La distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun( Télécharger le fichier original )par NENEO KALDAYA Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies option droit public interne 2008 |
SECTION II : LE FONDEMENT CONSTITUTIONNEL DES POUVOIRSCONSTITUES EN DROIT POSITIF CAMEROUNAISLes pouvoirs constitués sont des pouvoirs qui prennent leur naissance dans et par la constitution. Ce sont des actes ou organes constituants nécessaires au bon fonctionnement de la société politique. En effet, ils permettent de mettre en application les dispositions constitutionnelles. Ces institutions tirent leur source de la constitution elle-même (PARAGRAPHE I) dont les compétences sont définies par le soin du pouvoir constituant (PARAGRAPHE II). PARAGRAPHE I : LA DELIMITATION CONSTITUTIONNELLE DESPOUVOIRS CONSTITUES AU CAMEROUNERIC OLIVIA souligne dans ce domaine que les pouvoirs constitués englobent l'exécutif, le législatif et le judiciaire.151(*)Ces pouvoirs ne sauraient se substituer cependant au pouvoir constituant qui est extérieur à l'Etat (A), mais ils demeurent intimement liés à l'ordre statutaire interne préétabli par la constitution (B). A- L'impossibilité de substitution au pouvoir constituant
A l'origine, pouvoir constituant et pouvoirs constitués sont radicalement distincts. Mais de nos jours, la tendance est à la confusion à cause du glissement de la souveraineté populaire vers la souveraineté nationale, théorie défendue avec acharnement par SIEYES. Il reste tout de même que le pouvoir constitué demeure dans son cadre défini par le constituant (1), car c'est le peuple qui peut détenir l'exclusivité de la souveraineté (2). 1- Le pouvoir constitué est un pouvoir de délégation De manière prosaïque, les pouvoirs constitués sont une création du pouvoir constituant. Autrement dit, c'est celui par qui il trouve son existence. Ainsi, les compétences des pouvoirs constitués sont précisées dans la constitution les créant. Les constitutions camerounaises sont explicites là-dessus car, ces prescriptions sont formelles. Ils ne sont pas titulaires des compétences qui leur sont déléguées,152(*) raison de plus, ils ne peuvent les transmettre. Ceci trouve une signification au plan de la théorie juridique parce qu'a-t-on l'habitude de dire souvent qu'on ne peut pas transmettre un droit qu'on n'en a pas. Au plan jurisprudentiel, le conseil constitutionnel français, dans sa décision n° 308, du 9 avril 1992, sur le traité de Maastricht, apporte une précision convaincante en parlant du transfert de compétence au lieu de transfert de souveraineté.153(*) Les pouvoirs constitués sont en outre des dépositaires d'une parcelle de la souveraineté, tout court. Autrement dit, la délégation du pouvoir est la seule prérogative du souverain, telle est à notre sens, l'expression de la toute puissance du constituant qui décide de la création des pouvoirs constitués selon son bon vouloir. 2- L'exclusivité du pouvoir constituant du peuple Le peuple est ici perçu comme la source de tout pouvoir d'où jaillissent les compétences des pouvoirs constitués. Tel est le seul critère de la démocratie souligne JACQUES BEGUENARD.154(*)Il s'agit donc ici d'exprimer la légitimité du pouvoir du peuple dans la perspective substantialiste de la démocratie. Selon l'Académie Française, le peuple « est un ensemble d'hommes vivant en société, habitant un territoire défini, et ayant en commun un certain nombre de coutumes et institutions ».155(*) Le peuple devient ainsi une finalité de pouvoir c'est-à-dire, le pouvoir est au peuple. Les textes constitutionnels camerounais rappellent depuis leur origine que la souveraineté appartient au peuple, qui l'exerce soit par l'assemblée nationale ou le président de la République, par conséquent pouvoirs constitués. L'expression de la démocratie se trouve donc être encrée dans le droit positif camerounais. L'exercice de cette prérogative par voie de délégation à l'exécutif et au législatif est éphémère et transitoire, car sous le strict contrôle en principe du peuple. C'est ce qui fait donc que les pouvoirs constitués soient inséparables de l'ordre statutaire préétabli. B- Le pouvoir constitué est un pouvoir statutairement établi Ces pouvoirs sont cadrés dans la mesure où ils ne s'expriment que dans les limites territoriales d'un Etat (1), et ceci dans la stricte observation de la hiérarchie des normes organiques de cet Etat (2). 1- L'Etat : cadre d'existence des pouvoirs constitués Mesure d'ordre interne à l'Etat, les pouvoirs constitués sont les aspects visibles de l'exercice du pouvoir au sein de l'Etat. Pour GEORGES BURDEAU, les pouvoirs constitués n'existent que dans l'Etat, c'est-à-dire, inséparables de l'ordre statutaire préétabli. Ce sont des pouvoirs étatiques qui permettent à l'institution Etat, de fonctionner. L'établissement des rapports entre ces pouvoirs leur permet de se contrôler mutuellement. La séparation des pouvoirs dont fait le lit la constitution de 1996 est la conséquence d'un principe séculaire des philosophes des Lumières dont le porte-étendard fut MONTESQUIEU, pour qui, la confusion des pouvoirs est source d'insécurité juridique. La séparation des pouvoirs fait état à l'heure actuelle de la collaboration entre les institutions pouvoiristes. Elle est une exigence d'ordre constitutionnel facilitant la bonne marche des affaires étatiques. Moteur de l'expression de la souveraineté du constituant, les pouvoirs constitués exercent leur fonction dans le strict respect de la hiérarchie de l'ordre juridique. 2- La soumission des pouvoirs constitués à la hiérarchie des normes L'ordre juridique étant pyramidal par nature dans l'Etat, les pouvoirs constitués sont astreints à une conformité à la volonté du constituant. Autrement dit, c'est la volonté du peuple rassemblée au sein de la constitution qui doit se ressentir. C'est en ce sens que DOMINIQUE ROUSSEAU défini « La constitution [comme] le principe de réflexion des sociétés humaines »156(*). L'apport de la hiérarchie des normes juridiques est perçu comme la préservation de l'esprit de la constitution, dans le sens de la répartition des compétences dans l'Etat. Ce n'est qu'en ce sens qu'on peut percevoir la distinction entre constituant et constitué. D'où l'institution à certain point de vue de la justice constitutionnelle, aux fins de régulation des conflits entre ces institutions. En tout état de cause, les pouvoirs constitués sont le fruit du pouvoir constituant, et par conséquent ne peuvent se confondre à lui. Leurs compétences se trouvent être juridiquement cadrés. * 151 Eric Olivia, Droit constitutionnel, précité, page 10 et s.. * 152 Nous faisons ici aux observations de F. Luchaire sur l'article 3 de la constitution française de 1946 qui précise qu'aucune section du peuple, ni un individu et les représentants, ne peuvent s'attribuer l'exercice de la souveraineté. (Voir cet article sur la souveraineté, page 452). * 153 F. Luchaire, « La souveraineté », précité, page 457. * 154 Jacques Beguenard, La démocratie : une utopie courtisée ; ELLIPSES ; 1999 ; pages 35-43. * 155 Idem. * 156 Dominique Rousseau, « Question des constitutions »; in Le nouveau constitutionnalisme ; MELANGES ; GERARD CONAC, op.cit., page 3. |
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