Chapitre 2: Revues théorique et empirique sur la
problématique de l'épargne
L'épargne est un concept difficile à
appréhender. Longtemps considérée comme le résidu
entre revenu et consommation, elle a ensuite acquis une existence autonome,
répondant à des déterminants et des motifs propres,
d'ordre microéconomique et macroéconomique. A la suite de Keynes,
Browning et Lusardi (1996) ont recensé au moins neuf motifs
d'épargne différents4.
Le motif de cycle de vie pousse les ménages actifs
à accumuler un patrimoine qui sera ensuite consommé après
le départ à la retraite. Le motif de précaution conduit
plutôt le ménage à accumuler un patrimoine lui permettant
de s'assurer face à des baisses temporaires de son revenu, mais avec un
horizon plus court (quelques mois ou quelques années) que dans la
théorie du cycle de vie. Enfin, le motif dynastique conduit à un
profil de taux d'épargne ascendant en fin de vie, contrairement au motif
cycle de vie, car les ménages cherchent à accumuler du patrimoine
en vue d'une transmission sous forme de donation ou de legs (Browning et
Lusardi, 1996).
Par ailleurs, l'existence de taux d'épargne
différents sur le capital et sur le travail contribue indirectement
à légitimer l'un ou l'autre des motifs. Un taux d'épargne
élevé sur le capital en fin de vie légitime le motif
dynastique, un taux d'épargne élevé sur les revenus du
travail et faible sur les revenus du patrimoine, légitime plutôt
le motif cycle de vie ou de précaution.
Section 1 : Deux visions opposées du rôle
de l'épargne
Selon les classiques, l'objectif des ménages qui
épargnent est d'obtenir une consommation plus grande demain en
renonçant à une consommation aujourd'hui. Cet objectif est
automatiquement atteint si l'épargne d'aujourd'hui est effectivement
investie dans le
4 Motif de précaution (épargner pour
faire face aux imprévus), motif de cycle de vie (épargner pour
subvenir à ses besoins après le départ à la
retraite), substitution intertemporelle (tirer parti du rendement des actifs
financiers), amélioration des conditions de vie, motif d'investissement
ou esprit d'entreprise, motif d'héritage (préparer une
transmission sous forme de donation ou de legs), épargne
préalable (en vue de l'achat d'un logement, ou d'un bien durable),
indépendance financière, avarice.
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
développement de nouvelles capacités de
production. L'accroissement du stock de capital permet de produire davantage de
biens et de services dans le futur. Les revenus perçus par les
ménages les autorisent à terme à consommer plus.
L'équilibre épargne-investissement est, selon les classiques,
obtenu au travers de la variation des taux d'intérêt et le taux
d'épargne augmente avec le taux d'intérêt alors que le taux
d'investissement se réduit. Selon les keynésiens, est un
résidu de consommation dont le flux d'épargne est
déterminé par le flux d'investissement. Étant
vérifiée pour toute période et quelles que soient les
conditions du marché, c'est-à-dire, en particulier, quel que soit
le niveau des taux d'intérêt, la relation entre l'épargne
et l'investissement peut difficilement être interprétée
comme une relation d'équilibre.
Les entreprises contribuent à l'équilibre entre
flux d'épargne et d'investissement au travers des mécanismes de
fixation des prix et des stocks. Si la demande est excédentaire à
l'offre, les stocks se réduisent (l'investissement diminue) et les prix
augmentent de même que l'épargne des entreprises. L'augmentation
des prix pour un taux nominal d'épargne des ménages donné,
freine la demande de consommation et augmente l'épargne des entreprises.
En cas d'offre excédentaire à la demande, les stocks augmentent,
les prix évoluent moins rapidement que les coûts et le flux
d'épargne des entreprises se contracte.
Dans son analyse de la croissance à long terme, Harrod
(1948) montre qu'il existe un taux d'épargne permettant une
évolution de la demande compatible avec l'évolution de l'offre de
main-d'oeuvre pour une technologie donnée. Si le taux d'épargne
est trop élevé, la croissance de la demande sera
inférieure à la croissance de l'offre de main-d'oeuvre pour cette
technologie et le chômage apparaît. De même, si le taux
d'épargne est trop faible, le taux de croissance de la demande est trop
élevé et des pénuries de main-d'oeuvre apparaissent.
Si l'étude de la fonction d'épargne trouve bien
son origine chez Keynes, ses propositions initiales ont été
largement discutées, enrichies et même infléchies.
L'analyse initiale reliait l'épargne d'une période au revenu
perçu au cours de cette même période. Depuis, la prise en
compte des phénomènes de mémoire d'une part,
d'anticipation d'autre part conduit à mettre en évidence le
rôle des patrimoines et donc à intégrer dans l'analyse le
rôle des stocks, alors que Keynes avait privilégié
l'analyse en termes de flux.
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