Chapitre 3 : Approche méthodologique et
présentation des résultats
Section 1 : Approche méthodologique
1.1. Modèle théorique : une extension du
modèle de cycle de vie
Le modèle économétrique qui sera
utilisé est fondé sur le modèle théorique
keynésien et les hypothèses de Solow. Dans la
spécification de la fonction d'épargne, l'étude utilise la
forme fonctionnelle générale, couvrant une vaste gamme de
modèles décrits dans la littérature6. La forme
générale de la fonction d'épargne est exprimée
comme :
(1)
Où est le taux d'épargne intérieure, et
est le vecteur des variables explicatives dont le PIB réel, le taux
de croissance du PIB réel, l'inflation, le taux d'intérêt,
le ratio de dépendance, la taille du ménage, le crédit au
secteur privé, l'épargne nationale, l'épargne
extérieure, ...
1.2. Données
La présente étude utilise les données
annuelles et couvrent la période 1975 à 2010 et portent sur sept
pays de l'UEMOA. A l'exception de la Guinée Bissau, le travail porte sur
Benin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Sénégal
and Togo. Toutes les données sont tirées du African Development
Indicators (ADI) 2011. Toutefois, les données manquantes sont mises
à jour à partir des bases des Statistiques Internationales des
Finances de la Banque Mondiale et comptes statistiques de la BCEAO.
6 Dans la littérature
empirique, beaucoup d'études ont utilisé la même
spécification dont celles de Gutierrez (2007), Loayza (2000), Agrawal
(2000), Elbadawi et Mwega (2000).
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
1.3. Variables et définitions
Taux d'épargne domestique (tepd) est
calculé comme le rapport entre l'épargne intérieure
(publique et privée) et le PIB. L'épargne domestique brute
représente la différence entre le PIB et les dépenses de
consommation finale. D'une manière plus précise, il s'agit de la
partie du revenu intérieur disponible qui n'est pas affectée
à aux dépenses de consommation finale, celle des ménages,
des entreprises ou de l'Etat.
L'épargne domestique brute correspond aussi à la
somme des épargnes brutes des différents secteurs
institutionnels. Cet indicateur tire son utilité du fait qu'il nous
renseigne sur la capacité d'un pays à se servir de ses propres
capitaux pour des investissements. Ceci pour être moins dépendant
vis-à-vis des capitaux étrangers et des transferts des nationaux
résidant à l'étranger dont les revenus sont souvent
très sensibles à l'environnement économique
international.
Nous utilisons le taux d'épargne brute plutôt que
l'épargne nette à cause de la nature très arbitraire des
allocations de consommation du capital. Ces allocations varient aussi à
travers les pays et par conséquent pourraient créer des biais de
comparabilité de nos estimations. Par ailleurs nous utilisons comme
indicateur du niveau de l'épargne intérieure le taux
d'épargne intérieure au lieu des valeurs brute à cause des
valeurs négatives que peut prendre l'épargne domestique durant
les périodes de désépargnes nette.
La décision d'utiliser l'épargne domestique
plutôt que l'épargne nationale vient du fait que l'épargne
nationale prend en compte les revenus nets de transferts. En effet, les canaux
de transmission et les valeurs officielles de ces revenus sont sujets à
beaucoup de polémiques, surtout dans les pays en développement.
Les revenus de transferts sont pour la plupart destinés à
satisfaire les besoins de consommation ou investis dans l'immobilier. Ceci pour
dire qu'une part importante de ces revenus n'est pas épargnée, du
moins sous forme financière, et donc non disponible pour un
investissement productif, contrairement à la plupart des pays de l'Asie
du sud (Agrawal, 2000).
Comme variables explicatives et déterminants
potentiels, cinq variables macroéconomiques et trois variables
démographiques auxquelles s'ajoutent une variable de stabilité
politique et une variable binaire sont utilisées.
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
Le PIB réel par tête (lpibt),
utilisé comme proxy de l'activité économique, est la somme
des valeurs réelles des productions de tous les résidents dans
l'économie plus les prélèvements fiscaux diminuée
des subventions de l'Etat sur la population totale.
infl : taux d'inflation (déflateur du
PIB) ; il mesure le niveau général des prix et détermine
la valeur de la richesse en termes réels. Il est utilisé comme
proxy de l'instabilité macroéconomique.
intd : taux d'intérêt
réel sur les dépôts bancaires. Il mesure la
rémunération de l'épargne. Ce taux correspond aux
rémunérations de la plupart des ménages et même des
firmes dans les pays en développement puisque les dépôts
bancaires constituent la principale forme d'actifs financiers. Le taux
d'intérêt des dépôts est calculé comme la
différence entre le taux d'intérêt nominal des
dépôts bancaires et le déflateur du PIB.
