2.2.2. Principaux résultats de l'estimation de
modèle
Les résultats portent sur l'estimation du modèle
empirique par la méthode des GMM en système après
l'implémentation du test
d'hétéroscédasticité qui a permis de choisir les
GMM aux dépens des IV.
En effet, nous avons d'abord eu recours au test
d'hétéroscédasticité de Breusch-Pagan et
Cook-Weisberg (Annexe 2). Ce test a pour hypothèse
nulle H0 : la variance des erreurs est une constante (absence
d'hétéroscédasticité). Les résultats du test
se trouvant à l'Annexe 2 donnent une probabilité Prob>Chi2 =
0.0091. Par conséquent l'hypothèse nulle d'absence
d'hétéroscédasticité est fortement rejetée
et c'est l'hypothèse alternative qui est acceptée, celle de la
présence d'hétéroscédasticité. Dans ce cas,
il convient d'utiliser l'estimateur GMM plutôt que l'estimateur IV.
Puisque le GMM en différence est moins efficient que le
GMM en système, c'est donc de l'estimateur GMM en système dont
nous nous servons dans nos différentes régressions.
Après la spécification de l'estimateur, nous
avons procédé à l'estimation du modèle en trois
régressions (Annexe 3).
47
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
Tableau 4 : Estimateur GMM en Système
Variable dépendante : Taux d'épargne domestique
(tepd)
|
Régression I
|
Régression II
|
Régression III
|
tepd (-1)
|
0.8584 (0.000) ***
|
0 .7946 (0.000) ***
|
0.7922 (0.000) ***
|
d_lpibt
|
24.8309 (0.015) **
|
|
27.1592 (0.004) ***
|
intd
|
0.09926 (0.198)
|
|
-0.1941 (0.377)
|
infl
|
0.0033 (0.971)
|
|
-0.2804 (0.221)
|
d_credint
|
0.3178 (0.037) **
|
|
0.2979 (0.020) **
|
d_crinpr
|
-0.5071 (0.017) **
|
|
-0.4489 (0.025) **
|
young
|
|
2.4780 (0.273)
|
6.02769 (0.040) **
|
old
|
|
-52.6958 (0.190)
|
-59.0829 (0.133)
|
esp
|
|
-0.04096 (0.335)
|
-0.10115 (0.144)
|
urb
|
|
0.0968 (0.071) *
|
0.1331 (0.019) **
|
pol
|
0.1377 (0.115)
|
0.2584 (0.124)
|
0.3619 (0.002) ***
|
uem94
|
0.44011 (0.335)
|
0.27008 (0.644)
|
-0.1815 (0.735)
|
Sargan
|
Prob > chi2 = 0.935
|
Prob > chi2 = 0.915
|
Prob > chi2 = 0.836
|
AR(2)
|
Pr > z = 0.240
|
Pr > z = 0.196
|
Pr > z = 0.234
|
Significativité globale du modèle
|
F(8, 7) = 16.15 Prob>F = 0.001
|
F(7, 7) = 185.62
Prob>F = 0.0000
|
F(12, 7) = 31.88
Prob > F = 0.000
|
Nombre d'observations
|
245
|
245
|
245
|
( ) ***, ( ) ** et ( ) * indiquent respectivement la
significativité à 1%, 5% et 10% Source : Nos
données dans STATA 11
La Régression I a estimé les
variables macroéconomiques pouvant expliquées la performance
d'épargne dans l'UEMOA. Il ressort que le PIB réel par
tête, le crédit intérieur et le crédit au secteur
privé ont des effets significatifs sur l'épargne domestique. Dans
la Régression II, qui n'a prise en compte que les
variables démographiques, mis à part le taux d'épargne
domestique retardé, seul le taux d'urbanisation s'est
révélé significatif. Puisque les constituants
macroéconomiques, démographiques et politiques peuvent interagir
les uns sur
48
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
les autres, nous sommes passés à la
Régression III qui a pris en compte toutes ces
catégories de variables. Les résultats de cette régression
sont consignés dans la dernière colonne du Tableau 4
ci-dessus.
