Chapitre II
Le continent noir dans la poésie
négro-africaine
La littérature coloniale a largement vulgarisé une
image absolument négative du
continent noir. Les poètes noirs de la diaspora comme
ceux de l' « Afrique noire » ont dans leurs oeuvres tenté
de corriger cette représentation de l'Afrique en développant un
discours en rapport avec leur situation historique.
II.1 Les poètes de la diaspora et l'image de
l'Afrique
II.1.1 Une expression nostalgique
La nostalgie du continent noir est un thème majeur dans
la poésie négro-africaine, en particulier dans les oeuvres des
poètes de la diaspora. Elle semble
1 Fanoudh - Siefer (Léon), op. cit. p.64
2 Chevrier (Jacques), dans Notre librairie
n°90, op.cit, p.16
3 Chevrier (Jacques), dans Notre librairie,
n°90, op.cit, p.65
16
cristalliser tous les discours, comme aussi toutes les
manifestations qui ont aidé en Amérique, aux Antilles, à
entretenir une image positive de l'Afrique.
En fait il s'agissait pour les auteurs de réagir contre
l'idéologie esclavagiste, c'est-à-dire d'opposer le continent
noir aux réalités d'un vécu de tensions sociales, de
discrimination raciale.
A remarquer que les poètes de la diaspora que nous
évoquons ici n'ont souvent, au moment où paraissent leurs
oeuvres, qu'une connaissance livresque de l'Afrique, de cette Afrique-là
même dont parlent certains explorateurs et ethnologues avertis. Le
continent noir, pour eux, est non seulement une patrie mais surtout «
le lieu même où se subliment l'espoir et la foi de l'homme
»1 « une terre de bonheur infini
»2, celui d'un peuple qui vivait, comme le disait
Aimé Césaire, « sous les hautes futaies de l'innocence
»3 .
L'Afrique, dans l'imaginaire des auteurs, est un paysage qui
rappelle le paradis perdu. C'est l'origine, la terre des Ancêtres que
René Belance revendique dans son poème « Couvercle »
:
« Je porte en mes yeux la nostalgie de mes
déserts perdus. J'ai mes racines lointaines que perd la
frondaison.»4.
En effet, le monde lointain des Ancêtres dont parlent les
poètes se présente comme un univers de traditions
harmonieuses5. C'est un univers dont l'évocation «
réveille l'espérance »6, en un mot toute
une mythologie sur l'Afrique, chargée d'images qui renvoient aux
idées de résurrection, de rédemption, idées
chères à ces poètes noirs «
déportés aux Etats-Unis et aux Antilles
»7.
1 Nkashama (Pius Ngandu), La littérature
africaine écrite, Paris, Ed. Saint-Paul, Coll. Comprendre, 1979,
p.27
2 Nkashama (Pius Ngandu), op.cit., p.27
3 Césaire (Aimé), Soleil Cou
coupé, 1948, « La pluie », in Anthologie de L. S.
Senghor, op.cit., p.74
4 Belance (René), Luminaires, 1941,
« Couvercle », poème in Anthologie de L. S. Senghor,
op.cit., p.130 5Nkashama (Pius Ngandu), op.cit., pp.23 - 24
6Nkashama (Pius Ngandu), op.cit., p. 24 7 Nkashama (Pius
Ngandu), op.cit., p. 27
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