La distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun( Télécharger le fichier original )par NENEO KALDAYA Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies option droit public interne 2008 |
PARAGRAPHE II : LES MATIERES NON FONDAMENTALESRELEVENT DE LA LOI ORDINAIRELe droit constitutionnel camerounais résume dans la constitution de 1996 en son article 26 l'ensemble des matières relevant du domaine de la loi. Le législateur se trouve ainsi dans son plein pouvoir de régler les détails des textes prévus et autorisés par le pouvoir constituant. Il s'agit donc ici d'un complément nécessaire relatif aux droits, garanties et obligations fondamentaux du citoyen ; l'organisation politique, administrative et judiciaire ; au statut des personnes et du régime des biens ; la question financière et patrimoniale ; etc. Ces matières sont du domaine du pouvoir d'exercer les différentes compétences de l'Etat (A) et le pouvoir d'ordre intérieur à l'Etat (B). A- Le pouvoir d'exercer les différentes compétences de l'Etat Les pouvoirs constitués sont des pouvoirs d'exercice des diverses compétences juridiques de l'Etat. Ces pouvoirs ne peuvent faire l'objet de délégation au profit d'autres organes sans autorisation claire de la constitution car ces pouvoirs ne leur appartiennent pas en vertu d'un droit propre. Il convient d'examiner dans ce cadre l'exercice des pouvoirs juridictionnel (1) et législatif (2). 1-Le pouvoir juridictionnel en droit constitutionnel camerounais Avant la loi constitutionnelle de 1996, l'autorité judiciaire est encore sous le joug de l'exécutif. Ceci reste la marque de la dépendance constitutionnelle du juge vis-à-vis du pouvoir exécutif. Depuis l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, l'autorité judiciaire est érigée en pouvoir. Il s'agit d'une touche nouvelle apportée à l'ordre constitutionnel camerounais, calqué sur le modèle américain du point de vue du double héritage juridictionnel camerounais.99(*)Le titre V intitulé « Du pouvoir judiciaire » décrit la structure du troisième pouvoir selon la conception de MONTESQIEU. Le pouvoir judiciaire obéit à cet effet à une structure hiérarchique avec au sommet, une cour suprême divisée en trois chambres, 100(*)et les décisions de justice sont rendues au nom du peuple camerounais. Il s'agit donc d'un pouvoir de délégation au même titre que le pouvoir législatif. 2- Le pouvoir législatif au Cameroun Le pouvoir législatif camerounais est un des plus vieux. Il prit naissance avant même l'accession du Cameroun à la souveraineté internationale.101(*)Ce pouvoir a évolué dans le temps, d'abord sous le règne du monopartisme présidentialiste des années 1964 à 1990 et du multipartisme des années 1992. Il faut également signaler l'érection de l'institution en deux chambres depuis la constitution de 1996, quoiqu'il soit jusqu'à présent formel. Le pouvoir législatif est donc l'objet du titre III de ladite constitution. Il s'agit en effet d'un pouvoir constitué dont la compétence est cadrée par le constituant. A l'analyse des différentes constitutions camerounaises, la doctrine est sans pitié pour le pouvoir législatif qui semble se transformer en un législateur constitutionnel. Le problème reste loin de la dérivation du pouvoir102(*) mais plutôt celui d'une crise de la représentativité qui semble se dévouer pour la cause de l'exécutif. C'est le véritable problème d'un mauvais contrôle du gouvernement du à une sorte de confusion de pouvoirs exécutif et législatif103(*). Le fait majoritaire104(*) aidant, l'on assiste à un dérapage lié à la complaisance des deux pouvoirs. Le pouvoir d'ordre intérieur obéit également à ce principe de la non transférabilité de souveraineté, parce que non titulaire105(*). B- Les pouvoirs d'ordre intérieur à l'Etat L'Etat est une institution, une forme politique institutionnalisée selon les termes de JACQUES CHEVALIER,106(*)et obéit à une sorte d'auto-organisation. En effet , l'Etat du point de vue administratif, est un ensemble des services dont le fonctionnement et l'organisation sont régis par des textes infra constitutionnels et législatifs qui sont l'expression du pouvoir réglementaire (1)dont le rôle est circonscrit autour de l'organisation des services internes des institutions étatiques (2). 1- Le pouvoir réglementaire au Cameroun Le pouvoir réglementaire est le pouvoir d'édicter les règlements, c'est-à-dire, les actes de portée générale et impersonnelle édictée par les autorités administratives compétentes. Au sens large du terme, le pouvoir réglementaire est le pouvoir de l'exécution des textes supérieurs dans les services.107(*)Il s'agit ici de la vision purement administrativiste de services. Les textes réglementaires doivent rester dans le strict respect des champs de compétence définis par le constituant. C'est également l'application des textes d'application constitués des ordonnances non encore ratifiées, décrets, arrêtés, circulaires, et notes de service. Ce sont des textes d'organisation des services. 2- L'organisation des services de l'Etat. L'article 27 de la constitution de 1996 dispose que « Les matières autre que celles qui sont du domaine de la loi ressortissent au pouvoir réglementaire ». Le service public dans son sens matériel constitue « toute activité destinée à satisfaire à un besoin d'intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée par l'administration parce que, la satisfaction continue de ce besoin ne peut être garantie que par elle »108(*). Dans son sens formel par contre, le service public est synonyme d'Administration, c'est-à-dire, « un ensemble organisé de moyens matériel et humain mis en oeuvre par l'Etat ou une autre collectivité publique en vue de l'exécution de ses taches »109(*). L'organisation de service relève de la compétence de l'exécutif , pouvoir constitué qui doit agir dans le strict respect de l'acte constituant. Le pouvoir constituant et les pouvoirs constitués sont deux institutions distinctes du point de vue des textes constitutionnels camerounais. Ainsi, de 1960 à 1996 le pouvoir constituant camerounais a su ménager la répartition de ces différents pouvoirs, même si dans la pratique, cette distinction reste quelque peu floue. En effet, la séparation entre pouvoir constituant et pouvoirs constitués semble être embrouillée par des manoeuvres politiciennes. Néanmoins, la scission demeure dans le texte constitutionnel camerounais, notamment en matière de l'édiction de ces différentes institutions. * 99 La double colonisation qu'a connu le Cameroun a fait de lui le « fils adoptif » de systèmes anglo-saxon et francophone, d'où la civilisation duale. * 100 La configuration de la cour suprême selon les dispositions de la constitution de 1996 présente : -une chambre judiciaire -une chambre administrative -une chambre des comptes. * 101 Lire Claude Momo, « Quelques aspects constitutionnels du droit électoral au Cameroun », précité ; page 139. * 102 Magloire Ondoa, « La dé-présidentialisation du régime politique camerounais », SOLON, RAPD, vol 2, n°1, 2003, page 3. * 103 Issa Abiabag, « Le droit d'amendement dans le droit parlementaire camerounais », article précité, page 62. * 104 Idem, page 61.
* 105 François Luchaire, « La souveraineté », RFDC, PUF, n°43, 2000, commentant la décision du conseil constitutionnel français, (DC 308, du 09 avril 1992, Traité de Maastricht), page 457. * 106 Jacques Chevalier, L'Etat, précité, page 5. * 107 Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexiques des termes juridiques, opcit, page 455. * 108 Lexiques des termes juridiques précités, page 489. * 109 Idem. |
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