Section 4 : Preuves empiriques
Les études empiriques qui ont examinées ces
déterminants, que ce soit dans les pays développés qu'en
développement, ont employé plusieurs méthodes. Certaines
études se sont essentiellement focalisées sur les modèles
à effets fixes en utilisant les méthodes des moindres
carrés ordinaires MCO pour expliquer les variations dans les
performances d'épargne à travers les pays. D'autres ont
utilisées des techniques de cointégration et des tests
d'intégration (méthodes des variables instrumentales et des
moments généralisées) qui autorisent
l'hétérogénéité dans les paramètres
et les dynamiques à travers les pays. Des travaux se sont
intéressés particulièrement aux interactions entre les
facteurs démographiques (le taux de fertilité, le ratio de
dépendance, l'espérance de vie) et l'épargne des
ménages. D'autres ont analysé un ensemble de variables
macroéconomiques tels que le revenu (PIB), le taux
d'intérêt réel, les changements dans les termes
d'échange, l'offre de monnaie, les dépenses publiques et le
degré d'ouverture, ... pour capter les principaux déterminants de
l'épargne intérieure (publique et/ou privée). D'autres
encore ont utilisé des facteurs mixtes démographiques et
macroéconomiques.
Les résultats de Ouliaris (1981) sur le comportement
d'épargne en Australie montrent que les taux d'intérêt
exercent une influence négative sur les ratios d'épargne et que
de faibles taux d'intérêt contribuent en une augmentation dans les
ratios d'épargne.
Giovannini (1985) a testé empiriquement
l'hypothèse selon laquelle l'épargne réagit positivement
aux changements dans les taux d'intérêt des pays les moins
avancés. Ses résultats ont révélé une
très faible réactivité de l'épargne globale au
changement du taux d'intérêt réel.
Gupta (1987) trouve également certaines preuves de
l'effet positif des taux d'intérêt créditeur réel
sur l'épargne nationale en Asie mais pas en Amérique Latine ; une
relation positive a été trouvée entre le taux
d'intérêt créditeur réel et l'épargne pour
neuf pays d'Afrique. Il souligne que seuls de grands changements dans les taux
d'épargne permettraient d'avoir des effets positifs
économiquement importants.
30
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
Dans un article d'enquête, Balassa (1992) est parvenu
à la preuve empirique que l'effet des taux d'intérêt
réels sur l'épargne est positif dans les pays en
développement, confirmant les résultats de Koskela et Viren
(1982) pour les pays développés allant dans le même sens
c'est-à-dire que l'épargne augmente à mesure que le taux
d'intérêt augmente.
Doshi (1994) a démontré que l'espérance
de vie est un facteur important et statistiquement significatif du niveau
d'épargne dans les pays en développement. Toute fois les
résultats sont sensibles au niveau de développement de chaque
pays et à la diversité régionale.
Dans une tentative d'examen des déterminants du taux
d'épargne au Pakistan, Khan et al (1994) ont utilisé un ensemble
de variables dont le revenu, le taux d'intérêt réel, le
ratio de dépendance, le flux des capitaux étrangers, l'aide
extérieure, le taux d'échange, et le degré d'ouverture.
Ils aboutissent à la preuve que le PNB par habitant a un effet fortement
positif sur l'épargne nationale ; le taux d'intérêt
réel, le taux de change et le degré d'ouverture de
l'économie influencent positivement l'épargne nationale. Par
contre le ratio dette sur PNB, le ratio de dépendance affectent
négativement l'épargne nationale du Pakistan.
A l'aide de la méthode des moindres carrés
ordinaires (MCO), Hahn (1994) procède à des analyses empiriques
en utilisant des variables macroéconomiques sur la période
1971-1991 pour montrer que, des taux de croissance élevés du
revenu disponible et des taux d'intérêt plus élevés
ont contribué à des taux d'épargne élevés en
Corée. Par contre, des taux d'inflation élevés et des
déficits budgétaires ont des effets négatifs sur les taux
d'épargne en Corée.
Edwards (1996) a examiné le processus de
détermination du taux d'épargne dans 36 pays sur la
période 1970-1992 en utilisant des variables macroéconomiques,
démographiques et des indicateurs politiques. La croissance du revenu
par habitant apparaît être le déterminant le plus important
de l'épargne publique et privée. Les résultats ont
également montré que l'épargne publique est plus faible
dans les pays avec une instabilité politique plus grande et que
l'épargne publique évince l'épargne privée mais
moins que proportionnellement. Il a trouvé également que le
développement financier se révèle être un autre
déterminant important de l'épargne privée.
