DEUXIEME PARTIE : MISE EN OEUVRE DES CDMT EN COTE
D'IVOIRE
Comme nous l'avons vu dans la première partie,
l'exécution du budget de l'Etat relève non seulement des
théories et pratiques mais aussi du droit public, notamment les finances
publiques qui en sont une branche. Des lois et règlements sont
institués pour assurer la bonne gestion des finances publiques dans tous
les pays du monde. Les Etats de l'UEMOA, en se conformant à la
règle, ont élaboré des lois et règlements sous le
nom de «directives« dans le cadre des réformes qu'ils mettent
en place.
Ces directives ont été élaborées
et adoptées en 2009 pour prendre en compte les réalités et
les pratiques en matière de gestion des finances publiques dont la
nouvelle méthode est les CDMT avec application de la GAR dans
l'élaboration des budgets-programmes. En effet, la Côte d'Ivoire,
à l'image de nombreux Etats du monde à procéder à
l'élaboration d'un «guide méthodologique« de la mise en
place des CDMT.
Dans le cadre de l'harmonisation des finances publiques dans
l'espace UEMOA, les directives constituent une référence pour
mettre en oeuvre les procédures. Nous avons remarqué qu'il ya des
matières que chaque Etat doit organiser étant donné que
les directives ne fixent que les grands principes. Ce sont des
éléments comme le dialogue de gestion qui n'ont pas
été codifiés par les directives ou les décrets et
arrêtés nationaux. Cela permettrait la prise en compte de
l'importance du rôle et des fonctions des autres managers publics tels
que les RBOP et les RUO comme ça se passe en France ou en Tunisie.
Dans le cas de notre travail, nous allons alors essayer de
faire une proposition de transposition de cas. Nous pensons que ce qui a fait
ses preuves partout en occident et dans certains pays maghrébins, peut
l'être en Afrique subsaharienne. C'est pourquoi, dans cette
deuxième partie nous allons voir la mise en place des CDMT en Côte
d'Ivoire dans le troisième chapitre et dans le quatrième
chapitre, il sera question des rôles et responsabilités des
acteurs et le dialogue de gestion dans la gestion des programmes.
30
CHAPITRE 3 : MISE EN PLACE DU CDMT EN CÔTE
D'IVOIRE
Sollicité par le Gouvernement ivoirien au cours de
l'été 2008 pour une assistance à la mise en oeuvre d'un
plan de réforme des finances publiques et à la conclusion d'un
programme économique et financier appuyé par la FRPC, le projet
d'appui de l'Union Européenne (UE) a pu démarrer effectivement
à la fin du troisième trimestre 2009.
L'obtention d'un don pour la Gouvernance et le
Développement Institutionnel auprès de la Banque Mondiale (BM) a
permis d'engager déjà à fin 2008, les travaux sur la
réforme des finances publiques avant même la signature d'une FRPC
avec le FMI et la BM en mars 2009.
Ces évolutions ont conduit à une
redéfinition du contenu de l'assistance sollicitée auprès
de l'UE qui s'oriente désormais vers, un appui technique à la
mise en place des CDMT ou DPPD dans les ministères des secteurs sociaux
de l'éducation et de la santé. Ces cadres de dépenses qui
sont des exigences majeures de la FRPC visent une meilleure
traçabilité des ressources budgétaires allouées
à la lutte contre la pauvreté.
L présent chapitre fait le point sur le Contexte et
justification de l'introduction du CDMT ou DPPD en Côte d'Ivoire, de la
situation de la gestion des finances publiques, et de l'introduction des CDMT
ou DPPD en Côte d'Ivoire.
III.1. Contexte et justification de l'introduction du
CDMT ou DPPD en Côte d'Ivoire
Hormis les mesures prises au niveau international et
régional qui obligent le pays à s'y adapter, l'état des
lieux du contexte budgétaire ivoirien justifie la mise en place du CDMT
ou DPPD en Côte d'Ivoire. L'exercice en Côte d'Ivoire telle
qu'initiée en 2009 visait la traçabilité des allocations
budgétaires en faveur des ministères des secteurs sociaux
généralement réputés pro-pauvres : éducation
et santé.
III.1.1. Mesures prises au plan international et
régional
La communauté internationale ayant constaté que
la dette des PVD était devenue insoutenable, il fallait chercher des
voies et moyens pour sa résolution. C'est pourquoi le FMI a lancé
l'Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) en 1996
(renforcée en 1999) en réponse au constat fait par la (plans
Baker et Brady) que la crise de la dette ne pourra se résoudre que par
une substantielle annulation de celle-ci. L'objectif visé est de ramener
la charge de la dette à un niveau soutenable grâce à des
programmes d'ajustement macroéconomiques et des réformes
structurelles appuyés par le FMI et la Banque Mondiale.
Puisque la Côte d'Ivoire faisait partie de ces pays,
elle a adhéré à cette initiative en raison de son de son
niveau d'endettement. Le Gouvernement devait saisir cette opportunité
pour faire une réaffectation dans le financement des besoins des
secteurs sociaux après annulation ou allégement. C'est pourquoi
le Document de Stratégies pour la Réduction de la Pauvreté
(DSRP) a été adopté et le point de décision de
l'Initiative PPTE fut atteint dans le courant du premier trimestre de
l'année 2009.