Les variables credint (crédit
intérieur fourni par secteur bancaire) et crinpr
(crédit intérieur fourni au secteur privé)
exprimées en pourcentage du PIB, sont utilisées comme indicateurs
du développement financier. crinpr est un proxy des
contraintes liées à l'emprunt ou au crédit. Elles
permettent d'apprécier l'intermédiation financière et la
performance du système financier de la zone.
pol : indice global de droits politiques.
Elle est utilisée comme une variable muette, et permet de
contrôler l'effet de la situation de l'environnement politique sur la
performance d'épargne des agents. Son indice est compris entre 1 et 7 (1
= libre ; 7 = répression). Les notes les plus basses (1 et 2) dans
l'échelle des droits politiques établie par Freedom House sont
décernées aux pays respectant les critères suivants : la
tenue d'élections justes, la présence de partis d'opposition qui
peuvent jouer un rôle important, ainsi que le respect des droits des
groupes minoritaires. Les notes les plus élevées (6 et 7) sont
accordées aux États où les droits politiques sont
inexistants, que ce soit à cause d'un régime oppressif, d'une
conjoncture particulière ou d'une situation d'instabilité
provoquée par les activités de groupes violents.
Le ratio de dépendance, défini
comme le rapport de la population dépendante (ceux qui ont moins de 15
ans et ceux qui sont âgés de plus de 65 ans) à la
population active (âgée de 15 à 65 ans), est la variable
démographique la plus utilisée et renseignerait mieux sur la
structure de la population (même s'il est vrai que ce n'est pas tous ceux
qui sont âgés de 15 à 64 ans qui pourraient travailler et
épargner, de même que ce n'est pas tous qui sont âgés
de moins de 15 ans et de plus de 65 ans qui seraient forcement
dépendants ou vont désépargner). Pour mieux
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
apprécier son effet, nous avons décomposé
le ratio de dépendance en deux catégories : young et old.
young pour la population âgée de 0 à 14
ans et old celle âgée de 65 ans et plus.
esp est la variable qui tient compte de
l'espérance de vie à la naissance des populations. En se fiant au
motif de précaution dans le comportement d'accumulation des agents, une
espérance de vie plus longue aura tendance à accroître les
taux d'épargne. Par contre si l'espérance de vie à la
retraite est longue, elle se traduirait par une désépargne plus
forte et aura un effet négatif sur l'épargne.
urb est le taux d'urbanisation calculé
comme la population urbaine rapporté à la population totale. Elle
devrait avoir un effet positif sur le taux lorsqu'on suppose qu'un taux
d'urbanisation plus élevée témoigne d'une
accessibilité plus facile aux instruments financiers.
Une variable dichotomique est utilisée dans nos
estimations ; il s'agit de la variable uem94. La variable
uem94 prend la valeur 0 pour les
années avant la création de l'UEMOA et la valeur 1
pour années après sa création avec l'année
1994 comme année de croisière qui coïncide avec la
dévaluation de franc CFA. Elle est introduite pour voir si le passage
d'une union monétaire à une union économique et
monétaire a eu un effet quelconque sur la performance d'épargne
des pays de la dite zone.
Inertie
Il faut relever que les taux d'épargne
présentent généralement un comportement inertiel ;
c'est-à-dire qu'ils sont sériellement corrélés
même après avoir contrôlé les autres facteurs. Par
conséquent le taux d'épargne retardé doit être
introduit dans les équations comme un déterminant potentiel de
l'épargne domestique, impliquant que les facteurs qui affectent le taux
d'épargne auront d'impacts aussi bien à court terme qu'à
long terme.
Les valeurs manquantes et ou atypiques ont été
remplacées après avoir étudié la tendance de la
variable pour ces pays. Si la tendance est en hausse ou en baisse, les valeurs
manquantes sont obtenues par extrapolation en supposant constant le taux de
croissance ou de déclin. Dans la mesure où la tendance est en
fluctuation, les valeurs manquantes ont été remplacées par
la moyenne de la variable.
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
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