Dayal-Ghulati et Thirmann (1997) ont analysé les
déterminants empiriques de l'épargne privée pour un
échantillon des économies de l'Asie du Sud-Est et de
l'Amérique Latine sur la période 1975-1995. Les résultats
ont indiqué que la politique budgétaire et plus
particulièrement les mesures de sécurité sociales sont le
principal facteur de politique
31
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
budgétaire qui affecte positivement l'épargne
privée dans certains pays d'Asie du Sud-Est. En plus, la
volatilité de l'inflation apparaissait avoir un effet négatif sur
l'épargne privée en Amérique Latine. La stabilité
macroéconomique et le développement financier sont clairement des
variables importantes qui déterminent positivement le comportement
d'épargne dans les deux régions.
Pour identifier les déterminants empiriques de
l'épargne des ménages, Callen et Thirmann (1997) ont fait
l'étude en utilisant les données de 21 pays de l'OCDE de 1975
à 1995. Ils se sont focalisés sur l'influence des impôts et
des systèmes de sécurité sociale sur l'épargne des
ménages. Le vecteur des variables explicatives a pris en compte la
structure du système d'imposition et le financement de la
sécurité sociale et du système d'aide sociale. Ces
variables se sont révélées avoir un impact positif sur
l'épargne des ménages et donnaient par là même, un
signal aux autorités de politiques économiques qu'en changeant la
conception de ces systèmes l'Etat peut être amené à
influencer l'épargne nationale.
Mwega (1997) a réalisé une étude
comparative en utilisant les modèles de cycle de vie et du revenu
permanent des taux d'épargne privée moyens dans 33 pays, incluant
15 pays africains et a constaté que les taux d'épargne
étaient généralement plus faibles dans les pays en
développement. Il a trouvé des coefficients positifs et fortement
significatifs pour le revenu par tête, la croissance du revenu par
tête et le niveau de profondeur du développement financier
(M2/PIB) ; puis un coefficient non significatif pour les contraintes
financières. Se focalisant particulièrement sur les pays
africains, Mwega (1997) a trouvé que l'épargne privée
était largement déterminée par le niveau du revenu par
tête, la croissance économique, les termes de l'échange,
les taux d'épargne publique et le ratio de dépendance. Il a
finalement conclu que les taux d'épargne bas en Afrique sont à la
fois les conséquences de la fonction d'épargne privée et
des conditions économiques initiales.
L'étude menée par Cardenas et Escobar (1998) sur
les déterminants de l'épargne en Colombie a utilisée un
cadre du modèle de préférence intertemporelle. Leurs
résultats ont confirmé le lien fort entre l'épargne
nationale, les dépenses publiques et le ratio de dépendance. Ils
ont aussi trouvé que l'épargne nationale répond
partiellement aux changements temporaires dans la production et que les
dépenses publiques élevées étaient associées
à de faibles taux d'épargne nationale. Les résultats ont
également indiqué qu'une augmentation dans le ratio de
dépendance a un effet significativement négatif sur les taux
d'épargne privée.
32
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
Masson et al. (1998) ont examiné les
déterminants de l'épargne privée pour un grand nombre de
pays développés et sous développés en utilisant les
données en séries temporelles et en coupes transversales. Les
résultats indiquaient qu'il existe un effet compensatoire partiel de
l'épargne privée dû aux changements dans l'épargne
publique de pays industrialisés ; alors que dans les pays en
développement les variables démographiques et la croissance du
PIB se trouvent être les déterminants les plus importants des taux
d'épargne privée.
Haque et al. (1999) utilisant les mêmes données
de panel que celles utilisées par Masson et al. (1998) en y introduisant
les dynamiques pour permettre
l'hétérogénéité à travers les pays.
Les résultats avec la méthode des moments
généralisés (GMM) montrent que seuls les effets du ratio
du budget global du gouvernement par rapport au PIB et le ratio des
dépenses courantes par rapport au PIB sont robustes suite à la
présence des dynamiques dans les données de panel.
Hussein et Thirlwall (1999) ont analysé les principaux
déterminants des différences dans le ratio de l'épargne
domestique pour un panel de 62 pays couvrant la période 1967-1995. Une
distinction fondamentale est faite entre les déterminants de la
capacité à épargner et ceux de la volonté à
épargner. La capacité à épargner dépend
essentiellement du niveau de revenu par tête (mais non
linéairement) et la croissance du revenu (hypothèse de cycle de
vie). La volonté à épargner est supposée
dépendre des facteurs financiers tels que le taux
d'intérêt, le niveau du développement financier et
l'inflation. Leurs résultats n'ont pas confirmé l'effet positif
du taux d'intérêt, mais un lien positif et significatif est
établi entre le niveau du développement financier mesuré
par la monnaie, quasi-monnaie (M2) rapportée au PIB et l'épargne
domestique. L'inflation exerce un effet modérément positif sur
l'épargne domestique mais cet effet devient très tôt
négatif. L'épargne globale dépend positivement de
l'épargne publique mais curieusement il s'est
révélé une relation négative entre la pression
fiscale et le taux d'épargne domestique.