En plus des trois variables macroéconomiques (d_lpibt,
d_credint, d_crinpr) et de la variable institutionnelle (pol)
déjà significatives dans la Régression I, s'ajoutent dans
la Régression III le ratio de dépendance de moins de 15 ans
(young) et le taux d'urbanisation (urb).
L'épargne domestique dans la zone UEMOA est
positivement liée au PIB réel par tête, au volume du
crédit bancaire aux économies, à la stabilité
politique, au ratio de dépendance des moins de 15 ans et au taux
d'urbanisation. Elle est par contre négativement liée au
crédit du secteur privé.
Le coefficient du taux d'épargne domestique
retardé est resté positif et fortement significatif dans toutes
les régressions. Cela est le signe d'une évolution inertielle du
taux d'épargne domestique dans les pays de l'UEMOA. Le comportement
d'épargne est donc persistant dans ces pays une fois qu'il est
acquis.
Toutes les régressions effectuées dans cette
étude montrent que le PIB réel par tête est fortement
significatif et a un effet bien positif sur la croissance du taux
d'épargne. Ce résultat est en adéquation avec l'analyse
keynésienne de la fonction d'épargne selon laquelle une
augmentation progressive du revenu des agents réduit leur propension
marginale à consommer et par conséquent augmente la propension
marginale à épargner. Le coefficient de d_lpibt indique que la
variation positive d'un point du revenu réel par tête permet
à l'épargne domestique de connaître une évolution
à la hausse de 27.1594 de points. Cette preuve
empirique vient confirmer celles auxquelles ont abouti des études
précédentes dont celles de Bosworth (1993), Carrol et Weil (1994)
et de Edwards (1996). Elle corrobore l'hypothèse selon laquelle il
existe un »cercle vertueux» allant d'une croissance rapide à
des taux d'épargne élevés.
Le coefficient du crédit intérieur fourni par le
secteur bancaire (d_credint) est significativement positif. Nos
résultats indique la hausse du crédit bancaire de 10 points de
pourcentage se traduit par une hausse du taux d'épargne domestique de
2,98 points. Ceci en appelle au rôle essentiel des intermédiaires
financiers que sont notamment les banques classiques, les institutions
financières semi-formelles (les institutions de microfinance) du
système financier décentralisé (SFD) et les marchés
financiers. A l'opposer du coefficient du crédit bancaire, celui du
crédit au secteur privé est significativement négatif dans
les deux
49
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
régressions. Ceci est la preuve que les contraintes
liées à l'emprunt ou au crédit du secteur privé
agissent négativement sur la performance d'épargne des agents
économiques. Ce résultat conforte l'idée que le secteur
bancaire formel n'accompagne pas véritablement les initiatives du
secteur privé.
Nos résultats confirment alors les preuves empiriques
présentés par Schmidt-Hebbel et al (1994), et par Jappeli et
Pagano (1996) qui ont trouvé, à l'aide de différents
échantillons, que les contraintes sur l'emprunt affectaient
négativement l'épargne privée. Il est important de
préciser que ce résultat peut porter à discussion dans la
mesure où le taux du crédit fourni au secteur privé peut
ne pas refléter sa vraie valeur surtout dans le cas des pays en
développement où le secteur informel représente une part
importante du secteur privé. En plus, seul le crédit du
système bancaire classique est pris en compte alors que le rôle
des institutions financières informelles ou semi-formelles dans les
activités du secteur privé, surtout celles des petites et
moyennes entreprises, est d'une importance non négligeable. La raison
est la non disponibilité des données relatives aux crédits
des institutions du système financier décentralisé sur une
longue durée.
Le coefficient du taux d'intérêt, bien que non
significatif, est négatif dans les deux régressions du tableau 5.
Ce résultat est cohérent avec les résultats obtenus dans
beaucoup de travaux de recherche dont celui de Edwards (1996). Et comme l'a
trouvé Giovannini (1985) à partir d'un échantillon de pays
en développement analysés en coupes transversales, la
réponse de l'épargne à la variation du taux
d'intérêt réel n'est pas significativement
différente de zéro. De même Schmidt-Hebbel, Webb, et
Corsetti (1992) n'ont trouvé aucun effet net du taux
d'intérêt sur l'épargne. Aussi, le coefficient du taux
d'inflation s'est révélé négatif mais non
significatif dans ces deux régressions. Ces deux derniers
résultats laissent présager que, quand bien même
négatifs dans toutes les régressions, les décisions
d'épargne dans la zone UEMOA ne sont pas nécessairement fonction
de la stabilité macroéconomique (l'inflation) et de la
rémunération de l'épargne (le taux
d'intérêt).
