Section 2 : Épargne et longueur de l'horizon
décisionnel : les trois modèles fondateurs
Les développements théoriques au cours des
trente dernières années ont conduit à distinguer, à
l'instar de Kessler et Masson (1989), trois modèles successifs de
comportement selon la longueur de l'horizon décisionnel : le
modèle myope à horizon court, le modèle de cycle de vie
à horizon long et borné et le modèle dynastique ou
hypermétrope à horizon infini. Les théories
diffèrent dans la manière dont elles expliquent le comportement
observé du consommateur et dans leurs prédictions suivant les
effets des politiques publiques sur les comportements individuels
d'épargne.
Par exemple l'augmentation des impôts, l'augmentation
des taux d'intérêt nominaux, ou une croissance de l'offre de
monnaie affectent toujours la consommation des ménages selon la
théorie keynésienne, mais les deux autres approches
prédisent que ces politiques ont forcement d'effets sur la consommation
des individus à moins qu'elles s'opèrent de façon
inattendue et imprévisionnelle.
2.1. Le modèle myope keynésien : la
théorie du revenu courant
Le modèle myope fut proposé par Keynes dans la
Théorie générale :
"La loi psychologique fondamentale [...] c'est qu'en
moyenne et la plupart du temps, les hommes tendent à accroître
leur consommation à mesure que le revenu croît, mais non d'une
quantité aussi grande que l'accroissement du revenu" (Keynes, 1936,
chap 8, p. 98).
Keynes, le premier, nourrit le débat sur les
déterminants de l'arbitrage consommation/épargne, en affirmant
que le niveau de chacun est déterminé par le revenu courant. Il
écrit, ainsi, au chapitre VIII, de la Théorie de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie, " E...] les hommes tendent
à accroître leur consommation à mesure que le revenu
croît, mais non d'une quantité aussi grande que l'accroissement du
revenu ". Il fonde par là même, ce qu'il qualifie de loi
psychologique fondamentale.
La fonction de consommation keynésienne, montre que
l'épargne est une fonction croissante du niveau de revenu. Cela signifie
que pour un revenu nul, l'épargne est négative ; l'agent
désépargne pour financer la consommation incompressible. Keynes
expliquait que le revenu courant était le déterminant le plus
important de l'épargne individuelle et les individus à faible
16
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
revenu ne peuvent pas épargner. C'est pourquoi la
fonction d'épargne keynésienne dans sa forme la plus commode est
linéaire avec une propension marginale à épargner
constante. De même, Keynes (d'après Modigliani, 1986)
prédisait que la propension moyenne à épargner du
ménage augmenterait lorsque le ménage atteint un niveau de revenu
plus élevé. Le niveau du revenu courant (permanent ou
transitoire) a un impact positif sur le taux d'épargne (Rossi, 1988).
Ce modèle se caractérise par un horizon temporel
court, borné. Confronté à des revenus instables, le
ménage vit au jour le jour et ne prend pas en compte les
événements susceptibles d'intervenir au-delà de cet
horizon. Ses choix de consommation sont guidés par la
nécessité du moment ou par les habitudes, et il n'épargne
pas ou peu, essentiellement pour la transaction ou la précaution. Il vit
sans projet d'accumulation bien défini autre que la préservation
de sa richesse actuelle, éventuellement héritée.
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