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La transgression des lois du mariage dans " le fils d'Agatha Moudio " de Francis Bebey

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par Arnaud Tcheutou
Université de Douala - Cameroun - Maitrise 2007
  

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LA STABILITE DANS LE FLIRT.

CHAPITRE I :

18

Ce chapitre peut sembler embarrassant en raison de la valeur qui y est défendue. Puisque la fidélité examinée au chapitre trois est aussi un gage de stabilité. Pourtant, la place de cette analyse est justifiée en ce sens qu'il établit une distinction entre l'instabilité d'un marié et celle d'un célibataire. Nous estimons que l'infidélité désigne le caractère instable d'un époux tandis que si l'union des conjoints est illégitime, il sied de parler de frivolité. Le contraire de la frivolité étant à notre sens la stabilité même si ce terme peut revêtir plusieurs connotations. La colère d'Agatha et le fait qu'elle ne soit plus disposée à rencontrer régulièrement Mbenda23 après qu'elle s'aperçoit que les parents de ce dernier sont en pourparlers pour son mariage avec Fanny, sont les deux attitudes qui renseignent sur l'interdiction de la frivolité dans le récit. En effet, après s'être rendue compte que La Loi « [allait] prendre pour femme la petite Fanny, elle ne retint plus sa colère »24 (FAM 93). Par la suite, puisque ce dernier « [est] marié aux yeux de tout le monde, Agatha ne se [met] plus à [sa] disposition comme autrefois. » (FAM, 93). Ainsi, l'intrigue valorise la stabilité des personnages même en dehors du cadre institutionnel du mariage. Notre souci dans ce chapitre est de démontrer que même quand les conjoints ne sont pas mariés, le sérieux est recommandé. C'est ce qui justifie le fait que Maa Médi s'interpose à toute relation entre son fils et Agatha parce que cette dernière est frivole. Pourtant Mbenda brave cet interdit. Trois actes le démontrent. L'analyse s'attarde d'abord sur le rendez-vous problématique qu'il donne à la prostituée25 ; ensuite au scandale qu'il provoque ; enfin au concubinage que les deux entretiennent malgré tout.

23- Mbenda et Agatha entretiennent un flirt (FAM, 17-94).

24- Agatha manifeste sa colère en cassant tout chez Mbenda. Le narrateur précise qu'elle « ne repartit chez elle qu'après avoir cassé [...] les trois verres et les cinq assiettes en porcelaine constituant le grand complet de [sa] vaisselle de célibataire. » (FAM, 93).

25- la frivolité d'Agatha s'apparente à la prostitution. Ses randonnées au quartier européen, c'est-à-dire des nantis, le démontrent (FAM, 21).

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I.1- Le rendez-vous problématique avec la prostituée.

La bravade de Mbenda commence par une invitation audacieuse qu'il fait à Agatha. Il est important de relever, pour déplorer cet acte, qu'il habite dans la même concession que Maa Médi ; même si chacun a son propre domicile. C'est donc sous le nez de sa mère qu'il fait venir la fille honnie. Cette invitation lui fait plus de mal que de bien. C'est ce qui justifie son remord. L'espoir que Mbenda, en tant que fils unique, représente pour sa mère, l'amène à s'interroger sur les motivations qui l'ont poussé à donner rendez-vous à la fille dans la concession familiale :

« J'étais son fils, le seul vrai cadeau qu'elle eût jamais reçu du ciel, la seule personne aujourd'hui, sur qui elle pût compter. Je représentais tout pour elle, et je ne devais pas la décevoir et pourquoi avais-je donné rendez-vous à Agatha chez moi, presque sous les yeux de ma mère, alors qu'il était convenu que je ne m'occuperais pas de cette fille ? » (FAM, 50).

Le remord qui se dégage de ce propos indique la prise de conscience, par le locuteur, du drame qu'il a commis. La présence de la fille chez lui à un moment qu'il estime non indiqué, le plonge dans un sentiment mitigé qui l'amène à vouloir écourter son séjour :

« Agatha entra et se mit à me faire réfléchir : qu'allait dire Maa Médi si elle trouvait cette fille chez moi seule avec moi ? [...] Mais aujourd'hui, un dimanche après-midi où tout le monde était au village, ce n'était pas le jour à choisir pour me rendre visite, bien que la présente visite me combla littéralement de joie. -Il ne faut pas que tu restes longtemps ici, dis-je à Agatha, non, il ne faut pas... » (FAM, 17).

Seulement ce discours est une forme d'ironie dans la mesure où c'est Mbenda qui est l'instigateur du rendez-vous. Aussi, dans la mesure où les deux ont utilisé un moyen pour se mettre à l'abri de tout soupçon. Dans le but de se soustraire du regard des autres, Mbenda et Agatha utilisent un moyen pour détourner l'attention des habitants du village. Avant de s'amener chez son amant, Agatha a au préalable, versé une bonne poignée de sel de cuisine au feu, question de faire tomber une grande pluie qui devrait empêcher les autres de se rendre compte de sa présence chez celui-ci. Cette opération paraît efficace en Afrique et notamment chez les Duala en matière de stimulation d'un déluge. La fille de Moudio l'a expérimentée et le résultat a été satisfaisant :

«Agatha Moudio avait pris ses précautions avant de venir me rendre visite : elle avait jeté toute une poignée de sel de cuisine dans le feu. A Douala, tout le monde sait fabriquer la pluie : il suffit de brûler un peu de sel, et aussitôt le ciel se déclenche

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comme au temps de l'Arche de Noé. Pas de ces pluies insignifiantes, auxquelles résiste le premier imperméable venu. Non, de la vraie pluie de saison, de l'eau du ciel tombant en grosses gouttes serrées, et plus personne n'ose plus sortir » (FAM, 17).

La tactique est si réussie que les amoureux se sentent en sécurité et à l'abri de tout regard:

« Je [savais] que c'était elle qui faisait pleuvoir afin d'empêcher le village de s'inquiéter de sa présence chez moi. Maintenant, il n'y avait aucun danger que Maa Médi, qui habite deux maisons derrière la mienne, vint remarquer d'elle-même qu'Agatha était chez moi » (FAM, 18).

Pourtant, le manège s'avère vain car l'objectif n'est pas atteint. Tout le village est au courant de la présence d'Agatha chez Mbenda ce dimanche. Dans cette localité, les informations circulent à la borne-fontaine le matin. Les femmes se racontent des ragots en attendant que leurs cuvettes se remplissent. Le lendemain du rendez-vous, la mère Mauvais-Regard qui a d'« autres yeux » qui lui permettent de voir même dans l'au-delà, renseigne ses consoeurs :

« Et ce matin-là, [...], à la borne-fontaine, la mère Mauvais-Regard était en train de raconter à qui voulait bien l'entendre tout ce qu'elle savait des derniers événements du village ; et naturellement, à la une de son journal parlé matinal, il y avait la scandaleuse visite que la veille Agatha m'avait rendue avec la tranquille assurance de n'avoir été vue par personne » (FAM, 50).

Cette nouvelle irrite Maa Médi lorsqu'elle l'apprend et elle le manifeste. Dès que la mère de Mbenda est informée, elle rentre dans une grande colère, se sentant trahie par son fils : « Maa Médi était elle furieuse contre moi, ce qui se conçoit bien...» (FAM, 50). Tout compte fait, le manège de La Loi se révèle inefficace. Il opte pour une autre stratégie même si elle est plus risquée.

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