Les efforts furent fournis pour l'atteint du point de
décision qui ont eu pour conséquence allègement
substantiel de la dette de la Côte d'Ivoire de 4 090,0 milliards de F CFA
annulés
31
sur un stock de 6 373,9 milliards de FCFA soit un taux
d'annulation de 64,2%. Il ressort un stock restant de 2 283,9 milliards de F
CFA33, (cf graphique 1 ci-après).
Source : Fait par l'auteur à partir des Données de
la Direction Générale du Trésor et de la
comptabilité Publique (DGTCP°
Avant l'allégement, le service de la dette était
estimé à 500 milliards de FCFA en moyenne par an, soit un tiers
(1/3) du budget; les investissements publics n'étaient que de 10% des
dépenses d'investissements du budget et la capacité de paiement
de l'Etat était fortement dégradée, elle était de
56%, (cf. graphique 2 ci-après)
En effet, après cet allégement, le pays a
bénéficié d'une forte réduction du service de la
dette extérieure qui passe en moyenne de 500 milliards de FCFA à
environ 230 milliards de FCFA, soit une réduction annuelle de 53%.
n
Source : Fait par l'auteur à partir des Données de
la Direction Générale du Trésor et de la
comptabilité Publique (DGTCP)
lus de cette réduction du service de la dette il a aussi
l'amélioration des ratios
p , y
C
d'endettement. Le rapport stock dette extérieure sur
PIB passe de 51% à 18% après allègement, pour une norme de
40%. Le rapport du stock de la dette extérieure sur
33 Direction Générale du Trésor
et de la comptabilité Publique de Côte d'Ivoire .
32
exportations est passé de 160% à 37% pour une
norme de viabilité de 150%. Le rapport du stock de la dette
extérieure sur recettes budgétaires est passé de 327%
à 97%, pour une norme de 250%. Le rapport dette publique totale sur PIB
ressort à 36% pour une norme communautaire de 70%34.
Pour y arriver, il ya des préalables à savoir :
(i) l'exécution satisfaisante des programmes soutenus par le Fonds
Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) ; (ii)
l'exécution satisfaisante des réformes fondamentales convenues au
point de décision ; (iii) l'exécution pendant au moins un an du
DSRP.
Il est recommandé une bonne gestion des affaires
publiques pour parvenir aux meilleurs résultats dans le cadre de
l'Initiative PPTE, comme l'indique le FMI35, en ce qui concerne le
point trois: « la nouvelle approche privilégie les mesures
publiques destinées à permettre aux pauvres de tirer meilleur
parti de la croissance, les programmes de dépenses publiques vont
être redéployés en faveur de ces derniers. Cela devrait se
traduire par une augmentation des dépenses dans les secteurs de
l'enseignement et de la santé primaires, ou de la production et de
l'infrastructure rurale. A cet effet, la manière dont les fonds sont
dépensés importe tout autant que leur volume car une mauvaise
gestion publique réduit l'impact potentiel de la croissance sur la
pauvreté. L'accent est donc davantage mis sur la transparence, la
responsabilité et la qualité de la gestion des affaires publiques
»
Alors, des CDMT ou DPPD ont été
élaborés comme première activité dans les
ministères chargés de la lutte contre la pauvreté. Ils
constituent un instrument permettant de faire le lien entre les politiques de
développement et leur traduction budgétaire. C'est ainsi
qu'après la Déclaration de Paris de mars 2005, en 2010, 75 % des
pays partenaires devraient avoir des priorités stratégiques
claires se rattachant à un CDMT ou DPPD et comptabilisées dans
les budgets annuels.
Au niveau régional, en matière
budgétaire, l'élaboration par l'UEMOA du cadre juridique des
finances publiques est une mutation pour tenir compte des normes
internationales. Les nouvelles directives du cadre harmonisé des
finances publiques de juin 2009 prévoient deux (2) phases essentielles :
(i) la transposition des directives au niveau des cadres juridiques nationaux,
au plus tard le 31 décembre 2011 ; (ii) l'application intégrale
de l'ensemble des mesures promues par ces Directives au plus tard le 1er
janvier 2017 ; avec une période supplémentaire de deux (2) ans
pour les Etats qui le souhaitent, en ce qui concerne l'application des
règles et procédures découlant des principes des droits
constatés.
A l'instar des autres pays membres de l'UEMOA, la Côte
d'Ivoire, a pour obligation d'adapter son cadre juridique suivant les
dispositions contenues dans les nouvelles directives notamment celles relatives
au passage d'un budget annuel à une programmation pluriannuelle du
budget de l'Etat (cf encadré 2 au chapitre 1 ou
encadré 3 en annexe 2).
34 Toutes ces statistiques sont de DGTCT-CI
35 Extrait du Discours de M. Eduardo Aninat, Directeur
général adjoint du FMI, devant le Développent Policy
Forum, Berlin, 15 juin 2000
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