2. Discussion
2-1. Paramètres biologiques du statut en fer des
femmes en âge de procréer non enceintes et des femmes
enceintes
L'étude menée dans les 3 communes de la ville
d'Abidjan, a montré l'altération en général des
données biologiques d'évaluation du statut en fer dans la
population des femmes en âge de procréer et plus
particulièrement chez les femmes enceintes. Cette altération a
concerné les prévalences de microcytose, d'hypochromie, de la
carence martiale et des types d'anémies. Ces résultats confirment
l'influence de l'état de grossesse sur le statut en fer (Hercberg et
al., 1998). En effet, au cours de la grossesse, l'augmentation du volume
plasmatique, de la masse érythrocytaire et la croissance du foetus
constituent les principaux facteurs responsables de l'altération du
statut martial chez les femmes enceintes (Hytten, 1885 ; Beguin et
al., 1991). Pour Rovinsky et Joffin, les grossesses multiples et
répétées accentuent les modifications physiologiques
observées au cours de la grossesse (Rovinsky et Joffin, 1965). Nos
investigations chez les femmes enceintes des 3 communes de la ville d'Abidjan
indiquent que 77,6 % des femmes ont plus d'une grossesse et 71,4 % de ces
femmes ont un espace intergénésique en dessous de 3 ans. Cela
expliquerait une forte expansion du plasma des femmes étudiées.
En outre, chez ces femmes, les diminutions précoces d'hémoglobine
et d'hématocrite indiquent des véritables changements
physiologiques au cours de la grossesse. De même, les fortes demandes en
fer associées à une forte hémodilution chez les femmes
enceintes justifiant les taux augmentés de microcytose et d'hypochromie
sont conformes aux changements physiologiques. Ces modifications physiologiques
peuvent expliquer le faible taux de femmes présentant un statut martial
normal chez les femmes enceintes. Les valeurs moyennes des données
biologiques des sujets étudiés sont largement en dessous des
valeurs normales de référence (Williams, 1983). Chez les femmes
témoins en âge de procréer, considérées comme
des sujets sains, les résultats de l'étude révèlent
un important taux de prévalence du statut martial anormal. Cela pourrait
être expliqué par l'existence d'un certain nombre de facteurs tels
les syndromes infectieux et inflammatoires responsables de la déviation
et de la séquestration du fer circulant dans l'organisme (Liao,
2004 ; Broek et Letsky, 2000 ; Asobayire et
al., 2001). Des travaux réalisés en Belgique ont
révélé des résultats contraires à ceux
obtenus chez nos sujets sauf le taux d'hématocrite des femmes enceintes
de la ville d'Abidjan (36,3 #177; 3,4 % et 29,2 #177; 0,2 % respectivement).
Cependant, les valeurs des taux d'hématocrite des
femmes non enceintes en Belgique et à Abidjan (36,3 #177; 3,4 % ;
38,8 #177; 3,4 % respectivement) sont semblables (Bégin et al,
1991).
Nos travaux montrent également que les femmes enceintes
présentent un taux de prévalence du statut en fer anormal
(carence martiale et les types d'anémies) plus important que celui des
femmes non enceintes. En Chine, des travaux ont montré de fortes
proportions de carence martiale et d'anémie ferriprive chez les femmes
enceintes que celles chez les femmes témoins (Liao, 2004). Cette
étude confirme la prédominance des taux de prévalence de
carence martiale et de l'anémie ferriprive élevés chez les
femmes enceintes comparativement aux femmes non enceintes. La forte
prévalence du statut martial anormal chez nos femmes témoins
évoque un important effondrement de la taille des réserves en fer
dans la population des femmes en âge de procréer non enceintes.
Cette insuffisance des réserves en fer s'accentue pendant la grossesse,
ce qui justifie le taux de prévalence d'anémie ferriprive 3 fois
plus élevé chez les femmes enceintes. Ces résultats sont
similaires à ceux effectués dans quelques localités de la
Côte d'Ivoire, au Malawi et en Tanzanie (Massawe et al.,
1999 ; Broek et Letsky, 1998 ; Asobayire et al., 2001). Les
syndromes infectieux et surtout l'alimentation au regard des proportions de
transferrine sérique et des capacités totales de fixation
pourraient justifier la présence de l'anémie d'origine
nutritionnelle et des anémies inflammatoires (Dillon, 2000 ; Vernet
et al., 2001 ; Abrams et al., 2006). A cela nous
pourrions associer le fait que plus d'un tiers des femmes non enceintes avaient
au moins un enfant. Par ailleurs, des études réalisées, au
cours du dernier trimestre, chez les femmes enceintes en Côte d'Ivoire,
une supplémentation en fer est prescrite (Sess et al., 1997).
Toutefois, au regard des résultats obtenus dans notre étude, il
est préférable que les femmes enceintes ou non soient
supplémentées en fer afin d'éviter ces taux
élevés de prévalence de carence martiale et des
anémies.
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