III. QUELLES RECOMMANDATIONS
On le voit, si chacune de ces deux hypothèses vise
à expliquer un aspect du paradoxe, aucune d'entre elles ne justifie
valablement l'absence du récit et des écrits sociaux des
enseignements et de l'évaluation certificative.
Dans les recommandations que cette troisième partie se
propose de développer, nous retiendrons d'abord de voir comment la
perspective générique et la mise en relation des
différents textes, en aidant à faire réintégrer
dans les apprentissages le récit et les écrits sociaux, en fait
du coup des objets d'évaluation. Nous nous intéresserons ensuite
à travers une fiche à quelques stratégies pour aider les
élèves à mieux développer la compétence
« lire des consignes ».
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2. CHANGER LA DIDACTIQUE DES TEXTES POUR CHANGER LE
MODE
D'EVALUATION
La question, à ce niveau, est de savoir ce qu'il faudra
entreprendre pour que tous les types de textes induits par la compétence
d'écriture attendue en fin de cycle moyenne soient totalement pris en
charge par les épreuves proposées.
a. Envisager la production sous l'angle
générique
Bernard Delforce, dans son article « Du mode d'existence
sociale des objets langagiers : écrits scolaires, écrits sociaux
»21, montre qu'une certaine conception de la didactique de
l'écrit a confondue dans une même continuité la
compétence à écrire tous les types de textes. Dans une
telle conception, « savoir écrire une dissertation, c'est savoir
écrire les autres types de textes » et donc « évaluer
la compétence à écrire une dissertation revient à
évaluer toute la compétence d'écriture ».
Cette façon de voir repose sur l'hypothèse que
« la connaissance de la langue est le seul irréductible
préalable à l'écriture, à toutes les
écritures » et se lit dans les conséquences suivantes :
- Le passage entre l'apprentissage de l'écriture
à l'école et son utilisation en contexte social n'est pas
perçu comme problématique pour exiger un enseignement
séparé de ces différents types de textes.
- les productions d'écrit demandées n'ont
d'autre but, en définitive, que de vérifier la
bonne connaissance de la langue et de fournir des occasions et
des prétextes - interchangeables - pour appliquer les connaissances
acquises et s'entraîner à écrire. Après quoi, cette
capacité à écrire, parce que générale,
trouvera à s'actualiser sans peine dans toutes sortes d'écrits
sociaux.
- la dimension générique des textes n'est pas
prise en compte dans les apprentissages. La didactique ne s'interroge pas sur
la diversité et les différences entre les types d'écrits
à l'école puisqu'il ne s'agit jamais, dans cette conception, que
de trois façons de mettre en oeuvre une compétence en langue.
21 Études de
communication, 11 | 1990, 89-107.
30
Pour rompre avec une telle façon de voir, il nous
semble nécessaire de poser la problématique de la production des
deux types d'écrits « oubliés » en
3ème sous l'angle de la référence
générique.
A ce titre, on pourrait d'abord penser qu'en les amenant
à des niveaux de production plus complexes et plus exigeants, comme par
exemple produire un texte référé à un genre
littéraire ou journalistique ou en explicitant davantage la situation de
production, professeur et élèves pourraient retrouver un
surcroît de motivation dans la noblesse que confère le genre et
les difficultés à produire un texte aux conventions
génériques clairement établies. Et en
réalité, il faut convenir que le statut
d'élève-auteur auquel s'attache la production d'un conte
fantastique ou d'une fable ou celle d'un article de presse est bien plus
valorisant que le statut d'élève scripteur auquel confine la
rédaction traditionnelle, surtout lorsque la consigne dit «
à l'image de Birago Diop ou de Jean de la Fontaine » ou
« à la manière du journaliste tel... ».
Rien ne s'oppose à cela car, n'est-ce pas le professeur
qui décide à travers la consigne, de l'objet de l'imagination, du
cadre, des acteurs, des circonstances de l'action et même de l'action
principale ? Cette stratégie didactique faciliterait la
réintroduction de ces types de textes dans les apprentissages et
obligerait le concepteur d'épreuves à les prendre en charge dans
l'évaluation certificative.
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