Ces résultats vérifient notre première
hypothèse de recherche qui stipule que les variables
macroéconomiques influencent différemment, et selon leur nature,
les performances d'épargne dans l'UEMOA.
Le coefficient de l'indice des libertés politiques
utilisé comme proxy de stabilité politique est statistiquement
significatif au seuil de 5%. Son coefficient indique qu'une amélioration
du score de un point augmenterait le taux d'épargne de 0.36%. Ce
résultat permet d'affirmer
50
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
qu'un environnement politique plus stable est propice à
l'épargne dans la mesure où il donne confiance aux acteurs
économiques à faire des investissements dont une partie des
revenus pourrait être consacrée à l'épargne. Ceci
vient en appui dans une certaine mesure à la conclusion de
l'étude de Nissanke et Aryeetey (1998) qui indiquait que les variables
structurelles et institutionnelles sont très importantes dans la
mobilisation de l'épargne publique et privée des pays de
l'Afrique sub-saharienne.
Deux de nos quatre variables démographiques sont
significatifs au seuil de 5%. Il s'agit du ratio de dépendance des
personnes âgée de moins de 15 ans (young) et le taux
d'urbanisation (urb). Le ratio de dépendance des jeunes gens (young) a
un effet positif sur l'épargne domestique. Ce résultat contraste
avec l'hypothèse de cycle de vie et contredit un certain nombre de
preuves empiriques, mais n'est pas vide de sens. Les pays africains sont
marqués par l'extrême jeunesse des populations. Pour les pays de
l'UEMOA et sur notre période d'étude, près de 46% de la
population a moins de 15 ans et dans le même temps près de 70% de
la population vie en milieu rural. Ces facteurs font que les jeunes sont
fortement sollicités dans les activités agricoles étant
donné que la plupart des pays de la sous région sont
essentiellement agricoles. Très tôt, les jeunes participent donc
à la création de la richesse nationale même bien avant
l'âge adulte ; ce qui peut laisser paraître cet effet positif sur
le taux d'épargne domestique. Il faut chercher à juguler cet
effet car à long terme il peut devenir négatif et
constitué une entorse à la croissance économique de ces
pays.
Cependant et conformément à l'hypothèse
de cycle de vie, le ratio de dépendance des personnes âgées
(old) agit négativement sur le comportement d'épargne quoi que
dans nos estimations les coefficients de cette variable ne sont pas
significatifs. Ce résultat se rapproche de celui de Nissanke et
Areyeetey (1998) qui trouvaient tout à fait normal l'effet
négatif du ratio de dépendance sur l'épargne privée
mais affirment que la relation entre ces deux variables est encore loin
d'être solide. L'espérance de vie à la naissance a
également un effet négatif, comme on peut s'attendre, sur le taux
d'épargne domestique ; seulement que l'effet n'est pas significatif.
Le taux d'urbanisation s'est révélé comme
une variable agissant positivement sur l'épargne domestique des pays de
la zone bien. En moyenne 28.56% seulement des populations de la zone UEMOA
vivent en milieu urbain sur la période d'étude. L'accroissement
du taux d'urbanisation permet aux populations de disposer davantage des
méthodes conventionnelles d'épargne grâce à
l'accessibilité aux services financiers plutôt que d'avoir recours
aux formes d'épargne non monétaire telles que les bijoux de
valeur et les biens réels.
51
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
Ces derniers résultats nous amènent à
reconnaître que notre deuxième hypothèse de recherche n'est
pas totalement vérifiée ce qui es d'ailleurs
prévisible.
Implications de politiques
économiques
Les principaux enseignements que nous dégageons des
résultats obtenus peuvent être résumés comme suit
:
- Le PIB réel par tête représente une
variable d'influence importante de l'épargne domestique dans les pays
de l'Union. En conséquence, toute politique visant à promouvoir
l'épargne intérieure aurait des effets limités si elle ne
vise pas d'abord à accroître les revenus des habitants.
