I.1. 2. Aimé Césaire
Comme Senghor aime à le dire, à le rappeler, le
mot Négritude, c'est Césaire qui l'a forgé.
Le poète et dramaturge martiniquais la définit
comme « la simple reconnaissance du fait d'être noir, et
l'acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de
notre culture »5.
Il s'agit, à travers la Négritude, de
revendiquer le passé et la dignité de l'homme de race noire, de
manifester son originalité culturelle, c'est-à-dire ce que
Jean-Paul Sartre appelle « l'être-dans-le-monde du Nègre
»1.
1 Léopold Sédar Senghor,
Liberté I, II, III, IV, Paris, Ed. du Seuil, 1964.
2 Sartre (J.-P.), L'Existentialisme est un
humanisme, Paris, Nagel, 1946
3 Tétu (Michel), La Francophonie, Paris,
Hachette, 1988, p.144
4 Tétu (Michel), La Francophonie,
op.cit., p.144
5 Césaire (Aimé) cité par Paul
Désalmand, 25 Romans clés de la littérature
négro-africaine, Paris, Hatier, 1981, p.11
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La Négritude comme idéologie n'est pas racisme.
En même temps qu'elle est expression de l'authenticité, elle est
désir de vivre dans un monde de solidarité, de fraternité,
par conséquent dans un monde d'amour.
« Partant de la conscience d'être noir,
précise Aimé Césaire, (...) la Négritude
est la simple reconnaissance de ce fait, et ne comporte ni racisme, ni
reniement de l'Europe, ni exclusivité, mais au contraire une
fraternité entre tous les hommes »2.
I.1.3. Léon-Gontran Damas
Pour parler de la Négritude, Damas fait souvent
référence à la situation qui était, à
l'époque, celle des Noirs vivant au Quartier Latin, situation qui avait
amené un groupe d'étudiants africains et antillais à
créer L'Etudiant noir, un périodique dont il était
co-fondateur avec Césaire et Senghor.
Il s'agissait, à travers ce périodique «
de mettre fin au système clanique en vigueur au Quartier Latin (et
de) rattacher les Noirs à leur histoire, à leurs traditions et
leurs langues »3.
En cela, la Négritude pour le poète guyanais,
est l'expression d'une prise de conscience, celle des Noirs par rapport aux
injustices de l'histoire.
« Le terme " Négritude" qui couvre aujourd'hui
une plus vaste compréhension, revêtait des significations bien
précises au cours des années 1934 - 1935, à savoir que le
Noir cherchait à se connaître, qu'il souhaitait devenir un acteur
historique, un acteur culturel et non point simplement un objet de domination
ou un consommateur de culture »4.
Cependant, précise Damas, la Négritude,
même si elle est volonté de réhabiliter le patrimoine
africain, n'invite pas les Noirs à se replier sur eux-mêmes.
« Il n'était nullement de notre intention de ressusciter une
Afrique du
1 Sartre (J.-P.), « Orphée noir »,
p.XXIX, in Anthologie de L.S.Senghor, op.cit.
2 Césaire (Aimé) cité par Paul
Désalmand, 25 Romans clés de la littérature
négro-africaine, op.cit., p.11
3 Damas (L-G), cité par Jacques Chevrier,
Littérature africaine, Paris, Hatier, 1987, p.14
4 Damas (L-G), cité par Daniel Racine,
Léon -Gontran Damas, l'homme et l'oeuvre, Présence
Africaine, 1983, p.189
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passé, de transformer l'avenir en une sorte de
musée. Mais nous pensons que la vie ne pouvait être fondée
que sur une prise de conscience du passé, une prise de conscience
claire, critique et certainement sélective »1.
Cette prise de conscience, considère Damas, en
elle-même, est positive ; elle a été le point de
départ qui a aidé l'homme noir a approcher l'universel, ce point
qui a permis la jonction des civilisations européenne et africaine. En
effet : « Il n'y a rien de plus anti-africain que le racisme, que la
haine de l'autre, que le refus de l'autre »2.
L'auteur de Pigments et de Black
Label3 montre que l'histoire ne peut nier cette attitude du Noir
vis-à-vis de l'autre.
« Depuis le Moyen âge, tous les explorateurs
ont découvert cette ouverture de la nature essentielle de l'homme noir,
orienté vers l'universel, vers tous les courants étrangers
quelles que soient leurs origines. Et je crois, maintenant plus que jamais, que
c'est ce qu'il nous faut »4.
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