Le travail de Hussian et Brookins (2001) basé sur les
données en coupe transversale et des données de panel sur un
grand échantillon de pays a abouti aux conclusions que la part de
l'agriculture dans la production totale, la balance budgétaire, la
balance du compte courant sont des variables à coefficients
significatifs dans l'explication du comportement d'épargne.
Sarantis et Stewart (2001) ont utilisé les techniques
des tests de cointégration pour examiner les déterminants de long
terme des taux d'épargne privée avec un panel dynamique des pays
de l'OCDE durant les années qui ont suivies la deuxième guerre
mondiale. Ils sont arrivés à
33
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
l'évidence qu'il existe équilibre de long terme
de la fonction d'épargne. Bien que les résultats suggèrent
des déterminants significatifs du taux d'épargne, les
paramètres estimés varient significativement à travers les
pays.
Halleq (2003) a analysé et examiné les
déterminants de l'épargne privée en Jordanie entre 1976 et
2000 en utilisant la méthode des moindres carrés ordinaires MCO
et des variables instrumentales. Les principaux résultats nous
renseignent que le ratio de dépendance a un effet significativement
négatif sur l'épargne privée. Cependant le taux de
croissance du PIB par habitant a un effet significativement positif sur
l'épargne privée. En plus le développement du
marché de crédit aux consommateurs, le ratio de
sécurité sociale, les dépenses d'aide sociales affectent
positivement l'épargne privée. Finalement, le taux
d'intérêt réel, le taux d'inflation et les termes
d'échange ont des effets non significatifs sur le niveau
d'épargne privée en Jordanie.
Özcan et al (2003) ont étudié les
déterminants de l'épargne privée en Turquie de 1968
à 1994. Les résultats du modèle estimé ont
confirmé l'hypothèse que l'évolution des taux
d'épargne privée présente une grande inertie. Il est alors
trouvé que les effets d'un changement dans un déterminant
donné de l'épargne sont entièrement observables dans le
court terme que dans le long terme. Les résultats ont également
montré que bien qu'une épargne publique exerce un effet
d'éviction sur l'épargne privée, elle l'est dans une
moindre mesure, et par conséquent l'hypothèse de l'Equivalence
Ricardienne n'est pas strictement confirmée. Aussi, le niveau de revenu
a un effet positif sur le taux d'épargne privée. Cependant, la
croissance du revenu n'est pas statistiquement significative.
Par ailleurs, il est apparu que les chocs sur les termes de
l'échange et des systèmes financiers prononcés tendent
à contribuer à des taux d'épargne privée plus
élevés. L'espérance de vie a un effet négatif sur
l'épargne privée. En plus, le motif de précaution de
l'épargne est appuyé par la conclusion que l'inflation captait le
niveau d'incertitude macroéconomique et a un effet positif sur
l'épargne en Turquie. Bien que le déficit du compte courant
représente une variable explicative importante, son effet n'est pas
significatif.
Modigliani et Cao (2004) ont conduit une étude sur les
déterminants du taux d'épargne des ménages en Chine en
utilisant les données en séries temporelles de 1953 à
2000. Ils trouvent que le taux de croissance de long terme, l'inverse du ratio
de dépendance (approximé par le ratio de la population active aux
nombre des mineurs), l'écart entre la croissance et le taux de
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
croissance de long terme et l'inflation ont des effets
positifs et significatifs sur le taux d'épargne des ménages en
Chine.
Athukorala et Sen (2004) ont examiné les
déterminants de l'épargne privée de l'Inde entre 1954 et
1998. La méthodologie utilisée dans cette étude a
nécessité l'estimation d'une fonction d'épargne
dérivée du modèle de cycle de vie. Les résultats du
modèle ont fourni la preuve de l'effet statistiquement positif du taux
d'intérêt réel, de la croissance du revenu par tête,
l'approfondissement du système financier et du taux d'inflation sur
l'épargne domestique. D'autre part, les termes d'échange et les
transferts de fonds intérieurs des nationaux résidant à
l'étranger ont un effet négatif sur les comportements
d'épargne en Inde. Les résultats portant sur le taux d'inflation
suggèrent qu'une inflation modérée affecterait
positivement l'épargne privée.
