Les soignants et leur téléphone portable à l'hôpital( Télécharger le fichier original )par Frédéric GRIPON Université de Caen Basse- Normandie - Master 1 des sciences de l'éducation option éducation, mutations, formation 2012 |
2.3 - un outil de partage de la vie privée2.3.1 - Un outil convivial de partageNous avons vu que le téléphone portable dans sa fonction de lien avec la famille et les proches amène les soignants à s'isoler pour en faire usage. Mais notre enquête montre également qu'il peut être un outil d'échange et de convivialité pour l'équipe en devenant un média interactif entre ses membres. Les cadres sont bien évidemment exclus de ces pratiques, du fait qu'ils n'ont pas leur téléphone avec eux dans le service et qu'ils sont des utilisateurs de téléphones basiques. Ce temps d'échange est concentré sur les « moments de creux dans l'activité » ou lors « de la pause. » pour les quatre soignants interrogés. Samia explique : « Alors les temps de pause tournent pas mal autour du téléphone parce que tout le monde en profite pour consulter son portable et compagnie donc y'a peut-être un peu moins d'échanges, mais en même temps, on échange autour de ce qu'on a reçu [...] Euh, en fait la pause se fait avec un portable à la main. (Rires) Et voilà [...] des photos qu'on prend ensemble, qu'on échange et ça peut aussi être le 79 partage de blagues, de choses comme ça, de la musique [...] voilà (rires) on s'échange des petits trucs heu (rires), des données, des applications, on parle de ce qui nous a touché, intéressé.» Le risque de perte d'échanges informels entre les soignants est tout de suite tempéré dans ses propos par la capacité des Smartphone à ouvrir d'autres discussions et offrir un nouveau support de distraction. Le ton avec lequel chaque soignant relate ce mode d'utilisation du téléphone mobile, les rires fréquents qui accompagnent leurs descriptions laissent à voir qu'ils partagent là un bon moment, une réelle complicité de détente propre à leur permettre de s'échapper et pourquoi pas de décharger leurs tensions liées à l'activité. Pour Carine « ça peut se faire à un moment où il n'y a pas trop de boulot, en salle de pause quoi. De la musique c'est rare, mais sinon, oui ça peut être des applications, des choses comme ça, ça peut m'arriver, même d'ouvrir vite fait le réseau social Facebook pour montrer euh, je sais pas, par exemple un message ou la photo de quelqu'un euh oui ça peut m'arriver, mais bon là c'est quand il n'y a pas de boulot. » et pour Chloé, il semble que cela soit une pratique très fréquente : « Ah oui, encore tout à l'heure-là, y'a 30 mn là (rires) ouai, [...] à des moments de calme quoi [...]on était 12 en salle de réveil, on avait tous finis notre journée, on se met à discuter de trucs, pas forcément du boulot hein et on dit tiens X a accouché, je te montre la photo de sa petite fille, vous voyez ce genre de chose. Du coup comme on discutait bien, j'ai pris les gens en photo vu qu'on était nombreux, j'ai des applications pour vieillir donc on se détend un peu comme ça [...] » Il en va ainsi également pour Laurent qui l'utilise en salle de pause ou en attendant que les transmissions ne commencent lors de la relève : « Ben souvent c'est pour montrer les photos des enfants, ou euh, des vacances, généralement c'est principalement ça, c'est pour montrer des photos, ou alors pour... pour euh "tiens, regarde j'ai vu ce matin sur 20mn.fr qui s'était passé ça, pour montrer l'article ou quelque chose comme ça [...], d'échanges de sonnerie ou des jeux aussi, quand on repère un jeu qu'est pas mal heu, on a tendance à dire tiens y'a celui-là qu'est pas mal, on a tendance à partager. » 80 La convivialité de ces échanges nous montre la bivalence du téléphone portable : à la fois outil de partage autour de centres d'intérêts communs ou d'une partie choisie de la vie privée et outil de communication intime avec la famille et les proches. |
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