- Le crédit intérieur bancaire et les
contraintes au crédit du secteur privé méritent une
attention particulière de la part des pouvoirs
politiques. Il revient aux institutions financières publiques comme
privées, formelles, informelles ou semi-formelles de jouer chacun
pleinement sa partition. Les banques classiques se doivent de rendre moins
couteux l'accès au crédit en rendant plus flexibles les
conditions et modalités d'emprunt. L'activité des systèmes
financiers décentralisés doit être encouragée en la
rendant beaucoup plus professionnelle.
Les institutions de microfinances, qui prennent en charge la
couche de la population (la plus importante d'ailleurs) exclut du
système financier classique en leur accordant non seulement des
crédits à des conditions d'accès moins coûteuses,
mais aussi d'autres produits financiers, doivent être consolidées
dans leurs activités. Notons tout de même que les taux
d'intérêt souvent élevés sur les crédits
pratiqués par ces institutions ne sont toujours pas de nature à
optimiser leurs prestations surtout celle de permettre aux couches les plus
défavorisées de pouvoir entreprendre des activités
productives et génératrices revenu même si on peut
comprendre que se sont les intérêts sur les crédits
accordés qui permettent d'assurer une partie du salaire du personnel de
ces institutions et de rémunérer l'épargne.
Certes, le rôle de l'épargne intérieure
est à présent unanimement reconnu comme essentiel dans le
développement économique. Mais l'organisation des organes de sa
collecte et de sa redistribution demeure un chantier inachevé. En effet,
les systèmes financiers formels sont des intermédiaires
financiers surs, mais leurs actions sont limitées pour promouvoir le
52
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
développement. Quant aux systèmes financiers
décentralisés qui font le choix de la mobilisation de
l'épargne intérieure, dont la dimension plus globale et le
caractère professionnel permettent une accumulation de l'épargne
ainsi qu'une allocation plus efficace et plus large des crédits, les
parts qu'ils consacrent au financement des investissements des
micro-entreprises limitent les perspectives de développement.
L'épargne intérieure est donc un élément majeur du
développement, à condition que les institutions d'épargne
et de crédit ne restent pas neutres ou indifférents, et assument
pleinement leur rôle dans le financement de l'économie.
- Le ratio de dépendance est également un
facteur déterminant dans le comportement
d'épargne des populations de la zone UEMOA. Mais
étant donné que la plupart des pays africains ne sont pas encore
arrivés à la fin de leur transition démographique et que
le taux de croissance démographique reste encore élevé,
seule une politique de création d'emploi par les pouvoirs publics
pourrait réduire le taux de dépendance et permettre
l'accumulation du capital sans pour au tant s'inquiéter des
désépargnes pendant les périodes de retraite.
- Un environnement politique stable fait régner la
confiance au sein des populations qui
sont plus à même de prendre des initiatives
d'épargner. Les crises politiques ne sont donc pas favorables à
l'épargne domestique et par à la croissance économique.
- Les situations d'instabilité macroéconomique
ou d'inflation grandissante créent un
climat d'incertitude en favorisant les dépenses de
consommation ; ce qui réduit du coût la part du revenu disponible
pour l'épargne. Cet effet négatif n'est certes pas significatif
dans cette étude mais, nous estimons que pour garantir un niveau
d'épargne domestique élevé, il convient de maintenir
toujours l'inflation un niveau raisonnable.
- Le taux d'intérêt réel a un effet non
significatif sur l'épargne domestique des pays de la zone. Ce qui sous
tend que la décision d'épargne n'est pas fondamentalement
basée sur les intérêts que va produire l'argent
épargné. Une baisse ou une hausse de ce taux n'aura pas
forcément un effet significatif sur l'épargne domestique. Mais il
tout à normal de rémunérer le sacrifice de privation
à la consommation d'une partie de son revenu dans sa juste mesure.
La mise en oeuvre de ces mesures ne peut avoir d'effet
réel que si elle est opérée de façon
collégiale.
53
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
|