juillet 2007 reste problématique où d'aucuns pensent déjà à une dérive constitutionnelle pour cause de l'effacement de contre-pouvoir à l'exécutif. Or, G. VEDEL a souligné que « [ La démocratie est ] le gouvernement du parti majoritaire sous l'arbitrage du parti d'opposition et sous le contrôle du peuple »310(*). Autrement dit, le pluralisme politique est le gage de libéralisme politique ponctué par un débat constructif . La fébrilité du droit d'amendement311(*) pourtant acceptée dans un Etat de droit, explique cette timidité dans l'applicabilité et l'effectivité des dispositions démocratisantes. D'autres pensent à la résurrection de monolithisme politique,312(*) moins favorable à l'évolution de la démocratie. Cette vision mitigée de l'évolution de la société politique camerounaise se lit à travers le prisme de la légèreté dans l'application de la constitution. La lente mise en place des institutions définies par le constituant de 1996 explique déjà pour le moins le manque d'engouement des citoyens pour la politique, ce qui peut expliquer le fort taux d'abstention du 22 juillet 2007.313(*) En sommes, lorsque l'esprit de la constitution est respecté, on serait à notre sens sur la bonne voie en ce qui concerne l'applicabilité des dispositions constitutionnelles,314(*) symbole de l'Etat dit de droit et démocratique. * 304 Maurice Kamto, Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant, précité, page 27 et cité par E. Taltou, « Constitutions et politiques au Cameroun », thèse précitée, page 217. * 305 Il s'agit ici de faire constater que la plupart des idées ayant motivé les modifications constitutionnelles au Cameroun sont teintées de stratégies du maintien ou de protection du pouvoir. * 306 Il faut noter ici la délégitimation de la représentation à la camerounaise. * 307 Il convient de souligner ici l'usage du leitmotiv « processus de démocratisation » et ceci dans l'optique d'apaisement des tensions internes aux Etats. * 308 Il faut regretter en l'espèce une critique plus ou moins mitigée des hommes des sciences phagocytés par le pouvoir politique. * 309 Le Rassemblement Démocratique des Peuples Camerounais créé le 24 mars 1984 à Bamenda sous le cendre de l'UNC (Union Nationale Camerounaise) du premier président de la république du Cameroun Ahmadou Ahidjo de 1960 à 1982. * 310 Georges Venelle cité par Louis Dubois et Gustave Peiser, Droit public, DALLOZ, 16è édition, 2003, page 12. * 311 Issa Abiabag, « Le droit d'amendement dans le droit parlementaire camerounais », opcit, page 43et s. * 312 Voir interview de Manassé Aboya Endong au lendemain des élections du 22 juillet 2007, précité. * 313 Cette tendance participe de ce qu'on peut appeler la sanction du souverain vis-à-vis des gouvernants.
* 314 M. Ondoa, « La constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », op.cit., page 21, parlant de l'incertitude sur l'effectivité de la constitution de 1996. |
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