Bhole et Mahakud (2005) montrent que le taux d'épargne
agrégée en Inde est demeuré à un niveau
relativement faible sur la longue période de 1966-2000 et a, en effet,
chuté dans un passé récent ; ce qui est une
préoccupation si l'économie nationale veut atteindre le taux de
croissance économique prévu. Il ressort de leur travail que les
profits après impôts, les opportunités d'affaires,
l'accès aux ressources financières extérieures, le
coût des emprunts et le coût d'investissement sont les
déterminants essentiels de l'épargne du secteur privé
national en Inde. Leur papier a analysé les tendances dans
l'épargne privée nationale sur cette période (1966-2000)
et a utilisé les données de panels dynamiques par la
méthode de moments généralisés (GMM) pour
identifier empiriquement les facteurs qui influencent les décisions
d'épargne en Inde.
A l'aide des données de panel des provinces, Horioka et
Wan (2006) ont menée l'analyse sur les déterminants du taux
d'épargne des ménages en Chine en utilisant un modèle de
cycle de vie sur les provinces chinoises sur la période 1995-2004
à partir d'une enquête sur les ménages chinois. Ils
trouvent que le taux d'épargne des ménages en Chine était
élevé et est en augmentation et que les principaux
déterminants des variations dans le temps et dans l'espace sont le taux
d'épargne retardé (inertie), le taux de croissance du revenu, le
taux d'intérêt dans beaucoup de cas et le taux d'inflation dans
certains cas. Cependant, ils trouvent que les variables relatives à la
structure d'âge de la population, ont l'effet escompté sur le taux
d'épargne des ménages seulement dans un des quatre
échantillons. Ces résultats apportent un soutien mitigé
aussi bien à l'hypothèse de cycle de vie qu'à celle du
revenu permanent, mais cohérent avec l'existence du
phénomène d'inertie ou de persistance et indiquent que le taux
d'épargne des ménages chinois restera élevé dans
les toutes prochaines années.
35
Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
Enfin Touny (2008) a analysé les déterminants de
l'épargne domestique en Egypte de 1975 à 2006 en utilisant les
techniques de cointégration. Il a trouvé à l'issu de ces
travaux que le PIB par habitant agit significativement et positivement
l'épargne domestique surtout dans le long terme. Le ratio du
déficit budgétaire l'affecte négativement. Le
développement financier mesuré le ratio M2/PIB, le taux
d'intérêt et le taux d'inflation ont un effet positif et
significatifs sur l'épargne domestique de l'Egypte, alors que le
déficit du compte courant a un effet négatif et significatif dans
le court et long terme.
Nous pouvons conclure à partir de la littérature
empirique ci-dessus que les déterminants de la performance
d'épargne sont multiples et variés à travers les pays. La
plupart des études empiriques ont mis l'accent sur l'effet significatif
et négatif de l'épargne publique sur l'épargne
privée conformément à la théorie d'effet
d'éviction selon laquelle l'épargne publique tend à
évincer l'épargne privée. De plus l'association positive
et directe entre la croissance du taux du PIB, la croissance du PIB par
habitant et l'épargne privée indique que ces variables
représentent les déterminants les plus importants de
l'épargne publique et privée. Le taux d'intérêt
réel, le taux d'inflation et les termes de l'échange apparaissent
avoir un effet ambigu sur les niveaux d'épargne. Par contre les facteurs
démographiques tels que le ratio de dépendance,
l'espérance de vie et le taux d'urbanisation semblent agir
négativement sur les taux d'épargne ; reste à
préciser que la significativité de ces variables est
mitigée dans les études.
Cependant, en tenant compte des différences entre les
conditions économiques, sociales et démographiques des pays, nous
ne pourrions pas affirmer avec certitude que ces facteurs, lesquels avaient
expliqué avec succès le comportement d'épargne dans un
pays ou dans un groupe de pays seraient certainement appropriés ailleurs
; d'où l'intérêt de notre étude pour les pays de la
zone UEMOA. Certains facteurs peuvent être significatifs dans un cas,
mais pas dans d'autres cas et il convient que ces facteurs soient soigneusement
examinés en prenant en compte les caractéristiques de chaque cas.
Ainsi, nous nous proposons d'examiner dans cette étude les facteurs
macroéconomiques et démographiques qui expliqueraient les
décisions d'épargne domestique dans l'espace UEMOA ; laquelle
étude peut aider les responsables de politiques économiques
à formuler des politiques idoines qui accroissent les ratios
d'épargne domestique de ces pays afin de promouvoir la croissance
économiques à travers des investissements productifs et enrichir
la littérature empirique déjà existante sur la question
d'épargne.
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Déterminants de l'épargne domestique dans
l'UEMOA
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